So What
The band that was never meant to be.
Hiroshi, Shotaro et Eiji tentent tant bien que mal d’amener un peu de musique électrique au calme quasi-étouffant de leur campagne japonaise. Tâche difficile toutefois, puisque, comme s’il ne suffisait pas que tout le monde autour d’eux considère leur passion comme intempestive, leur batteur les a laissés tomber. Arrive alors Akira, transfuge dur à cuire de Tokyo, que le groupe prend initialement en grippe à cause de l’insolence qu’il dégage, et parce qu’il n’hésite pas à adresser la parole à Mitsuko, demoiselle dont Shotaro, comme bon nombre de ses camarades, convoite l’affection. C’est lors d’une répétition sur le toit de leur lycée, au cours de laquelle Shotaro, préposé aux claviers, s’essaye sans succès aux baguettes, qu’Akira parvient à s’imposer, batteur talentueux, auprès du trio. Entre leurs études, leurs amours et leurs discussions dans un roadhouse du nom de Norson Wellse, qui porte sur ses murs toutes les idoles des jeunes musiciens, Hiroshi et les siens tentent tant bien que mal de se trouver un public, et pourquoi pas même organiser un concert...
Singulier tableau adolescent que ce So What signé Naoto Yamakawa, que le réalisateur de The New Morning of Billy the Kid (1986) a tiré des quelques pages d’un manga de Katsuhiro Otomo paru dans l’anthologie Good Weather. Plutôt que de montrer la naissance d’une vocation de groupe, So What retrace l’extinction progressive d’une passion passagère, grâce à laquelle des étudiants comblent une absence commune de buts dans leurs dernières années d’adolescence. D’une certaine façon, ce film préfigure le Linda Linda Linda de Nobuhiro Yamashita (2005), puisqu’il s’articule autour du jeu réussi, en live, du seul morceau qui donne son titre au film : une simple fulgurance musicale.
Alors que les héroïnes de Yamashita doivent faire face à l’apprentissage même de la musique suite à l’explosion de leur groupe, les problèmes auxquels sont confrontés Hiroshi et consorts sont de nature bien différente. Dès le générique du film, superbe, qui montrent les musiciens accorder leurs instruments, faire naître l’alchimie qui leur permet de débuter une répétition, ils sont interrompus par l’apparition d’un vieil homme et de son bœuf, qui brise l’illusion du studio de répétition pour dévoiler un vulgaire garage au milieu des champs. A l’image de cette première interruption, qui débouche sur le départ du batteur, les prestations du quatuor seront sans cesse coupées court : qu’ils répètent sur les toits de l’école après les cours, alors que la totalité de leurs camarades s’adonne à des activités sportives, ou qu’ils organisent un festival open air de petit calibre – le Norson Rock Festival – dans le seul but de pouvoir se produire eux-même, il leur est impossible de jouer So What dans son intégralité.
Le paradoxe de ce sempiternel report, filmé avec un amusement délicat, est qu’il est justement la clé de l’union des quatre héros du film. Si leurs prestations se passaient sans encombre, Hiroshi, Shotaro, Eiji et Akira n’auraient plus d’objectif à même de les entraîner, dans l’illusion d’une motivation authentique, vers la fin de leurs études. D’ailleurs, lorsque, après l’échec de leur festival, le groupe se réunit sur le parking désert du Norson Wellse pour jouer enfin leur titre en entier, l’accomplissement marque la fin du groupe, dans son acceptation musicale autant que sociale. Shotaro, Eiji et Akira se préparent à la vie qui les attend désormais, tandis que Hiroshi, seul, les quitte pour se laisser porter par ses envies. Pour lui, la musique est une force motrice ; pour ses camarades, rien d’autre que l’incarnation éphémère et quelque peu résignée, d’une transition partagée. Un tableau adolescent très sobrement et justement mis en images par Naoto Yamakawa, où l’on se plaît à apercevoir Naoto Takenaka, Renji Ishibashi, ou encore Susumu Terajima, bien jeune à l’époque.
So What est disponible en DVD au Japon, techniquement irréprochable mais sans sous-titres. L’édition spéciale est complétée par une réédition du manga original.





