Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2002

The Man Who Watched Too Much

Corée du Sud | 2000 | Un film de Son Jae-Goun | Avec Kim Sang-Hyun, Lee Gye-Young, Kim Sin-Sung

Après avoir récupéré nos accréditations, nous avons du choisir notre première séance de ce quatrième Festival de Deauville (le premier pour l’équipe de SdA, mais sûrement pas le dernier !). Au départ, nous voulions commencer les festivités avec Peony Pavilion pour profiter du retour sur grand écran de l’un de nos premiers amours HK - nulle autre que Joey Wong - mais nous lui avons finalement préféré un film coréen tourné en DV, qui avait l’air sympathique et que nous n’aurions sans doute pas l’occasion de revoir de si tôt. L’heureux élu pour notre ouverture fut donc The Man Who Watched Too Much, comédie noire sur un homme qui se découvre une passion pour le cinéma dans d’étranges circonstances. Jugez par vous-même...

Un soir, le jeune Seong-Soo, consommateur vorace de films en vidéo, utilise une cassette de location pour filmer sa voisine d’en face. Comme du voyeurisme au snuff il n’y a qu’un pas vite franchi (au cinéma du moins, c’est souvent le cas), Seong-Soo se retrouve avec un meurtre filmé en direct sur les bras. Sympa pour les tordus, sauf que là le meurtrier a repéré le cinéaste amateur peu discret. Juste avant de se faire rattraper, Seong-Soo parvient à remettre la cassette dans la boite de retour du vidéoclub.
Le lendemain lorsque, à l’ouverture de la boutique, l’un des employés récupère tous les retours de la nuit écoulée, le meurtrier se précipite pour tenter de retrouver la preuve vidéo qui risque de le condamner. N’ayant pas de pièce d’identité sur lui pour obtenir un abonnement, le jeune homme énervé est obligé de retourner chez lui. Quand il revient au vidéo-club, tous les films ont retrouvé leur place sur les nombreuses étagères du magasin en sous-sol. Commence alors un marathon-visionnage au cours duquel notre meurtrier en herbe va se découvrir une passion excessive pour l’expression cinématographique, et tout particulièrement pour Alfred Hitchcock...

The Man Who Watched Too Much débute avec une simple histoire de meurtre - couché sur bande par accident - qui aurait pu ne déboucher sur rien de plus qu’un film "mode" traitant de la violence au cinéma et/ou du phénomène légendaire des films snuff. Et pourtant il n’en est rien : lorsque Son Jae-Goun entraîne son héros imprévu en bas des escaliers du vidéo-club, c’est pour nous faire revivre à tous nos premiers pas de folie cinéphile.
Empruntant les films par dizaines en suivant les goûts de la victime abonnée, le meurtrier les visionne tout d’abord en accéléré pour essayer de retrouver la bande qui pourrait l’incriminer si facilement. Puis, il découvre la scène du "beaver" du Basic Instinct de Verhoeven (lorque Sharon Stone subit l’interrogatoire et croise/décroise les jambes pour dévoiler un entrejambe aussi furtif que dénudé), sur laquelle il effectue au contraire une lecture au ralenti, tentant même d’avoir une vue plus nette de l’ "objet" convoité par tous en se plaçant sous son poste de télé. Il décide alors de regarder les films qu’il loue en entier, avec une attention différente. La perfection narrative de Carlito’s Way, l’émotion spectaculaire de Titanic qui laisse notre ami sur le carreau, et enfin la scène de la douche de Dressed to Kill, qui le mène sur la piste des films de Hitchcock, et plus particulièrement de Vertigo...
Ainsi, du jour au lendemain, la tache gargantuesque de l’assassin en herbe se transforme en plaisir inépuisable, à grand renfort d’humour inhabituel. Au cours de cet apprentissage, par exemple, le meurtrier agresse plusieurs fois la sœur de sa victime contrariante pour en savoir plus sur les goûts cinématographiques du défunt. Lorsque celle-ci le dirige vers les films d’action HK, le visionneur fou se rend compte que le vidéo-club se targue de posséder la plus grande collection de films HK de la région !
De nouveau passionné, le héros se transforme en véritable terroriste cinéphile, punissant sévèrement les miséreux qui préfèreraient louer Snake Eyes plutôt que Vertigo, en faisant fi de ses conseils... Au passage, son discours se teint d’un patriotisme culturel agressif, accusant le cinéma coréen d’abuser du modèle culturel américain, prônant No. 3 (avec Han Seok-Gyu) comme l’un des modèles du film de gangster coréen alors que les autres ne s’intéressent aucunement à la réalité du pays, avant de proclamer Green Fish (toujours avec Han Seok-Gyu, décidément) comme étant l’un des meilleurs films coréens jamais tournés sur le sujet. On en oublierait presque que le héros était, trois quarts d’heure auparavant, coupable d’un double meurtre. Mais c’est sans compter sur le talent de Son Jae-Goun, qui boucle un premier mini-film avec un générique humoristique ("nous tournerons la suite si l’on voit que cela intéresse quelqu’un") avant de sa lancer dans The Man Who Watched Too Much, part 2, plus orienté "enquête policière".

Plus de six mois se sont écoulés, et notre héros - qui échappe toujours aux forces de police locales - se dissimule sous le nom Hutchcook, sous une moumoute de cheveux longs plutôt cocasse. Son projet ? Tourner un film qui soit l’équivalent de Vertigo. Alors qu’il essaye de mener ce projet à terme, un jeune flic un peu en dehors de la norme coréenne (implicitée comme étant toujours en survêtement et en baskets, comme dans Nowhere to Hide), car trop propre sur lui et pas assez violent, se rapproche de sa proie...

Dans ce second film, Son Jae-Gyu nous montre les délires de Hutchcook devenu réalisateur, avant de boucler avec classe la boucle en revenant sur ce meurtre qui paraît de plus en plus lointain. S’il est prêt à se rendre à la police, Hutchcook demande en effet qu’on lui laisse terminer son film, et pour cause : celui-ci tient lieu de confession/reconstitution de son premier acte criminel. Grâce à cet artifice narratif très intelligent, Son Jae-Gyu pousse plus loin encore le côté "cinéphile" de son œuvre (bien plus intéressante qu’un Ca tourne à Manhattan, par exemple, car beaucoup plus honnête et originale), tout en terminant de donner à son personnage-titre une consistance remarquable, une raison d’agir compréhensible et presque excusable.

Pour une fois que quelqu’un nous démonte les rouages de la cinéphilie, faisant de la violence un chemin inattendu vers l’image plutôt que de faire l’accusation inverse, rengaine de notre époque, on ne va pas s’en plaindre. Surtout quand c’est fait aussi astucieusement, et avec autant de talent ! Et puis bon nombre d’entre vous se reconnaitront certainement dans ce tableau de passionné...
Un film en DV qui trouverait facilement sa place aux cotés de ses grands-frères en 35mm, sans problèmes ! Il est triste néanmoins de savoir que ce ne sera sans doute jamais le cas...

Euh... rien du tout ! Un prochain festival, peut-être ???

- Article paru le vendredi 15 mars 2002

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