Sleepwalker
Yee (Angelica Lee), gérante d’une petite entreprise de confection dans l’exiguïté de son appartement, est perturbée par le rêve récurent d’une errance nocturne au milieu des bois, autant que par la colère qu’elle ressent contre Ming, l’ex qui l’a délaissée. Lorsqu’elle se rend compte que ces promenades sont peut-être bien réelles, fruits de somnambulisme, et que la police frappe à sa porte pour l’interroger en rapport avec la disparition de Ming, Yee redoute d’avoir matérialisé sa colère dans l’assassinat de ce dernier. Le sergent Au (Huo Siyan), en charge de l’enquête, témoin de l’un des rêves noctambules de Yee, peine par ailleurs à résorber la douleur de sa cousine Kee (Charlie Young), dont le fils a disparu depuis trois mois et dont elle ne parvient à retrouver la trace. L’interrogation de Yee fera ressurgir un traumatisme enfoui, écho de celui de Kee et justifiant l’intérêt de Au pour la jeune femme, qui conduira notre héroïne malgré elle jusqu’à l’hypnose, pour tenter d’assister la police dans la résolution de ce double mystère…
Dans ses premières images, Sleepwalker évoque l’inégal Diary du même Oxide Pang, avec ses cadrages tronqués, employés à souligner l’inconfort d’une héroïne dont la blessure semble elle aussi incomplète. Angelica Lee, affublée d’une bien peu esthétique coupe à la Raggedy Ann, taches de rousseur comprises, est un excellent véhicule d’inquiétude, confrontée d’abord au doute de la réalité, puis à celui de la culpabilité. Dans la cohabitation première de cette intrigue, incarnée en incertitude narrative et temporelle à l’écran, avec l’enjeu maternel de Kee, Charlie Young joliment meurtrie à la frange redoutable – nous y reviendrons –, Sleepwalker assied un temps un certain potentiel d’intrigue.
A la force d’une mise en scène pataude toutefois, quasi-suicidaire, Oxide Pang a tôt fait de tuer ce suspense dans l’œuf. Avec une emphase d’une rare stupidité, il préfigure l’évidente implication du seul ami de Yee. Aussi lorsque, avec la légèreté d’un bulldozer, Pang explicite la véritable blessure de son héroïne, Sleepwalker se retrouve avec un titre vidé de pertinence, justifiant à peine une dernière idée d’écriture, autant que sans implication du spectateur. Tout au plus s’amuse-t-on à regarder le film sombrer dans un certain grand guignol à base de science limitrophe sans second degré – le spécialiste de l’hypnose, traînant son propre trauma, est ridicule et lieu de tous les poncifs de l’inconscient – alors que cette double histoire (qui aurait pu être triple, si la trame autour de la disparition de Ming, bien que véhicule d’un film potentiel dans la lignée de Misery, n’était à peine effleurée) charrie un potentiel émotionnel délaissé, que seule Charlie Young se donne la peine de retranscrire à l’écran, en retrait, comme dans une marge qu’elle rejoint d’elle-même dans de nombreux plans.
Pour rajouter à la maladresse de l’édifice, il convient de souligner que son titre complet est Sleepwalker in 3D. Trois dimensions – deux de plus que pour la mise en scène, donc – « exploitées » au détour d’une pincée de plans prétextes, de façon tellement ridicule que, captant la réaction outrée de Huo Siyan face à l’accident, en fin de métrage, qui projette des débris automobiles sur le spectateur, on peut supposer que la fliquette/actrice ne jette pas tant l’opprobre sur le responsable de ce traumatisme supplémentaire, inutile, que sur le réalisateur. Quand on constate de plus, un comble, que la jeune femme incarnée par Charlie Young a l’œil gauche en permanence obstrué par une frange colossale, privée de vision en profondeur, on rigole de l’incohérence de ce film/projet finalement plutôt mauvais, autant que l’on compatit avec le point de vue et la douleur de Kee. Puisque l’on ressent, face à Sleepwalker, film rouillé d’un Oxide que l’on a connu nettement plus inspiré, le même handicap visuel, ainsi que son agonie ignorée.
Sleepwalker est disponible sur tous supports optiques à Hong Kong, avec sous-titres anglais.






