The Gingko Bed
Il ne nous manquait plus beaucoup de films à traiter pour couvrir l’ensemble de la carrière de l’excellent Han Seok-Gyu... avec la ressortie tant attendue de The Gingko Bed en DVD au format, sous-titré, et surtout avec la piste son en coréen, c’est désormais quasiment chose faite ! C’est aussi l’occasion de découvrir le premier film du réalisateur de Shiri. Shiri, d’ailleurs, qui est sorti en salles chez nous sous le titre Nom de code : Shiri, et qui s’est fait littéralement massacrer par les critiques, qui le taxent sans hésiter de film malsain, militariste, gratuit, et j’en passe... allez comprendre ! Ces gens-là prétendaient aussi sûrement que Starship Troopers était un film fasciste... Mais passons, et revenons plutôt à cet étrange objet qu’est The Gingko Bed...
Su-Hyun (Han Seok-Gyu), artiste de son état et accessoirement professeur de dessin à l’université, fait d’étranges rêves dans lesquels lui apparaît toujours la même femme, une certaine Mi-Dan. Rapidement, le territoire des rêves empiète sur celui, supposé plus concret, de la réalité, et les songes se transforment en apparitions prémonitoires. Suivant les indications révélées au cours de son activité cérébrale nocturne, Su-Hyun récupère un magnifique lit en bois, taillé à partir d’un arbre de gingko, et sur lequel sont gravés les visages d’un homme et d’une femme. Une fois cet artefact en sa possession, les manifestation d’un subconscient oublié vont se faire de plus en plus présentes, non seulement pour Su-Hyun, mais aussi pour son entourage (sa compagne Sun-Young notamment). Alors que la réincarnation d’un certain Général Hwang erre dans les rues à la recherche de Mi-Dan, l’esprit de cette dernière emprunte des corps vivants pour apparaître à Su-Hyun et lui expliquer la situation. Pourquoi Su-Hyun se voit-il lui-même dans ces rêves d’une époque révolue ? Quelle est cette musique qu’il entend constamment, et surtout, pourquoi se sent-il si proche de Mi-Dan ?
Contrairement à Shiri, The Gingko Bed n’est pas un film à vocation de blockbuster ; c’est plutôt un projet que l’on devine à mi-chemin entre le projet personnel et une certaine vocation populaire. Très court, c’est un film très bien écrit, qui parvient à faire oublier son petit budget évident en restreignant les lieux de l’action au minimum nécessaire, et en évitant de mettre en scène des personnages superflus. Ici, tout tourne autour du quatuor principal qui se décline en autant de couples : Su-Hyun/ Sun-Young de nos jours ; Su-Hyun/ Mi-Dan au travers des âges ; Su-Hyun/ Hwang et Mi-Dan/ Hwang pour les antagonismes. Aucun couple ne prend le dessus par rapport à un autre, et leur(s) histoire(s) forment un tout étonnamment cohérent pour une histoire impliquant plusieurs présents de narration. Même si le personnage interprété par Han Seok-Gyu constitue l’élément liant du film, aucun des trois autres protagonistes n’est délaissé, et tous sont dépeints avec la même attention, que ce soit avec sympathie ou pitié. Du coup, The Gingko Bed devient très vite tout à fait crédible, en même temps qu’attachant.
La réalisation est sèche et nerveuse et permet de faire avancer le film à vitesse grand v tout au long de ses denses 88 minutes ; d’ailleurs on retrouve aisément le style très dynamique qu’il y a dans les séquences les plus tendues de Shiri, ainsi que les mêmes pauses contemplatives.
A mi-chemin entre le film d’action, la SF, la bluette et le film en costume, The Gingko Bed est un histoire d’amour inhabituelle (traitée de façon tout aussi iconoclaste - voir par exemple la scène post-générique en "rendu peinture", sublime), inclassable et merveilleuse, servie par un casting impeccable (le Général Hwang est notamment interprété par Shin Hyeon-Jun, le héros de Bichunmoo). Principalement producteur, Kang Je-Gyu nous ferait bien plaisir s’il endossait plus souvent la casquette de réalisateur !
Beam nous avait habitué à mieux...
Cette édition coréenne de The Gingko Bed propose le film au format dans une copie non anamorphique à la compression très hésitante (surtout au cours de certaines séquences nocturnes) ; accompagnée d’une bande-son que l’on croirait repiquée sur 33T tellement il y a de craquements... Mais c’est toujours mieux que toutes les versions recadrées et doublées du film disponibles un peu partout !