Slave of the Sword
Une époque où l’on se moque non pas des prostituées et des voleurs, mais uniquement des pauvres... C’est dans un tel contexte pendant la dynastie Ming, que Cheung Mu-Leong (Pauline Chan) exerce la profession de danseuse, aux côtés de son père. Celui-ci, swordsman sur ses vieux jours, se fait brutalement assassiner pour une raison et par des mains inconnues. Dès lors c’est le drame pour notre héroïne qui, seule et sans le sou, erre comme une mendiante de par le pays. Et en plus il pleut ! Histoire de contredire le Frankenstein Junior de Mel Brooks toutefois, la demoiselle se fait enlever, et est emmenée dans une maison de joie, où elle est mise aux travaux forcés pour le bon plaisir de la superbe Hung (Joyce Ngai). Bisexuelle de son état (le spectateur l’en remercie), Hung travaille par ailleurs avec un épéiste solitaire avec lequel elle couche de temps à autres ; une façon plutôt généreuse de rémunérer l’homme qui honore en son nom, les contrats d’un mystérieux commanditaire qui pourrait être l’assassin du père de Mu-Leong. Pendant ce temps-là au bordel, Hung tombe sous le charme d’une Mu-Leong moins naïve qu’il y paraît, ce qui n’est pas du goût de l’ancienne amante de la tenancière...
Mélanger le Wu Xia Pian avec les Feux de l’amour, le tout mâtiné d’un soupçon d’érotisme racoleur, il fallait oser ! Après tout pas tant que ça, puisque Hong Kong est déjà spécialisé dans les dérives sexploitation du mythe Chinese Ghost Story... Toujours est-il que le concept "film de sabre à poil(s)" est a priori aussi alléchant qu’il est peu représenté ; dommage que ce Slave of the Sword n’ait pas su s’en faire en son temps, un avocat plus rigoureux.
En effet, cette réalisation signée Jue Yin Ping (l’homme derrière les deux Shaolin Popey, Troublemaker ou encore Young Policemen in Love) ne restera pas dans les annales - ni du Wu Xia Pian ni du Cat III. Trop décousu pour l’un, trop timoré pour l’autre, Slave of the Sword est un patchwork agréable mais nonsensique de combats, sexe hétéro, combats, sexe lesbien (multiplier cette figure rythmique un certain nombre de fois pour obtenir un long-métrage) et intrigues incestueuses. A compter du meurtre du père de Mu-Leong et de l’apparition incompréhensible de deux personnages éphémères, la narration devient en effet pour le moins évasive. Quand le film n’est pas enrobé de ralentis, avec forces flammes, pétales de fleurs et fluides métaphoriques (ce qui occupe déjà une bonne moitié de la séance), il s’accélère le temps de combats fulgurants censés faire avancer le propos du scénariste. Au lieu de cela, le spectateur se perd dans une intrigue qui, sans vous dévoiler le grivois et honteux mot de la fin, n’en est pas vraiment une...
Pourquoi alors s’asseoir devant Slave of the Sword ? Et bien d’une part, parce que les éléments de ce patchwork, considérés indépendamment, sont plutôt réussis. Les combats en premier lieu sont superbes, secs et parfois très gore ; même si généralement trop courts. D’autres scènes plus neutres par ailleurs, sont elles aussi très réussies ; j’en veux pour témoin les traditionnelles scènes de danse, alternant plans de face et plongées à 90 degrés, ou encore la séquence magnifique de la "transformation" de Mu-Leong à son arrivée au bordel. Cependant vous vous en doutiez, l’intérêt principal de ce film réside en son duo d’actrices principal. Aussi bien la regrettée Pauline Chan (elle s’est malheureusement donnée la mort l’an dernier) que la troublante Joyce Ngai, participent à faire de cette projection un moment agréable. L’une est très classique alors que l’autre est plus ambigüe, agressivement sensuelle ; toutes deux se livrent à des "joutes orales" (comprendre jeux de langues explicites), éhontées et... bienvenues - discipline dans laquelle Joyce surtout, excelle de façon redoutable !
Si vous n’êtes pas un voyeur donc (assumé ou non), Slave of the Sword ne sera pour vous qu’un Wu Xia Pian de plus (de trop ?), illisible et sans intérêt. Les moins farouches d’entre vous toutefois, y trouveront un film d’exploitation décousu et assumé, mal écrit et oubliable autant que plaisant. On lui préfèrera cependant soit un vrai Wu Xia Pian, soit un vrai softcore... tout en appréciant les efforts de Pauline et Joyce à leur juste valeur !
Slave of the Sword est disponible en DVD HK chez Far East Magnetic Tape Factory Ltd. Vous ne connaissiez pas ? Moi non plus et c’est normal, puisqu’ils se contentent de transférer des VHS sur galettes numériques ! Bref, tout ça est très vilain ! Mais tout de même sous-titré en anglais (et chinois simplifié), sur la pellicule.


