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Japon

Tetsuo II : Body Hammer

Japon - 1992 | Un film de Shinya Tsukamoto | Avec Nobu Kanaoka, Min Tanaka, Keinosuke Tomioka, Sujin Kim, Tomoro Taguchi, Shinya Tsukamoto

Avec près de dix ans d’avance sur Darren Aronofsky (Pi et surtout l’ultime Requiem for a Dream), peu de réalisateurs auront poussé aussi loin l’interpénétration de la réalisation, du montage et de la bande son d’un film pour parvenir à emprisonner le spectateur dans un carcan qui n’est plus seulement visuel et/ou sonore, mais véritablement physique. Tetsuo II : Body Hammer, remake en couleurs de Tetsuo premier du nom plus abouti mais forcément moins percutant que l’objet en noir et blanc à 180 BPM, restera à jamais une preuve irréfutable de cette incroyable avance que Tsukamoto a toujours eu sur le reste du monde.

Fusion parfaite entre un certain type de mainstream purement cyberpunk et le cinéma expérimental, Tetsuo II regroupe l’intégralité des thèmes chers à Tsukamoto dans un maelström de violence et de frustration incontrôlable. On y retrouve les mêmes visuels que dans Tokyo Fist et Bullet Ballet, dans lesquels les héros subissent littéralement la pression de la verticalité vertigineuse de leur environnement, ainsi que leur incompatibilité avec le monde qui les entoure. En effet, les héros des trois films, quand ils ne sont pas en interaction avec des facteurs/catalyseurs humains, tentent, en vain, d’interagir avec la ville dans laquelle ils étouffent - que ce soit au milieu d’une foule au sein de laquelle ils sont incapables de se mouvoir, ou encore au pied d’immeubles toujours perçus en contre-plongée extrême. A chaque fois, c’est cette tentative d’intégration échouée qui entraîne leurs frustrations, qui finissent toujours par s’exprimer en une mutation, sous une forme une autre. Même dans Gemini, qui est pourtant l’adaptation d’une œuvre d’Edogawa Rampo et constitue par conséquent une œuvre à la base moins personnelle, Tsukamoto arrive à faire ressortir cette approche du remodelage de l’individu par l’environnement, par le biais d’une apparence physique véritablement différente entre les deux jumeaux, selon leur état de vie (intégré/exclu).

Même si c’est sans doute dans Tokyo Fist que cette mutation, résultante de frustration et d’incapacité à assumer son humanité, est exprimée de la façon la plus explicite possible par les déformations infligées aux visages et aux corps des protagonistes par le biais des poings et des piercings, je trouve que c’est dans Tetsuo II qu’elle est le plus intelligemment mise en scène et exploitée. Pour preuve, l’incroyable flash-back dans lequel, sous l’influence de leur père, les deux frères s’essayent à l’arme à feu. Incapable d’appréhender une telle approche de la violence à leur âge, les enfants l’ingèrent littéralement sans parvenir à l’assimiler. C’est d’ailleurs ce qui fera que le héros se transformera en machine alors même que l’implant de son frère n’aura pas rempli son rôle : d’une certaine façon, il rejette littéralement la greffe de violence et de haine qu’il est incapable d’intégrer à sa personnalité. Il n’est alors que très normal que ce même personnage, incapable de se fondre dans son environnement, décide de le remodeler à son image. Cette fois, ce désir de transformation s’exprime par le biais de cette pelleteuse elle aussi incorporée par inadvertance pendant la jeunesse. Une fois la haine admise et comprise, notre héros peut refaire le monde à son image, en retournant ses propres armes contre lui.

C’est un peu le propos de tous les Tsukamoto, que ses héros y parviennent ou pas. Quelque part, du coup, Shinya (réalisateur/acteur/alter ego) se rapproche sans cesse un peu plus de Dieu. Mais ça, nous l’avions suspecté dés le premier épisode de Tetsuo. Depuis, chaque film ne constitue qu’un évangile de plus. Long live the new flesh !

A ma connaissance, il existe deux éditions de Tetsuo II en DVD : la première nous vient de Manga Video et est tout à fait convenable, si ce n’est pour les sous-titres qui remplissent la moitié de l’image (comme c’est aussi le cas pour leur édition de Tokyo Fist).
La seconde nous vient du Japon et propose un tansfert 4:3 (format d’origine) magnifique, ainsi qu’un making-of de 16 minutes, des comparaisons films/storyboards, et même un commentaire ausio du réalisateur pour ceux qui comprennent. Le tout, bien sûr, SANS AUCUN SOUS-TITRE. Mais les dialogues sont ils vraiment indispensables dans un tel film ?

- Article paru le mercredi 13 juin 2001

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