The Final Storm
Je ne sais pas ce qui est le plus terrifiant : une apocalypse faite de catastrophes naturelles et autres émeutes meurtrières, ou Luke Perry qui débarque chez vous, en panique amnésique au cours d’une nuit d’orage, un béret vissé sur la tête et sapé comme un gentilhomme du siècle dernier ? La famille Grady elle, n’a pas à choisir puisqu’elle subit les deux. Pour la première, elle partage le triste sort de la planète entière, qui trinque depuis plus d’une semaine comme en plein jugement dernier. L’arrivée du second toutefois, n’est rien que pour eux ; et ce d’autant plus que, le matin suivant, lorsque Tom et Gillian tentent de faire la connaissance du dénommé Silas, il semblerait bien ne plus y avoir âme ou assimilé qui vive à l’extérieur de la maison, chaque voisin, animal et insecte ayant tout bonnement disparu. Se pourrait-il que les Grady soient en train de vivre les derniers instants de l’humanité ? Et quel secret cache donc le comportement insaisissable de Silas Hendershot, persuadé d’être enfin revenu chez lui ?
A l’issue de The Final Storm, une question me taraude... à vouloir se lancer dans la mise en scène de films « normaux », ni décriés ni extrémistes, Uwe Boll ne risque-t-il pas de se faire oublier de la voix du peuple ? Toujours est-il que cet orage final en est un, de film normal, ou presque, et vraiment pas mauvais qui plus est. Cela commence comme une fenêtre sur la fin du monde, par la petite lucarne et ses stock shots, auxquels font écho les pluies torrentielles qui s’abattent sur nos protagonistes. A la manière du Signes de M. Night Shyamalan, Boll s’attache au prisme restreint de la famille Grady et de son invité surprise, et laisse l’humanité s’effacer hors-champ, tant et si bien que l’on pourrait penser que cette fin de toutes choses, en creux, est le sujet du film. Pourtant, l’effacement lui-même s’étiole en arrière-plan, au profit d’une intrigue autre, humaine celle-ci, opposant implicitement Tom et Silas pour la propriété de ces terres et du cœur de la belle Gillian. De deux choses l’une : soit le scénariste, Tim McGregor, s’est égaré en cours de route, soit l’idée est aussi volontaire qu’intéressante, de se consacrer aux derniers instants de l’Homme dans tout ce qui le caractérise. La convoitise, la jalousie, la pulsion meurtrière. Au diable la destruction massive et les effets spéciaux : Boll n’a pas les moyens, et l’un de ses compatriotes en a déjà fait son fonds de commerce de toute façon.
Puisque la hiérarchie des enjeux est inversée, pas de raison pour qu’il n’en soit pas de même avec les performances des acteurs. Fidèle à son habitude, Uwe Boll échoue terriblement à tirer quoi que ce soit d’une Lauren Holly que l’on a rarement vue aussi fade, condamnée à s’allonger sur le ventre en silence pour s’offrir à son mari dès les premières minutes du film, et à pâtir de cette soumission tacite tout au long de l’histoire. Steve Bacic est plus convaincant, même s’il pourrait reprocher à l’équipe du film de le contraindre à se servir un verre – ou même une bouteille – à chaque fois qu’il pénètre dans une pièce. Ça me rappelle un peu ma première chatte : à chaque fois que je rentrais dans mon appartement, elle était persuadée que c’était l’heure de manger. Elle est devenue un peu grosse, du coup. Et Bacic lui, un peu ivre. Faute de mieux, nos regards se tournent vers Luke Perry, qui, de façon complètement improbable, s’en tire avec les honneurs. Son incarnation de Silas Hendershot, rétrograde non seulement dans son accoutrement mais aussi dans la quasi désuétude de sa courtoisie, menace silencieuse qui pèse sur les Grady, est juste et convaincante.
C’est donc autant Perry que la mise en scène d’Uwe Boll, étonnamment restreinte au vu du contexte, qui portent The Final Storm jusqu’à sa conclusion arrogante ; que je vous livre ici puisque je sais que, comme bon nombre des détracteurs de Boll, la majorité d’entre vous descendront le film sans même l’avoir vu. Alors que les Grady et Silas s’abiment dans la propension humaine à l’auto-destruction, l’apocalypse omise reprend son droit sur le métrage, s’accapare l’image en trous noirs et autres supernovæ, et achève cette parenthèse en silence. Une pirouette, certes, mais plutôt bien exécutée, dans laquelle certains ne verront qu’une vile supercherie, alors que j’y vois pour ma part une intelligence, économique et narrative, à même de renforcer mon affection pour le supposé « plus mauvais réalisateur de la Terre », et de rendre The Final Storm bien meilleur qu’il n’aurait dû l’être. Go Boll !
The Final Storm est disponible en DVD un peu partout, notamment en Angleterre et aux US, mais pas chez nous !




