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Thaïlande

Siamese Outlaws

Thaïlande | 2004 | Un film de Wenai Phathomboon | Avec Dom Heatrakul, Ekphan Banluerit, Wichan Meesam, Sombat Methani, Parab Yutthapichai, Sasithon Thongsu

En l’an 2508 du calendrier thaïlandais - soit en 1963 -, la région d’Ayutthaya va connaître l’un des hold-up les plus sanglants de son histoire... Tiger Khaw est présenté au gang mené par Tiger Lamai, sorte de chamane hirsute et brutal, qui malmène ses hommes comme ses serviteurs pour une simple bouteille de whisky. Lamai se méfie du nouveau venu, mais celui-ci est venu avec un plan pour dérober l’or de l’ensemble des boutiques du marché de Tha Ruea, gavé de bijouteries. Pour ce faire, Khaw a besoin de beaucoup d’hommes ; aussi le gang de Tiger Sak, allumé de la gâchette, est-il appelé en renfort. Le jour du casse, pendant qu’une partie des bandits s’attaque au commissariat, le reste s’en donne à cœur joie dans le marché. Mais alors que Khaw souhaitait agir sans heurts ni blessés, Sak et ses hommes flinguent les marchants et passants à tour de bras, femmes y compris... Lamai lui, est resté en retrait dans la jungle et accueille les bandits victorieux. Il se chargera dans un délai d’une semaine, d’écouler l’or dérobé pour que chacun reçoive son dû. Mais la police ne l’entend pas de cette façon ; un par un, les hommes de Sak et de Lamai vont être arrêtés, dans le but de mettre la main sur Khaw. Certains parlent, d’autres non, et l’unité des gangs commence à se désagréger... Combien des 17 bandits vivront assez longtemps pour toucher leur part du magot ?

Second titre distribué par KubiK Vidéo dans nos contrées après le nonchalant mais agréable Goodman Town, Siamese Outlaws fait partie de ces films à vous fâcher avec une mode en devenir. Alors que Bangrajan et The Iron Ladies par exemple, n’ont pas connu le succès international qu’ils auraient mérité, des navets comme Ong-Bak et le présent Siamese Outlaws sont célébrés un peu partout, et l’on s’appuie sur leurs épaules pour crier à l’Eldorado du nouveau cinéma thaïlandais. Ong-Bak a au moins le mérite de donner - littéralement - un coup de pied au cul du cinéma de baston ; Siamese Outlaws pour sa part, ne possède pourtant pas la moindre qualité.

Cet état de fait, qui peut vous sembler péremptoire, apparaît comme une évidence au terme de dix minutes de film. Passée une introduction sans heurts ni éclats, Wenai Phathomboon se lance dans sa reconstitution d’un célèbre fait divers thaïlandais, avec le hold-up à Tha Ruea. Un simili plan d’ensemble et une floppée de gros plans plus tard, tout le mal est fait : le réalisateur à d’ores et déjà flingué son projet. Ce qui est essentiel lorsque l’on met en place une scène de casse comme celle-ci, c’est de jouer sur la préparation, sur la nécessité de synchronisation, sur l’enchaînement d’actions et de réactions qui donnent, naturellement, un rythme passionant à ce genre d’acte criminel. Quand en plus on souhaite transformer cela en gunfight, on joue le jeu de la topographie, donnant au spectateur matière à percevoir la répartition spatiale des enjeux et des protagonistes, histoire que l’ensemble bénéficie de plus du potentiel - ici énorme, puisqu’au sein d’un marché étroit jouxtant un commissariat - de la localisation. Hors Phathomboon ignore sciemment tout cela, changeant de plan au petit bonheur la chance, accélérant ou décélérant sa caméra sans même que l’action ne le justifie, n’offrant aucun repère spatial. Impossible de saisir ici un enjeu autre que celui annoncé avant l’action : Siamese Outlaws est un film placé sous le signe de l’immédiat.

Cette « immédiateté » est le défaut le plus flagrant du film. Pas d’inertie ni d’objectif pour Siamese Outlaws qui se contente d’être factuel ; un handicap pour le spectateur néophyte en fait divers thaïlandais. Tout le métrage est à l’image de cette première scène d’action : il n’y a aucun liant entre les scènes, l’enquête policière, qui ne se joue qu’au travers d’interrogatoires pénibles et infructueux, n’avance qu’hors-champs, tout comme l’antagonisme supposé des différents clans impliqués. Le personnage de Lamai, potentiellement passionnant, résume toutes ces lacunes à lui tout seul : esquissé mais jamais fouillé, privé de son poids naturel par des scènes aériennes câblées, grossières autant qu’injustifiées, vecteur d’action et de narration alors qu’il n’est jamais présent à l’écran... Un peu d’attachement à ce personnage aurait pu suffire à redresser Siamese Outlaws ; le réalisateur aurait pu par exemple, profiter de l’incroyable décor naturel qu’offre la végétation locale pour asseoir la supériorité du bandit-magicien, mais non, rien n’y fait, pas même au cours d’un duel final potentiellement excellement, mais littéralement ruiné à la grenade...

Plutôt que de traiter son film de façon réaliste, et de livrer sa version d’un Long Arm of the Law 2 ou d’un Gunmen - ce que Siamese Outlaws aurait certainement pu et dû être -, Wenai Phathomboon survole son sujet, rate le coche de chaque articulation narrative et plombe la mise en scène de l’action, à chaque instant. Siamese Outlaws est au final le négatif du film de hold-up, en dépit d’une volonté réaliste affirmée - pourquoi sinon se payer le luxe d’abattre une femme et son bébé, à part pour faire hurler le spectateur ? Doté de plus d’une photographie et d’un look général qui le fait naviguer entre la parodie et la comédie, Siamese Outlaws ne respecte aucun de ses personnages, qu’ils soient bandits, policiers, ou victimes, au cours de 80 minutes d’antagonismes hors-champs, qui finissent par sembler bien longues !

Siamese Outlaws est disponible en DVD zone 2 français chez Kubik Vidéo. Le DVD est présenté dans un fourreau collector, accompagné d’un livret sur l’histoire du cinéma thaïlandais (le même que pour Goodman Town). Le film lui-même est présenté dans une copie anamorphique sans tâches mais un peu floue, avec des pistes VO 5.1 et VF 5.1 et DTS. Côté suppléments, interviews, making-of et bandes-annonce complètent la découverte du film. Allez KubiK, c’est pas grave : on attend les sorties des excellents A Family et Natural City avec impatience ! (Remerciements à Stéphane.)

- Article paru le jeudi 13 octobre 2005

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