The Land of Hope
Ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la radioactivité.
Près de deux ans jour pour jour après la catastrophe de Fukushima - j’allais dire d’Hiroshima, comme quoi - Sono Sion a présenté son dernier film au quinzième festival du film asiatique de Deauville dans le cadre d’un hommage qui lui était consacré. Un film engagé, mais pas barbant, contre le redémarrage des centrales nucléaires au Japon.
Dans un futur proche dans l’Archipel, une explosion dans une centrale nucléaire provoquée par un tremblement de terre entraîne l’évacuation des populations vivant à proximité. La frontière de la zone d’exclusion imposée par les autorités passe par le jardin d’une famille d’agriculteurs. Les parents, déjà âgés, décident de rester sur place mais convainquent leur fils et leur bru de partir en raison de la radioactivité. Leurs voisins n’ont pas cette chance et sont évacués dans un centre de secours improvisé. Bon gré mal gré, la vie reprend son cours : le jeune couple attend un bébé, mais la future maman s’inquiète de l’effet de la radioactivité.
Par rapport à ses précédents films, beaucoup plus barrés, le Sono Sion de The Land of Hope est nettement plus sage. Un assagissement qui sied bien au sérieux de son entreprise, mais qui pourrait en chagriner certains. Mais pour moi, sa décision de déjouer les attentes - car le film le demande - confirme tout le bien que je pense du cinéaste japonais.
Ce qui ne veut pas dire que malgré le sérieux du sujet, Sono Sion abandonne toute fantaisie. Il a ainsi inventé le personnage au comportement fantasque de la grand-mère, victime de la maladie d’Alzheimer et seule personne ne se rendant pas compte du danger. Une grand-mère qui pourrait être le Japon actuel qui a déjà oublié les dégâts provoqués par la catastrophe de Fukushima, comme elle oublie au bout de quelques minutes avoir demandé à rentrer chez elle.
The Land of Hope est un film engagé, sans pour cela que Sono Sion enfile de gros godillots de militant. Même s’il botte les fesses des autorités japonaises, dont il dénonce l’absurdité des décisions. Comme cette zone de sécurité qui coupe en deux un village, comme si finalement en l’espace de quelques centimètres, on passait d’un air radioactif à un air non vicié.
Dans une société japonaise connue pour son respect de l’autorité, pour le meilleur comme pour le pire, il critique aussi le manque de transparence du gouvernement à propos du danger encouru après l’explosion de la centrale. Il recommande de ne pas croire les informations qu’il donne. En cela, Sono Sion reste fidèle à sa réputation de cinéaste punk.
Mais la radioactivité, d’autant plus inquiétante qu’elle est invisible, ne pollue pas seulement l’air, elle contamine aussi l’esprit des gens. La peur s’empare de la bru enceinte qui a peur de ses conséquences pour son bébé, et son comportement attire la réprobation des habitants de leur ville d’adoption.
The Land of Hope traite d’un sujet dramatique, mais il s’agit d’un film lumineux. Cette lumière provient de la force de caractère des personnages qui luttent contre une force plus puissante qu’eux. Elle les pousse à résister pour l’ancienne génération et à aller de l’avant pour les plus jeunes. Le film de Sono Sion est transcendé par cette énergie positive qui le traverse.
The Land of Hope a été présenté hors compétition au cours de la 15ème édition du Festival du film asiatique de Deauville. Il sortira sur les écrans français le 23 avril.






