The Doll Master
Moi vous savez, les poupées maléfiques ça m’a toujours terrorisé. Depuis que Bob Morane s’est heurté aux Poupées de l’ombre jaune sous mes yeux d’enfant, je n’ai plus jamais regardé une poupée, de chiffon ou de porcelaine, de la même façon. Le Dolls de Stuart Gordon n’y a rien changé, pas plus que la série des Puppet Master (que j’affectionne tout particulièrement) ou les aventures de notre Good Guy préféré, Chucky. Non vraiment, j’ai toujours trouvé que les poupées, simulacres de vie paradoxalement figés dans l’immobilisme, étaient une bonne source de trouille. Et je suis certain que Jeong Yong-Gi, réalisateur de The Doll Master, est d’accord avec moi.
C’est pourquoi son film s’intéresse à un groupe de jeunes gens, convoqués dans une demeure isolée pour servir de modèles de poupées. Il y a Hae-Mi, sculpteuse, Sun-Youg, étudiante naïve, Young-Ha, romancière en devenir - d’une timidité maladive et un peu trop attachée à Damien, sa poupée -, Jung-Ki, photographe que l’on devine plus pipoteur que réputé, et enfin Tae-Sung, modèle autoproclamé, et surtout invité surprise de cette session inhabituelle. Ce dernier en effet, n’a pas été convoqué par la maîtresse des lieux, mais ayant eu vent du « casting », a décidé de tenter sa chance. Profitons-en justement, pour vous présenter Madame Im, la fameuse maîtresse des lieux, à côté de laquelle la belle-mère de 2 soeurs paraîtrait presque sympathique. Se déplaçant en fauteuil roulant, elle ne s’exprime quasiment jamais et ne sourit pas plus. En cela, elle s’accorde bien avec l’atmosphère de son étrange demeure... ah mais c’est vrai, j’ai oublié la maison ! Une structure étonnante, qui aurait dû devenir maison de Dieu mais qui n’a jamais été achevée en tant que telle. Elle héberge aujourd’hui un étrange musée de poupées, et sa décoration morbide est faite de poupées de taille humaine : l’une sort partiellement d’un mur façon passe-muraille, pour porter un miroir ; une autre semble tomber d’un plafond pour servir de lustre - et les plus sordides servent même de décorations dans les WC. Un environnement bien dérangeant... mais ça alors, j’ai encore oublié quelque chose, alors que c’était le sujet du prégénérique du film : 60 ans auparavant en contrebas de cette étrange demeure, un homme a été exécuté, injustement accusé du meurtre de sa femme. Et la poupée - vivante ! - de laquelle il s’était éprise a longtemps pleuré sa mort... de là à ce qu’elle cherche un jour à se venger !
Voilà qui vous situe un peu mieux l’enjeu de The Doll Master. Présenté tel quel, on pourrait presque croire que je vous ai livré bon nombre de spoilers sur le film... mais non ! Jeong Yong-Gi décide pour son premier long métrage de tourner le dos aux multiples révélations de ses contemporains, pour jouer la carte d’un fantastique assumé, façon House on Haunted Hill, Waxwork et autres récits de maisons plus ou moins hantées et/ou magiques. L’intention est d’autant plus louable que le prégénérique - présentant de façon anodine le deuil d’une poupée dôtée d’une âme ! - est très joli, que la demeure servant d’hôte à l’action est étonnante, et que les décorations à base de poupées - croisement improbable des meilleurs Jess Franco avec l’esthétique d’Orange Mécanique, revu à la lumière d’un bestiaire horrifique asiatique contemporain très sombrement velu - sont vraiment déplaisantes. Seulement voilà : si les retournements à gogo sont rarement une fin en eux-même, ils permettent souvent de combler bon nombre de lacunes scénaristiques, et de doper le rythme d’un film sans avoir recours à une réelle action - ce dont Jeong Yong-Gi s’affranchit malheureusement.
Du coup, The Doll Master devient trop honnête. Dés le prégénérique, le spectateur possède trop de clés en mains. Et l’on ne cesse de lui en redonner, à chaque vision de poupée, à chaque séance photo, à chaque apparition de Mina - petite fille qui semble provenir du passé de Hae-Mi - et bien entendu à chaque meurtre, alors que la seule porte à ouvrir l’a été depuis le début. Le rythme est affreusement bancal, à tel point que chaque personnage se doit de devenir un temps le héros du film, afin de compenser le faible nombre de meurtres et d’évènements « effrayants », par leur découverte sans cesse répétée. Et c’est là que The Doll Master devient vraiment étonnant : on a presque l’impression qu’il a été conçu comme un film à tiroirs de plus, avant d’être remonté de façon chronologique - à l’exception d’un ultime flashback, redondant - pour se démarquer de ses camarades ! Non pas classique mais simplement rétrograde, The Doll Master au lieu d’être un bel hommage, se contente donc d’être mou et cousu de fil blanc. Dommage que son cadre et son esthétique n’aient pas été plus judicieusement employés, comme lors de la trop courte séquence des poupées qui prennent vie, réminiscence mainstream et avortée du final du merveilleux Maniac de William Lustig.
The Doll Master est disponible dans une luxueuse édition double DVD, éditée en Corée par KD Media.



