The Human Centipede (First Sequence)
No more Eurotrips.
Il fut un temps où, au cinéma, prendre le chemin de l’Europe était synonyme d’ambiance grivoise, fesses à l’air et autres petites anglaises. Terminées les envolées gentiment sexuées : les rednecks et déjantés d’Europe - du Nord ou de l’Est de préférence, mais les autres points cardinaux ne se portent pas mieux - vous attendent aujourd’hui au moindre détour (mortel) ; et si toutefois vous avez la chance de côtoyer la généreuse intimité d’une Barbara Nedeljakova, rien ne vous empêchera d’être fini à l’arme blanche, à la poudre, à la torche à propane ou tout outil détourné de son usage premier. Ce qui, vous allez le voir, est finalement toujours mieux que de se retrouver en position B.
« 100% medically accurate. »
La baseline de The Human Centipede, qu’on connaisse ou non son propos singulier, a de quoi intriguer le spectateur : que pourrait-on traiter, à l’écran, de si surprenant, pour accorder la moindre importance à son exactitude médicale ? La résurrection érectile de John Bobbitt ? Gavés de diagnostics et conditions improbables depuis que Michael Crichton a imposé la steadycam à tous les services hospitaliers de la planète, plus rien ne nous étonne. Sauf, peut-être, cette drôle d’idée du docteur Heiter, fin savant fou d’Allemagne rurale, qui, pleurant le décès de son assemblage de trois rottweilers, kidnappe Lindsay et Jenny, simplettes new-yorkaises, et Katsuro, un quidam nippon, pour créer un mille-pattes humain. Ce qui revient à sectionner quelques ligaments des malheureux (pour qu’ils ne puissent plus se relever), et les coudre l’un à l’autre, ass to mouth autrement plus vilain que celui que reconnaît Rosario Dawson dans Clerks II, pour faire un bel assemblage digestif fonctionnel. En-tête, celui qui assume la position A a finalement bien de la chance, tandis que celle qui termine en position C garde les fesses dans le vent. La malheureuse qui échoue en position B, par contre…
Parti d’une simple élucubration autour d’un châtiment à la hauteur des crimes pédophiles, le hollandais Tom Six élabore donc un film aberrant autour de cette idée répugnante – que je vous déconseille d’ailleurs, de regarder comme moi avant le petit déjeuner. Traversé de la vision hallucinante de cette grotesque unité digestive, The Human Centipede, de la captivité à l’affrontement tragi-comique en passant par l’humiliation, déconcerte par sa froideur télévisuelle en dents de scie. Les hauts dansent avec autant de bas, dans un mélange qualitatif que l’on peut supposer volontaire. Ainsi, de la même façon que Heiter ignore les ultimatums incessants de Katsuro, ne se défaisant jamais de sa détermination, Tom Six n’a rien à faire des faiblesses de ses dialogues ou de la pauvreté de jeu de ses deux actrices américaines, condamnées de toute façon à paraître demeurées par un scénario cynique. Ce qui compte, c’est que Dieter Laser, dans la peau de ce spécialiste de la séparation de siamois passé au processus inverse, garde le cap de son ignoble expérience, que Six n’hésite jamais à cadrer comme une de ces installations post-modernes qui fascinent, dans les musées du monde entier, notre élite culturelle.
Two’s company, three’s a crowd.
Et puisque Dieter Laser excelle dans son rôle, Tom Six remporte son pari infâme, satisfait pleinement notre curiosité masochiste, et dépasse le ridicule volontaire au profit du cauchemardesque. A l’exception d’une excision du postérieur, pas jolie-jolie, The Human Centipede n’a d’autre étalage graphique que l’exposition, en large, de ces humanités bafouées l’une derrière l’autre, leurs plaies et sutures en plein rejet de greffes internes et externes. Mais celle-ci, balancée avec la banalité plate du tout-numérique, est bien suffisante pour asseoir le film, en dépit de ses faiblesses assumées (le duo de flics allemands, dont un muet, ferait pleurer Horst Tappert), au panthéon des grandes œuvres malades. Croyez-moi, vous n’écouterez plus jamais quelqu’un vous dire qu’il a besoin d’aller aux WC sans tressaillir !
The Human Centipede n’est pas disponible chez nous, mais il l’est notamment outre-Manche, en DVD et Blu-ray, pour pas cher du tout.






