Six String Samurai
"Follow the yellow brick road, homey !"
Vous avez sans doute déjà vu l’affiche de ce chef-d’œuvre méconnu dans la vitrine du vidéo-club au coin de votre rue, et je suis à peu près sûr que vous ne vous êtes néanmoins jamais laissé tenter. Pourtant, derrière cette affiche iconoclaste aux couleurs délavées se cache une des plus grandes merveilles du cinéma indépendant de ces dernières années, honteusement exploitée en vidéo sur notre territoire plus de trois ans après sa sortie (timide) outre-Atlantique. Mais peut-on vraiment vous en vouloir ? Non, car jamais la presse spécialisée française n’a daigné lui accorder un article digne de ce nom, pas plus Mad Movies (ne serait-ce que dans les notules) que L’Ecran Fantastique, même à l’heure de sa sortie à la location. Six String Samurai semble bien être condamné à demeurer inconnu du grand et même du plus petit public... D’où ma révolte.
Mais lisez plutôt...
Le tournage de Six String Samurai a commencé en Novembre 1996, sous l’impulsion conjointe de Lance Mungia, alors encore étudiant en cinématographie, et de Jeffrey Falcon (fraîchement rentré de Hong Kong, où il a enchaîné une bonne demi-douzaine de long-métrages). A l’origine titré The Blade (à ne pas confondre tout de même avec le monument de Tsui Hark), S3 se veut un film purement visuel et sonore, dont le prémisce est le suivant...
Nous sommes à la fin des années 50. Les Russes ont gagné la Troisième Guerre Mondiale et s’approprient les US, rebaptisés Etats Unis de Russie. Seule une enclave libre résiste (et non, ce n’est pas un village gaulois) : Lost Vegas. Son Roi : Elvis (The King).
Quelques années plus tard, ce dernier trépasse. Tous les samuraïs/rockers du pays vont faire le pélerinage jusqu’à Lost Vegas pour tenter de reprendre la couronne. Parmi eux, Buddy, guitariste en haillons et fine lame survoltée, accompagné par un gamin légèrement autiste. Mais aussi Top Hat (qui n’est autre que... la Mort), bien décidé à imposer le Hard Rock face au Rock traditionnel...
Presque entièrement tourné en décors naturels dans la Death Valley, S3 est l’un de ces films qui n’aurait jamais vu le jour sans une certaine dose d’intervention divine : sans le sou, le réalisateur a fait la quête pour satisfaire tous les besoins techniques de ce long métrage en apparence farfelu. Il a ainsi récupérer une caméra Panavision gratuitement (le même modèle que celle utilisée sur Citizen Kane), mais surtout une centaine de bobines 35 mm soit disant périmées (qu’il a tout de même tenté, en vain d’échanger) et qui se sont avérées en parfait état. On se doute que, eut-il été réalisé en 16 mm, S3 n’aurait pas eu le même impact, puisqu’on on aurait été privé de l’incroyable photographie du dénommé Kristian Bernier. Mais sans doute cette magie qui fait que, à peu de choses près (notamment la première demi-heure un tantinet lancinante), l’histoire de Buddy et de son compagnon tienne aussi bien la route aurait-elle réussi à imprimer n’importe quel type de pellicule. Car, au final, le résultat laisse pantois, que ce soit dans la scène où le héros affronte les restes insolents d’une Armée Rouge sans munitions depuis des années, ou dans l’ultime (et magnifiquement chorégraphié) duel guitares/sabres face à Top Hat.
Une musique déjantée, un comédien/artiste martial à fond dans le trip, des images époustouflantes : bref, une sincérité étonnante qui font de Six String Samuraï une expérience sensorielle sans aucun équivalent.
Disponible en DVD en zone 1 dans une édition superbe (anamorphique, 5.1, etc...) bourrée de suppléments. A noter que le film existe aussi en zone 2 japonais avec des suppléments exclusifs que je ne pourrais malheureusement pas vous décrire.


