The Big Heat
Qu’a-t-il bien pu se passer en 1988 pour que Gordon Chan accouche du scénario de The Big Heat, l’un de ses tous premiers ? Pourquoi, huit ans après le barbare et incompréhensible L’enfer des armes (Dangerous Encounters of the First Kind / Don’t Play With Fire), Tsui Hark se laisse-t-il à nouveau aller à produire un film qui lui ressemble tant, et à le "co-réaliser" avec Johnnie To et Andrew Kam (même s’il n’est pas crédité au générique du film) ? Pourquoi The Big Heat est-il aussi violent ? Pourquoi l’incroyable bande originale de ce film n’est-elle pas disponible en CD ?
Waipong Wong (Waise Lee) - plus couramment appelé John par ses amis - traverse une épreuve difficile dans sa carrière de policier : une dégénérescence de sa moelle épinière entraîne un pincement de certains de ses nerfs, rendant sa main droite régulièrement incontrôlable ; pas pratique au cours d’un gunfight lorsque l’on est droitier... Son supérieur lui conseille par conséquent de prendre une pause, mais John est un type plutôt extrême, et rédige sa lettre de démission.
Alors qu’il s’apprête à déposer celle-ci sur le bureau de son Boss, ce dernier lui présente un dossier qui va changer sa décision : la mort de son ancien partenaire, brûlé vif en Malaisie pour une raison encore obscure. Aidé d’un homme de la police de Kuala-Lumpur, de son fidèle équipier Ah Kam (Philip Kwok) et du petit nouveau Lun Kwok-Keung, John va se jeter corps et âme dans la résolution de cette (dernière ?) enquête...
Le titre original de The Big Heat se traduit en réalité par Big City Special Police. Une volonté de la part de Gordon Chan d’orienter son contenu vers celui de ses futurs "actionners sitcom" (cf. article sur Task Force) ? Allez savoir... Toujours est-il que, à la place des producteurs du film, j’aurais plutôt titré ce film No Better Tomorrow, tant il apparaît désespérément violent, sans issue.
Beaucoup d’encre a déjà coulé sur la violence aberrante qui plombe l’univers uniformément sombre de The Big Heat, et pourtant je ne peux m’empêcher de revenir dessus... Le film s’ouvre sur un gros plan d’une main transpercée par une perceuse ; un cauchemar de Waise Lee qui annonce non seulement la découverte de sa maladie, mais le choix d’approche retenue par l’équipe du film. Au cours des cinq minutes suivantes s’enchaînent doigts sectionnés, tête coupée, crémation et autres exécutions sanguinolentes. Et pourtant, le travail effectué sur ses scènes ne sert aucunement l’histoire ; leur seul but est d’alourdir, pour une raison incompréhensible, l’ambiance d’un polar classique. Si elles remplissent un rôle d’exposition, ce n’est pas tant par rapport aux personnages ou à l’intrigue que par rapport à une atmosphère, un désespoir déconcertants.
Car l’histoire de The Big Heat ne justifie jamais de tels débordements, et pourtant ça n’empêche pas un mort de se faire percuter par plusieurs voitures avant de se faire écraser, une gamine handicapée de se faire tuer dans un tir croisé, un autre enfant de servir de projectile humain... Pourquoi tant de haine, acceptée sans sourciller par un protagoniste tellement inerte, émotionnellement parlant, qu’il paraît presque mort ? Après plusieurs visions de The Big Heat, j’éprouve encore de grosses difficultés à formuler une réponse à cette question. La mode, au cours des années qui ont précédé la rétrocession, était d’attribuer le pessimisme d’un ensemble de films HK à la peur d’une génération de cinéastes en quête d’identité. C’est d’ailleurs un thème qui se retrouve de façon explicite dans The Big Heat, mais qui ne suffit pas, pour le coup, à légitimer le projet.
Là où les films de Kirk Wong et Ringo Lam par exemple, utilisent une véritable approche politique et humaine pour exprimer leurs craintes, The Big Heat assume sa violence comme seule méthode d’expression, osant même conclure son discours sur une politique d’armement comme unique perspective de sécurité de "culture". Là où Kirk Wong prend les armes avec dépit, Johnnie To, Tsui Hark et Andrew Kam les saisissent par prévention, avec une hargne de la race humaine qui fait véritablement froid dans le dos. Une approche étrangement volontaire, qui fait de The Big Heat un film fascinant et unique - tout autant qu’indéfendable !
The Big Heat est disponible en DVD HK chez Mega Star.


