Sin City
Le film noir était-il mort ? Mis au rebus derrière une pile de produits formatés tel que seul Hollywood sait nous en fournir, semaine après semaine ? Telle est la question que l’on pouvait se poser, tant ce genre se faisait de plus en plus rare sur nos écrans. « Faisait » en effet, car il est évident que Sin City vient de sonner son retour en grâce. Et un retour par la grande porte Messieurs-Dames !
Que ceux qui connaissent l’œuvre de Frank Miller se rassurent, le bébé de Mr Frank n’a pas subi un gang bang hollywoodien en règle. Sa fierté est toujours en place, ainsi que bon nombre d’autres choses. A vrai dire, Sin City, dans son passage du papier à l’écran, n’a rien perdu de sa superbe ; il y a même dans une certaine mesure gagné (une fois que l’on s’habitue à l’effet kiss cool du tout numérique...). Et pourtant le pari n’avait rien de vraiment facile ; plus d’un s’y seraient cassés les dents et voila que Mr Spy Kids (le premier était fun mais la suite...) arrive et nous claque le beignet à tous, sans aucune possibilité de discussion supplémentaire. Parfois la vie est vraiment surprenante. Tout comme ce film d’ailleurs, qui de par l’univers qu’il nous dépeint ne cesse de nous montrer combien Hollywood peut accoucher de grands projets quand il décide de jouer hors des sentiers battus. Car c’est bien là que Rodriguez et sa clique ont établi domicile pour accoucher sur grand écran de cette ville du péché. Et Frank Miller a de quoi être heureux. Là où n’importe quel auteur d’une BD culte (il n’y a qu’a voir les dégats sur Alan Moore, avec le calamiteux La ligue des gentlemen extraodrinaire...) aurait refusé sec tout projet d’adaptation, lui a pris le risque de voir son bébé mis en live et le résultat est là. Certes on peut reprocher à Rodriguez une certaine abscence de prise de risques (l’ombre de Miller plane sur chaque cm2 du film, il coréalise), le film étant une adaptation planche par planche de la BD - mais quelle adaptation justement !
Chacune des gueules présente dans ce film est un choix de casting judicieux. Mickey Rourke était le choix idéal pour jouer Marv (bien que le maquillage fasse un peu cheap par moments). Son histoire de justicier au grand cœur est une petite réussite. Pour l’interprétation de Rourke, on peut ici parler de résurrection ; ce rôle risque bien de faire pour lui ce que Pulp Fiction a fait pour Travolta, en gros le remettre sur les rails. Serait-ce un mal ? Loin de là, le bonhomme a muri et ça se voit, aussi bien au plan humain que du jeu d’acteur, il arrive vers de nouveaux horizons et on n’a qu’une seule envie, c’est de continuer à les découvrir avec lui. Autre point non négligeable de cette histoire avec Marv, c’est Sin City. La ville est un acteur à part entière ici. Rodriguez a réussi à faire ce que Lucas a lamentablement raté dans sa nouvelle trilogie, à savoir donner vie à du "tout numérique". Le pari était osé et franchement casse gueule ,et pourtant le résultat en met plein les mirettes.
Progressivement et dans chacune des 3 histoires du film, Sin City étend son emprise sur nous afin de nous prendre dans ses griffes. Une fois qu’on y est bonne chance pour en ressortir. A l’image du personnage de Clive Owen. Ce dernier se fout dans une merde noir pour les beaux yeux d’une prostituée qui n’en demandait pas tant, et va même jusqu’à risquer sa vie pour sauver celles d’une armée de prostituées sachant parfaitement bien se défendre toutes seules. Mention spécial à Miho, japonaise experte du katana et tueuse sadique. Elle est l’un des personnages les plus marquants de l’histoire, machine à tuer aussi efficace que diaboliquement sexy. Elle pourrait être le porte-parole parfait de cette ville : belle, véneneuse et mortel, qui s’y frotte s’y pique. Etablir un pseudo classement des 3 histoires qui se déroulent sous nos yeux serait vain. Chacune à sa façon est excellente et même déroutante. Pas d’happy ending ici (Dieu soit loué ! On n’est pas là pour ça), on assiste avec un oeil impuissant et parfois complaisant à un défilé de ce que l’âme humaine a de pire. Rien ne nous sera épargné, et Dieu que c’est bon.
Dwight ainsi que le personnage de Bruce Willis - Hartigan - fonctionnent au-delà des espérances. La faute à qui ? Premierement à Clive Owen et Bruce Willis qui livrent ici des performances excellentes et dont on n’avait plus vraiment l’habitude. Enfin du moins pour Papy Bruce. Aidés il va sans dire par des dialogues savoureux, sorte de croisement hybride entre un Audiard et un Tarantino, et le voyage du spectateur dans cette ville du pêché n’en est que plus délicieux.
Alors que beaucoup s’extasient sur la soi disant magnificence de l’Episode III, il est temps d’ouvrir les yeux pour se rendre compte de l’évidence. Le seul et vrai premier film pop corn (qui a tout pour devenir culte !) ouvrant l’été est Sin City. La suite de la mise en image live de l’univers de Miller ne saurait arriver assez vite. Rodriguez, jusque là faiseur de films sympathiques mais qui ne marqueront pas l’histoire du cinéma, réussit le pari de prendre à revers tout le monde avec un film noir, intense, drôle et supra bandant ! Roberto, je retire ce que j’ai dit de méchant sur toi après Spy Kids 2, l’erreur est humaine. Allez maintenant retourne bosser, Sin City 2 n’attend plus que toi pour être réalisé.
Sin City est actuellement en salles. Quoi, vous êtes encore là en train de me lire ? Mais allez prendre vos billets, malheureux !!!





