The Big Boss
A star is born.
The Big Boss marque le retour avec fracas de Bruce Lee au cinéma. Son expérience hollywoodienne avait connu une fin aussi piteuse que celle de son personnage dans son dernier film aux Etats-Unis : Marlowe. Piégé par le détective, Bruce Lee exécutait un coup de pied sauté qui l’envoyait valdinguer ad patres par-dessus la rambarde d’une terrasse suspendue. Ironie du sort, c’est par le même geste technique qu’il s’impose à la fin de Big Boss qui lance sa brève mais spectaculaire carrière. Le ciné Kung Fu ne sera désormais plus jamais le même.
Mais sa consécration déborde largement du genre. Bruce Lee est la première star originaire d’un pays du tiers monde, comme les pays en développement étaient désignés dans les années 70, à obtenir une reconnaissance internationale. Bruce Lee débarque sur les écrans à une époque propice. Tropisme gauchiste aidant, la mode du tiers-mondisme ne se résume pas à l’effigie du Che sur un T-shirt. Son rôle de défenseur des plus faibles, ici de travailleurs, ont sûrement joué un rôle dans le succès qu’il rencontrera aussi en Occident. Il incarne son public et celui du cinéma de Hong Kong : la diaspora chinoise.
Accompagné de son « oncle », Chen vient chercher du travail en Thaïlande. Il rejoint des compatriotes employés dans une usine de fabrication de glace. Une chinoise, tout à fait charmante, tient leur maison. Leur vie de travailleur est perturbée par la disparition de certains de leurs camarades. Benêt pas bien né, Chen va être manipulé par le directeur et le Big Boss de l’usine et se mettre à dos les autres employés chinois. Heureusement, une prostituée qui s’est attachée à lui va lui révéler le pot aux roses.
Le scénario n’est bien sûr qu’un prétexte pour mettre en valeur les qualités martiales de Bruce Lee. Le spectateur devra pourtant patienter jusqu’à la moitié de film avant de le voir entrer en action ; une fois délivré de la promesse faite à sa mère de ne pas s’attirer des ennuis.
La star hongkongaise livre sa première leçon : savoir se faire désirer. L’attente est la première étape, dans la stratégie de la tension qui est une composante essentielle de son style. Celui-ci n’est encore que l’esquisse de ce qu’il sera au faîte de son art : La fureur du dragon. Il n’empêche, lorsqu’il fait parler la poudre, certaines phases de combat donnent déjà le frisson.
L’étape suivante est celle de l’entrée en action, suivie d’une montée en crescendo jusqu’à l’explosion finale. Il est terriblement impressionnant dans cette brutale libération d’énergie. Mais cette partie de son style repose sur des qualités physique et des compétences martiales, que possèdent eux aussi les costauds du cinéma d’action qui émergeront après lui.
La vitesse et la puissance explosive ne seraient rien sans son charisme et son élégance. Le champion de cha cha cha qu’il fut dans sa jeunesse n’est jamais bien loin de l’artiste martial. Sa façon d’évoluer au cours des combats emprunte sans doute également au jeu de jambes de Mohamed Ali. Le tout est enrobé dans une bonne dose de narcissisme. A sa philosophie martiale du geste efficace, répond celle du beau geste. Que serait Bruce Lee sans ses postures ou ses petits gestes bien étudiés des mains, mais aussi sans ses feulements... Un artifice pour faire monter d’un cran la tension.
Plus de 35 ans après la disparition de l’icône du cinéma d’action, ce cocktail n’a rien perdu de son pouvoir détonnant.
The big boss is dead. Vive le petit dragon !


