Sunrise
L’inspecteur de police Joshi est hanté par la disparition de sa fille unique Aruna, kidnappée à l’âge de six ans à la sortie de l’école. Il est encore et toujours ramené à cette perte. Dans son travail au commissariat notamment, où il est confronté à des cas similaires au sien ; travail d’autant plus crève-cœur que lui et son équipe sont impuissants à résoudre ces crimes. Mais aussi à la maison, quand il retrouve sa femme qui a perdu la raison à la suite de la disparition de leur fille.
Dans une atmosphère à mi-chemin entre rêve, folie et fantasme de vengeance, Joshi est dépeint comme un homme qui essaye de chasser les démons convoqués par le chagrin provoqué par la perte de sa fille et son sentiment de culpabilité. Ils lui apparaissent sous la forme de cette ombre humaine insaisissable qu’il aperçoit fréquemment sur un mur - apparition expressionniste, lointaine descendance de M le Maudit - qui le harcèle aussi bien lorsqu’il travaille que dans ses rêves.
D’un point de vue formel, tant au niveau des images que de l’ambiance sonore, Sunrise est une réussite. Une approche formaliste revendiquée par le Partho Sen-gupta qui nous confiait être influencé par des réalisateurs comme Gaspard Noé, David Lynch et Nicolas Winding Refn… Ces deux dernières influences sont évidentes dans les scènes monochromatiques de la boite de nuit Paradise.
Réduisant les dialogues au strict nécessaire, le cinéaste indien fait confiance à l’esthétique de son film pour nous mettre dans la tête de ce père désespéré. Les nuits de Mumbai – pendant lesquelles le film se déroule quasi-exclusivement – lors de la mousson constituent le paysage mental de Joshi. Participant du même objectif, son obsession prend ici la forme de la scansion de la pluie incessante et drue, à laquelle viennent se superposer les bruits de sa voiture et de la ville.
Si le spectateur est capté par l’ambiance du film, le récit a cependant tendance à piétiner. La répétition est le principal motif du film, mais les courses de Joshi pour chasser les ombres sont peut-être trop nombreuses.
Ce formalisme qui pourra sembler trop insistant pour certains cohabite avec la veine plus réaliste adoptée pour décrire le sort des jeunes filles disparues. Partho Sen-gupta fait alors une description tout en pudeur, leur destin se devinant aisément sans qu’il soit nécessaire d’être plus explicite. Lorsque la dernière petite fille kidnappée est emmenée tout endimanchée par l’homme de main de la mère maquerelle, le sort qui lui est réservé n’a rien d’un mystère.
De la même manière, Partho Sen-gupta dénonce sans s’ériger en procureur la société coupable de non-assistance à personne en danger. Elle ferme les yeux sur les disparitions d’enfants et les maltraitances dont ils font l’objet, comme la police néglige l’adolescent qui appelle à l’aide en faisant le planton devant le commissariat. Lorsqu’il suscitera la pleine attention de Joshi et ses collègues, il sera alors trop tard.
Sunrise a été projeté lors de la XXIè édition de l’Etrange Festival (2015).





