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Hong Kong

The Heavenly Kings

aka 四大天王 | Hong Kong | 2006 | Un film de Daniel Wu | Avec Daniel Wu, Andrew Lin Hoi, Terence Yin, Conroy Chan Chi-Chung, David Lee Wai-Seung, Tony Ho Wah-Chiu, Jo Koo, Jacky Cheung Hok-Yau, Miriam Yeung Chin-Wah, Karen Mok Man-Wai, Paul Wong Koon-Chung, Davy Chan, Nicholas Tse Ting-Fung, Jun Kung, Stephen Fung Tak-Lun, Candy Lo Hau-Yam, Josie Ho Chiu-Yi

Les Rois célestes. Le titre de son unique film à ce jour en tant que réalisateur, Daniel Wu le doit au surnom accaparé par Jacky Cheung, Andy Lau, Aaron Kwok et Leon Lai dans les années 90, alors qu’ils dominaient la scène de l’entertainment HK, sur scène et dans les médias. Ce qui est certain, c’est que le sobriquet n’échouera jamais de droit au quatuor formé par Daniel Wu, Andrew Lin, Terence Yin et Conroy Chan. Si Wu est une star de premier rang, Lin et Yin sont tout au plus des acteurs de seconde catégorie, tandis que le dernier, de son propre aveu, est plus célèbre pour avoir épousé Josie Ho que pour sa propre carrière à l’écran. Quand on se rend compte de plus, que seul Terence Yin sait chanter, et qu’en dépit de son statut, Daniel Wu est le plus piètre artiste musical de tous – leur producteur n’hésite pas à dire d’eux qu’ils sont « nuls à chier » - comment expliquer qu’ils se lancent ensemble dans l’aventure de l’improbable boys band Alive en 2005 ?

Pour comprendre et saluer la démarche, qui tient à premier abord du suicide artistique et commercial, il faut regarder The Heavenly Kings dans son intégralité. Ce vrai-faux documentaire, pas si menteur que ça, étant l’incarnation d’une volonté cinématographique rare. Désireux de réaliser un film sur la musique, les affres des artistes HK et la toute-puissance de la presse à scandale en matière de célébrité, Andrew Lin se refuse à imaginer une fiction, craignant de sombrer dans la comédie à la Wong Jing. Quelle meilleure solution selon son pote Daniel Wu, pour donner de l’âme à ce projet, que de se lancer pour de vrai dans l’aventure musicale, en jouant des travers des médias pour donner à Alive, groupe dénué de talent et à peine sauvé par l’Auto Tune, l’inertie nécessaire à son ascension ?

Alive a donc réellement existé. Incapables de trouver une maison de disques, ses membres s’en remettent à une arnaque qui tient aujourd’hui du buzz marketing banal, organisant eux-mêmes la fuite de leur premier morceau sur les réseaux de partage illicite. La conférence de presse qui signe l’accès du groupe à l’exposition publique tient du génie marketing. Puisque leur morceau a a priori été lâché dans la nature par l’un des vils distributeurs à qui ils ont envoyé leur maquette, fruit d’une année de labeur, et que celui-ci n’a donc plus aucune valeur marchande, les Alive proposent de l’offrir en téléchargement gratuit sur leur site officiel. La presse s’en empare – « ils ont mordu », déclare Daniel Wu à la caméra complice – et le tour est joué. A eux les prime times et l’exposition usurpée, par simple voie de scandale.

Ce qui est fantastique avec ce projet délirant, c’est qu’il est souvent impossible de faire la part des choses entre mensonge et réalité, puisque le business même de la célébrité, à Hong Kong comme ailleurs, fonctionne sur une part de tromperie – ainsi que l’illustrent les faux fans, payés par la production pour donner de l’ampleur aux apparitions télévisées du groupe. Certes, certaines séquences du film apparaissent clairement comme de la fiction – l’intervention d’un styliste, affublé de son chien-chien et qui tente de faire du quatuor un acte homo-érotique vulgaire, bascule peut-être même trop dans la mise en scène, bien que Terence Yin y soit excellent d’exaspération – mais elles rejouent alors, en forçant le trait, une réalité vécue au cours de l’aventure. De la même façon, si la rupture entre les membres du groupe n’est que stratégie d’exposition, nos quatre amis l’ont réellement jouée pour les fans et la presse, au point de se mettre cette dernière à dos, à force de manipulation, au moment de la sortie du film et de ses révélations.

Comme le précise Nicholas Tse dans le film, «  les mensonges peuvent devenir vrai, tant qu’on en parle et même si tout le monde sait qu’ils sont faux ». Ses interventions, comme celles de Miriam Yeung, Karen Mok, Candy Lo, Jacky Cheung et j’en passe, ont été recueillies par un Daniel Wu prétendument affranchi de tout projet cinématographique, sur la base de questions récurrentes sur l’industrie musicale HK, dans les réponses auxquelles il a été aisé de trouver, a posteriori, des parallèles avec la trame de The Heavenly Kings. Une astuce de plus - qui montre bien la puissance des images prétendues documentaires sans pour autant tomber dans l’excès à la Michael Moore – qui illustre avant tout la compréhension que Daniel Wu et ses comparses ont de l’industrie dans laquelle ils évoluent, à différents niveaux, et de la communication qui lui est indispensable. Certes, cette industrie s’en sort plutôt bien, égratignée mais pas trop – pas autant que les héros eux-mêmes, finalement, Terence Yin notamment étant dépeint comme un branleur pétomane -, mais cela n’empêche The Heavenly Kings d’être un bijou d’humour, d’astuce et d’engagement artistique. Un engagement au-delà du groupe lui-même (comme si ce n’était pas assez de voir ces acteurs se ridiculiser sur scène !), mensonge étiré pendant près de deux ans, puisque le site www.alivenotdead.com, ex-site officiel d’Alive, a évolué aujourd’hui en partenariat avec Rotten Tomatoes, pour devenir une communauté au service des artistes. Si Daniel & cie sont loin d’avoir l’étoffe de chanteurs, ils ont en tout cas bien celle des rois.

The Heavenly Kings sort aujourd’hui - mardi 6 mars 2012 - en DVD dans l’hexagone, chez Spectrum Films, accompagnés d’excellentes interviews de Daniel Wu.
Remerciements à Antoine Guérin et Spectrum Films.

- Article paru le mardi 6 mars 2012

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