The King of Jail Breakers
« I am not a number, I’m a free man. »
Suzuki est loin d’être un prisonnier modèle. Il porte le matricule 42, profite d’une nuit de tempête pour s’évader et fuit ce qu’il déteste le plus, sa cellule d’isolement. Prouesse physique, agilité toute féline, dentition creuse et une incroyable volonté font de Suzuki la parfaite anguille, capable de s’extirper de n’importe où, n’importe quand. Son abnégation constante à se faire la malle attise la curiosité du gardien chef Kanimura. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à refuser une promotion dans le simple but de comprendre le comportement de Suzuki, et de trouver enfin des réponses à ses questionnements.
Ce Roi de l’évasion est tout simplement un doux biscuit, une belle sucrerie qui dépoussière un Festival du Film asiatique de Deauville qui s’est enlisé depuis quelques éditions dans du cinéma d’auteur humblement produit par quelques mécènes généreux, souvent français, et dans une programmation de films proches d’une « discrète » sortie en salles ou en DVD. Non pas un pavé dans la marre, ou un renouveau cinématographique aussitôt vu, aussitôt oublié. Mais une belle surprise assez bien écrite.
Oublié le simple fait que les cinéastes de la terre ne savent pas faire des films d’une durée descente. Rappelons-leur que l’on peut juste dire autant de choses en 1h26 qu’en 2h17. Éradiquée la pensée que les hommages au genre le plus complet et jouissif du cinéma nippon n’est pas possible. Escamotée cette fâcheuse projection de Clash passée sur un strapontin bancal et dévissé, où le simple fait de vouloir rentrer dans la salle relève de la sélection pratiquée devant les boites de nuit parisiennes le soir de la Saint Sylvestre.
The King of Jail Breakers est un somptueux film d’exploitation, ou plutôt une apothéose de belles séquences tant chéries par nos mirettes, un Sasori enrobé dans un beau gros, très gros ruban, un film de prison de femmes où les femmes sont remplacées par des hommes, pardon par un homme : Suzuki, le prisonnier 42.
Première réalisation de Itsuji Itao, The King of Jail Breakers est tout d’abord une performance d’humaine, puisque le rôle de l’évadé le plus doué, et aussi le plus vite repris, est tenu par ce même réalisateur. Au-delà d’avoir réussi ce passage derrière la caméra et ce jonglage permanent entre le poste de réalisateur et d’acteur principal, Itsuji Itao a donné un ton singulier à son film avec comme point d’orgue un dialogue à sens unique entre des personnages fondamentalement inséparables : Suzuki le prisonnier et Kanemura le gardien, à l’image d’un Burt Lancaster et de son geôlier dans Birdman of Alcatraz. Également hors du commun, car alors que les autres gardiens prennent un sadisme collectif à corriger l’anguille Suzuki, Kanemura lui se pose des questions et surtout LA question, la même pendant des années : pourquoi s’évade-t-il toujours, rallongeant ainsi considérablement sa peine ? Pourquoi, alors que ses évasions sont plus rocambolesques les unes que les autres, se fait-il aussi facilement reprendre ? Et pourquoi toujours se diriger vers une voie ferrée ?
Force est de constater que même si le final est un peu trop poétique, voire too much, le reste du film tape vraiment juste, un peu comme si Icare était revenu définitivement à la vie et qu’il utilisait enfin autre chose que de la cire. Tant par ses décors, ses éclairages, le mutisme du prisonnier Suzuki, et l’ingéniosité assez fréquente de la réalisation.
The King of Jail Breakers est une réussite. Quel moment de cinéma !!
The King of Jail Breakers était projeté en compétition officielle lors de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010).




