The Bunker
Ceux qui sont fidèles à ces pages - à chacun ses faiblesses après tout - se souviendront de ma joie l’été dernier, au moment de la sortie de bon nombre de petits films, fantastiques et d’horreur, de grand cru. Cette joie, je la connais d’ordinaire chaque année - c’est d’ailleurs une de mes périodes préférées, cinématographiquement parlant. Hors cette année, les Darkness, Fear Dot Com, Darkness Falls et autres Haute Tension me sont passés sous le nez pour d’obscures raisons d’emploi du temps... C’est dur, certes, mais il est plus cruel encore de constater que les distributeurs ont inventé une nouvelle discipline estivale, consistant si possible à ne pas garder une bonne vieille série B de vacances à l’affiche pendant plus d’une semaine, et ce sur une poignée d’écrans minables. Et ça marche visiblement, puisque j’ai tout raté, et que je ne suis probablement pas le seul ! Pour faire face à ma déception et en attendant la sortie d’un certain Wrong Turn que j’exige de ne pas louper, me voici donc à nouveau aux prises avec mes télécommandes et le joyeux purgatoire de mes bisseries préférées : le catalogue mondial des DVD. Et ouais. There’s no place like home.
N’allez pas croire que le paragraphe ci-dessus m’ait uniquement servi à cracher un peu de venin sur nos distributeurs sans cervelle ni passion. Non, si je fais référence à l’été dernier, c’est parce que l’un des meilleurs films fantastiques de ce cru 2002, aux côtés du sous-estimé Règne du feu de Rob Cohen, était pour moi un certain Dog Soldiers de Neil Marshall, en provenance de nos cousins d’outre-Manche. Un certain talent à la gestion d’un petit budget, à l’écriture et au développement d’une ambiance... autant d’éléments qui nous poussent à souhaiter que le fantastique Grand-Breton revienne à la mode. D’où mon intérêt pour le très indépendant The Bunker, sorti il y a quelques temps en DVD zone 2 UK sous la bannière du sauveteur officiel du cinéma de genre en Angleterre ; j’ai nommé : Salvation (et vive Eileen Daly !). Nous y voici enfin.
En 1944 à la frontière Allemagne-Belgique, un groupe de soldats allemands pris en étau par l’avancée des forces alliées, se voit contraint de prendre refuge dans un bunker isolé de la ligne Sigfried, échappant de peu à la puissance de feu américaine. Le groupe est déjà divisé à son arrivée au bunker : le lieutenant Krupp reproche au Caporal Baumann et ses hommes leur comportement au cours de l’embuscade, ceux-ci s’étant enfuis pour sauver leur peau. Le bunker jusque là, était sous la responsabilité d’un vétéran de la Première Guerre Mondiale, Mirus, et du jeune Neumann, enrolé à peine sorti de l’enfance. Schenke qui prend trop de cachets et souffre de paranoïa ; Kreuzmann qui a perdu contact avec la réalité ; Mirus qui essaye de faire peur à l’ensemble des hommes avec ses histoires de charniers maléfiques remontant au temps de la Peste, lesquels hanteraient les souterrains du bunker ; le secret de Baumann et la peur de tous ces hommes de perdre la guerre face aux soldats américains, peut-être en mouvement sous leurs pieds dans les souterrains... Autant de composantes qui vont faire de ces murs et couloirs le lieu d’un affrontement, avant tout psychologique et idéologique.
Le premier pari que remplit The Bunker, est de réussir à emmener le spectateur outre ce que l’on pourrait appeler le syndrome Jeanne d’Arc (version Luc Besson) ; à savoir faire passer un ensemble d’acteurs hautement british pour des soldats allemands, à la simple force de leurs vêtements et propos. Pas gagné a priori, car le scénariste/dialoguiste a décidé de s’affranchir complètement de la moindre notion d’allemand, serait-elle caricaturale. Une fois ce concept périlleux admis, The Bunker fonctionne plutôt bien - voire très bien.
Après un prégénérique classique qui pose a priori les bases d’un film d’horreur à caractère fantastique, The Bunker enchaîne sur une scène de guerre pure. Bien loin des spectacles pyrotechniques des plages de Normandie de ces dernières années, World War 2 vue par Rob Green est tout à fait autre chose, et avant tout ceci : un silence effrayant, déchiré de temps à autres par le sifflement de balles meurtrières qui viennent plonger dans la boue d’une soirée pluvieuse ; susurrement pervers auquel les soldats peinent à faire écho tant ils sont effrayés. L’entrée en matière est efficace, d’autant que le silence - celui du bunker, mais aussi de ses souterrains - est l’un des mots-clef du film. Rarement une ambiance sonore aura été aussi maîtrisée par sa plus expressive absence ; étouffement auditif nécessaire au développement d’une claustrophobie authentique.
La véritable clef de la réussite du film toutefois, est son impeccable scénario. Contrairement à la majorité des productions petit budget du genre, le scénario de Clive Dawson a été parfaitement pensé pour s’inscrire complètement dans le cadre d’une telle production. Mieux encore, couplé à la mise en scène efficace de Green, il parvient à laisser suffisamment de zones d’ombres dans l’histoire pour ne pas l’expliciter à outrance, et s’autorise à laisser le spectateur tirer ses propres conclusions (à la différence du final de Maléfique par exemple).
Et c’est important, car non seulement The Bunker n’est pas explicitement un film fantastique, mais il est primordial qu’il ne le soit pas : culpabilité, peur du noir et paranoïa sont des vecteurs de frayeur bien plus intéressants que n’importe quel étalage d’effets spéciaux. Les quelques apparitions fantomatiques du film - redoutables soldats aux yeux bandés - vont aussi dans ce sens, n’affirmant jamais leur exclusion d’un domaine simplement halluciné.
The Bunker bien qu’un tout petit film, est donc un récit horrifique étonnant et surtout chose rare, parfaitement calibré. On pourrait le rapprocher d’une certaine façon à un substrat de l’Echelle de Jacob où les erreurs du Vietnam laisseraient la place aux errements d’une poignée de soldats sous le poids de l’idéologie nazie. On y retrouve de plus des acteurs excellents, de Jason Flemyng (Lock, Stock and Two Smoking Barrels, Snatch, Bruiser) dans le rôle de Baumann, à l’excellent Jack Davenport, héros de la série - elle aussi anglaise et exceptionnelle - Ultraviolet. Alors tant pis pour nos distributeurs, et vive la galette à destination du Home Cinema !
The Bunker donc, est disponible en DVD zone 2 UK (Pal) chez Salvation. Le film est présenté en 16/9 anamorphique, et s’accompagne d’une quantité non-négligeable de suppléments, du making of aux courts-métrages du réalisateur. Ce DVD ne comporte pas de sous-titres.
Site officiel : http://www.millennium-pictures.co.uk/html






