The Big Slaughter Club
Dans l’énorme marché que constitue celui du V-cinéma, certains genres ont une place prédominante, à l’image des films de yakusa. Cependant, depuis quelques années, un autre genre a les faveurs du public, les films d’horreurs. Surtout depuis le succès de certains films comme Ring ou Juon (par ailleurs des adaptations sur grand écran de films V-cinéma). Mais le marché de la vidéo possède ses particularités et il est notamment possible de s’y exprimer beaucoup plus librement, comme l’a très bien compris un réalisateur tel que Daisuke Yamanouchi. Cela fait qu’à côté de nombreux films dans la veine Juon ou autres clones, beaucoup de films jouent plus sur l’aspect gore ou violent. La quantité ne faisant malheureusement pas la qualité, rares sont les films véritablement dignes d’intérêt. Ainsi le récent Swans Song qui joue sur une jaquette particulièrement sanglante (au point d’être censurée dans certains magasins), mais qui n’offre qu’un scénario usé jusqu’à la corde et une seule et unique scène gore de quelques secondes dont est justement tirée la jaquette.
Shuudan Satsujin Club fait donc figure d’ovni. Car en dépit d’une jaquette non moins vendeuse, le contenu est plutôt surprenant. Il faut dire que le réalisateur, Hitoshi Ishikawa, est loin d’être un débutant puisqu’en plus d’une trentaine de films à son actif en tant que réalisateur, il a signé les scripts de films tels que I Am an SM Writer de Ryuichi Hiroki. Ce dernier, en plus de Genji Nakamura et de Hitoshi Ishikawa, forment un trio se cachant sous le pseudonyme de Go Ijuin qui a engendré des films tel que The SM ou Captured for Sex 2. Hitoshi Ishikawa a même co-signé le scénario du troisième volet de la série des Dead or Alive de Takashi Miike.
Un salaryman (Kenichi Endo, un habitué des films de Takashi Miike mais également aperçu dans Tomie Replay, Distance ou Okite) loue les services de Hiroe, une collégienne. Après une séance de photos à laquelle il se prête volontiers, il va prendre une douche. Cependant, Hiroe fouille son sac à la recherche d’argent et tombe sur un étrange rouleau. Mais le salaryman surgit et dans la rixe, il s’empale l’arrière du crane sur un montant métallique. Hiroe décide d’appeler quatre camarades à la rescousse et ensemble elles découpent et enterrent le corps. Mais peu après, des affichettes représentant Hiroe lors de la séance de photo font leur apparition à Shibuya. Soudain, le téléphone d’une cabine téléphonique sonne : il semble que le salaryman soit bel et bien vivant et pas très content.
Plus que le scénario, ce qui surprend chez The Big Slaughter Club, c’est d’une part son côté très documentaire et d’autre part son aspect parfois à la limite de l’expérimental. Dans son thème, le film va évidemment piocher dans Bounce KoGals ou Love & Pop mais avec un ton plus débridé qui le rapproche plus des films de Daisuke Yamanouchi ou encore de Takashi Miike. Le film retranscrit avec une certaine forme de réalisme et sans dramatisation inutile l’univers de ces collégiennes qui ont recours à la prostitution, avec un ton plus proche de ces reportages complaisants de la télévision japonaise que du documentaire posé et subtil.
Si le début ne fait pas spécialement preuve d’originalité, le film glisse assez vite dans l’étrange, voire carrément le fantastique mêlé à l’expérimental, le tout saupoudré d’une bonne dose d’humour. Le manque évident de moyens qui se traduit par des effets spéciaux assez mauvais, est rattrapé par une manière de filmer peu habituelle pour le genre et des passages plus extrêmes (dont un digne de Yamanouchi Daisuke). Images accélérées, stroboscopiques, effets de répétition visuelle ou sonore, montages simples mais percutants ou saturation des couleurs, donnent des passages qui n’ont rien à envier aux délires visuels de la défunte émission L’œil du Cyclone.
Kenichi Endo est absolument génial dans son rôle de salaryman psychopathe, oscillant entre la tristesse et la perversité. Le film joue beaucoup, parfois littéralement, sur l’ubiquité du personnage, ne le condamne jamais vraiment, ni en fait un exploiteur sans états d’âme de jeunes filles qui voudraient nous persuader de leur innocence. Si les actrices ne sont pas exceptionnelles, le film s’amuse de leurs réactions naturelles, ajoutant en cela au réalisme du film, que sont l’appât du gain et l’égoïsme cachés derrière une fausse ingénuité.
Bref, ce film à l’aspect anodin, perdu parmi les centaines de parutions annuelles du V-cinéma, détonne par son mélange d’humour parodique, d’excès vulgaires et gore, son ton vendeur et expérimental, de documentaire et de délire visuel inventif et surprenant. Un rafraîchissement délicieusement iconoclaste et absurde. Définitivement à découvrir.
Shuudan Satsujin Club sort en DVD japonais (sans sous-titres) le 25 juillet 2003.
Le film est actuellement présenté au festival Fantasia 2003
> http://www.fantasiafestival.com/2003/fr/index.php?lang=fr
Site officiel : http://www.kss-movie.com/shu-dan/index.html



