Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2009

The Chaser

aka Chugyeogja | Corée du Sud | 2007 | Un film de Na Hong-jin | Avec Kim Yoon-suk, Ha Jung-woo, Seo Young-hee

Si le savoir-faire coréen en matière de polars n’est plus à démontrer, on ne peut s’empêcher d’être admiratif devant cette capacité à réinventer en permanence un genre qui se nourrit le plus souvent de codes établis. Dans la lignée des Nowhere To Hide et autres Memories of Murder, The Chaser est un nouvel exemple d’objet cinématographique singulier, un polar hybride et décalé, très rafraîchissant dans un paysage encore majoritairement hollywoodien.

Joong-ho, ancien flic devenu proxénète, reprend du service lorsqu’il se rend compte que ses filles disparaissent les unes après les autres. Très vite, il réalise qu’elles avaient toutes rencontré le même client. Joong-ho engage alors une chasse à l’homme, déterminé à sauver Mi-jin, la dernière victime du tueur…

Une trame conventionnelle donc, sur laquelle Na Hong-jin va pourtant réaliser une ouvre protéiforme, tour à tour film policier, comédie satirique, mélodrame et thriller psychologique. La mise en harmonie de cet étonnant cocktail, assurée par un scénario retors et des acteurs superbes, est le véritable challenge du film et sa réussite en fait son principal intérêt. Belle preuve de maîtrise de la part du jeune réalisateur et scénariste, dont c’est le tout premier film. Il se montre aussi parfaitement à l’aise dans le film noir, dont il respecte les codes, que dans la satire burlesque. Un Séoul nocturne et vide, avec des ruelles étroites et trempées, est l’arrière plan oppressant d’une scène de crimes où les protagonistes se croisent, le plus souvent la cigarette à la bouche. Le commissariat de police, grouillant d’un joyeux bordel, est quant à lui le décor d’une charge comique contre l’incompétence des forces de l’ordre. Convention du film noir, l’inversion des valeurs (le proxénète obstiné et méthodique dans son enquête et la police paresseuse ou abrutie) est respectée. A l’image de la ville, tout le monde est gris et la violence, justifiée ou non, devient le plus sûr moyen d’arriver à ses fins. La montée du suspense, dans les scènes de crime ou de poursuite, se voit habilement contrebalancée par le burlesque d’une enquête annexe (un lancer de merde sur le maire de la ville). C’est heureux pour la tension nerveuse du spectateur et les accoudoirs des salles de cinéma…

Si une audience occidentale trouvera, comme moi, matière à rire dans l’incroyable inefficacité de la police coréenne, il n’est pas dit qu’il en soit de même pour les spectateurs de ce pays. Le parti pris réaliste du film rend la satire féroce et inquiétante. Montrant une police clientéliste et corrompue, prête à fabriquer des preuves et faisant assaut de vulgarité, la critique va loin et semble refléter la déception d’un peuple tout entier. Au travers du ridicule et de la violence, le film se montre également particulièrement défaitiste sur la nature humaine. Les personnages du film, bons et mauvais, sont bestiaux et mesquins. La religion chrétienne, présente tout au long du film par l’intermédiaire de ses symboles (la croix, la statut du Christ,…), renforce cet aspect puisqu’elle est impuissante à empêcher les actions qui se déroulent sous nos yeux.

Le pessimisme du film est contagieux et son atmosphère lourde devient vite oppressante. L’absence d’explications dans les actions du tueur et l’idée, subversive, que tout est de la faute d’une société qui, par incompétence ou par malchance, le laisse faire, renforce ce sentiment d’impuissance, pour les protagonistes et pour nous, spectateurs atterrés. On partage la frustration de Joong-ho, on devient son adjoint dans cette enquête, en remplacement du demeuré qui l’accompagne (d’ailleurs volontairement transparent). Cette identification est facilitée par le jeu superbe de Kim Yun-seok, dont l’assurance tranquille des débuts fait place au cours de l’histoire à l’angoisse et à la peur. C’est également le seul personnage pour lequel le réalisateur fait preuve d’une réelle tendresse malgré son statut peu reluisant. Confisquant la caméra et les gros plans, son personnage hérite de l’énergie de la réalisation pendant toute la durée de la chasse. Au nom du réalisme, Na Hong-jin se fait pourtant discret, privilégiant par moments le hors champ, évitant zooms et mouvements tapageurs. Sans fioritures, il filme avec un minimum de coupes des poursuites où les protagonistes s’essoufflent, des corps à corps quasi langoureux au cours de combats maladroits.

Basée sur une histoire vraie, privilégiant le réalisme visuel et s’en remettant totalement à son scénario et à ses acteurs, Na Hon-jin livre une œuvre prometteuse qui, en raison d’une tension parfaitement maîtrisée, ne laisse pas de marbre. Si le film n’est pas exempt d’incohérences ou de quelques longueurs, on lui pardonne bien volontiers ce qui, on l’espère pour la suite, ne sont que des erreurs de jeunesse…

The Chaser sort sur les écrans français le Mercredi 18 Mars 2009.
Remerciements à Clément Rébillat et Le Public Système Cinéma.

- Article paru le mercredi 11 mars 2009

signé David Decloux

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