Tears
"You may fucking hate it, but there’s no place like home."
Les films d’adolescents... On pense toujours les avoir tous vus, qu’ils soient dramatiques, glauques ou hype. De Doom Generation à Kids en passant par Running on Empty (avec feu River Phoenix), la rage de l’adolescent moderne a été dépeinte sous toutes ses coutures, des dizaines et des dizaines de fois. A moins que...
A moins qu’un réalisateur décide de s’intéresser au sujet pour de vrai. Sans mélo. Sans jugement. Sans proposer de solution non plus.
C’est le cas de Im Sang-Su - réalisateur du célèbre Girls’ Night Out (1998) - qui s’est mêlé à la jeunesse désoeuvrée du quartier de Garibong-Dong à Seoul, pendant cinq mois, pour tenter de percer ses mystères. Tears est le fruit de cette rencontre.
Han est un fugueur indécis, à mi-chemin entre l’univers de la rue et l’appartement de ses parents. Suivant son humeur, il rentre chez lui pour dormir, ou alors récupérer de l’argent pour continuer à vivre sa vie d’exclus volontaire. Quand il est dans la rue, il passe le plus clair de son temps avec Chang. Orphelin, ce dernier est un jeune homme violent qui va de racket en viol organisé - comme si c’était ce que les gens attendaient de lui, naturellement.
Un soir, alors que Chang tente de convaincre, à coups de poing, un groupe de jeunes filles de se laisser abuser par sa troupe, Han aide l’une d’entre elles à s’échapper - forçant ainsi son ami à laisser les autres partir aussi. Un autre jour, Han retombe sur la jeune fille - prénommée Sari - qui lui avait par ailleurs emprunté son blouson. Sari passe ses journées sur sa moto - quand elle n’est pas en train de se saoûler ou de se défoncer au gaz. Entre Han et Sari, une étrange relation platonique s’installe, la fille refusant de faire "la mauvaise chose". Sari va ainsi rejoindre le groupe d’infortune formé par Han, Chang et sa copine prostituée Ran.
Pour ces quatre adolescents en quête de leur liberté, l’ennui va souvent rimer avec les ennuis...
"I can’t fucking believe this shit."
A tour de rôle, les protagonistes du film prononceront cette phrase qui résume leurs existences inconsistantes. Qu’ils aient réellement choisi leur mode de vie (Han et Ran) ou non (Chan et Sari), les adolescents demeurent incrédules face à la réalité du monde qui les entoure. Et pourtant, nos "héros" tentent de s’y soustraire - quittant par exemple la ville pour une journée de détente à la mer. Mais même la nature leur joue des tours, et ils ne trouvent rien d’autre qu’un dépotoir asséché.
Pour eux, il n’y a aucun moyen de se soustraire à l’ennui. C’est comme si leur position de fugueur les excluait automatiquement de la réalité - à l’image de ces repas sans cesse régurgités, qui trouvent leur écho dans l’une des nombreuses constatations lucides de Chan : "To fucking eat or to be free, that is the question."
Dans les rues de Garibong-Dong, les adolescents doivent faire un choix : gagner de l’argent en se prostituant, par exemple, ou en prostituant les êtres qui leurs sont proches - ou bien être libres ; et par conséquent mourir de faim.
Im Sang-Su a choisi de filmer ses acteurs débutants en numérique. Le choix résulte certainement d’une question de coût, mais il assure à Tears un cachet réaliste. Loin des pseudo-réalités des films du Dogme, par exemple, Tears trouve cependant son authenticité dans l’attitude de son réalisateur, qui tente de nous montrer toutes les facettes de ses protagonistes, de manière parfois crue (les histoires de viols, les brutalités que les adolescents sévissent ou s’infligent entre eux), parfois pudique (les silences partagés, la maladresse d’une première nuit d’amour). Tous ont en tout cas le champ libre pour s’exprimer avec le coeur, que la démarche soit glorifiée ou non. Ici, il est juste question de (sur)vie, quand on se rend comtpe qu’on ne peut pas quitter les rails du destin.
L’adolescence de Tears constitue un entre-deux âges cruel, dans lequel interviennent quelques figures adultes - toutefois uniquement présentes pour expliquer les choix des personnages ou préfigurer leur évolution / condamnation. En aucun cas les adultes ne jouent-ils ici leurs rôles de modèles. Peut-être parce qu’ils en sont incapables ; sûrement parce que leurs enfants les en empêche.
Im Sang-Su demande donc au spectateur de ne pas juger Han, Chang, Sari et Ran - de la même façon que ces derniers demandent aux adultes - qui ne les regarde qu’occasionellement, quand ça les arrange (dérange ?) - de ne pas leur donner de leçons. Tout ce que le réalisateur veut, semble-t-il, c’est que nous constations leur réalité, que nous l’admettions le temps d’un bout de chemin en leur compagnie. Pour apprendre à être francs peut-être ; ou alors simplement à laisser les gens vivre leur vie, quelle qu’elle soit. Forcément, ça calme !
Tears est disponible en DVD coréen chez Atlanta.
La copie rend justice à la DV ; le 5.1 est parfois mal équilibré mais reste toujours clair.
Les sous-titres anglais sont impeccables.
En supplément, on retrouve trailer, clip, making-of... et toute la floppée habituelle, non sous-titrée !


