The Missing Gun
« Comment, Sancho n’a pas fait d’article sur Missing Gun alors qu’ils étaient à la projo de Deauville y’a deux ans ?!! C’est carrément nul ; il est terrible ce film ! Mais qu’est-ce qui leur a pris ?! » Voilà le genre de commentaires dont l’équipe de Sancho ne pouvait plus s’affranchir suite à cette incommensurable bévue ! Non, ce n’est pas une erreur, vous êtes bien renseignés, amis, et c’est une poiletonite aigüe qui a empêché ces derniers mois (24 pour être précis !) notre reporter es flingues de faire son devoir ! Mais touti va bene maintenant, car... ce matin, un lapin avec la crème du cinéma chinois va être définitivement enrayé ! Et c’est parti...
La quarantaine affranchie, notre policier de cambrousse se fait secouer les puces un matin par sa femme dés le réveil. Motif : leur fils bien aimé se met à écrire des textes à l’école, faisant la part belle à son admiration pour la découverte de l’Autre sexe ! Pas facile ce genre de réveil avec une telle gueule de bois. Mais Ma Shan finit quand même par retrouver la position verticale et tente de régler ce petit souci familial tout en se préparant pour le boulot. Et là, c’est le début des sueurs froides ! Sans même regarder, le flic qu’il est n’a pas besoin de se ses yeux pour savoir avec certitude que son arme de service a déserté l’étui en cuir qui grince de vacuité sous ses doigts. L’affolement qui s’en suit finit de prouver à quiconque aurait été distrait durant les premières minutes du film, que c’est une ENORME bêtise pour un agent de police que de perdre son arme dans cette joyeuse Chine populaire. Et voilà notre héro qui se lance dans une course contre la montre effrénée ; il faut absolument retrouver cette arme avant qu’elle n’ait servi. Il en va de son entière responsabilité.
Alors forcément, vu comme ça on peut se dire : « tiens, encore un film typique de mise en abîme du boulot de flic dans sa vie privée... » et caetera, et reprendre un article sur un autre site qui parle de ce « genre de film » avec d’autres acteurs et un auteur/réalisateur d’une autre nationalité... pas mon genre. Non, le mien ce serait plutôt de regretter de n’avoir pas encouragé bien plus tôt tous les amateurs de Figures vraies, de Héros du quotidien à découvrir ce film, si simple, si parfait. Car c’est un véritable petit bijou que cette réalisation.
Tout d’abord, et pour satisfaire mon incorrigible envie de découvrir le monde, le réalisateur nous plonge dans un petit village chinois où l’on se rend bien vite compte que son choix n’a pas pu tant que ça échoir au hasard. Toute la partie qui débute le film, et durant laquelle Ma Shan cherche à reconstruire sa soirée de la veille - beuverie dédiée à fêter le mariage de sa sœur - nous amène à arpenter les places publiques et visiter les commerces de ses amis. Nous restons donc dans le domaine publique, et la caméra se gave de plans larges et finalement assez rassurants de bâtiments et constructions ancestrales, hors d’âge et donc empreints du côté rassurant de l’immuabilité. Pour les habitués des polars hyper noirs hongkongais, c’est une chance de découvrir un flic honnête, entouré de connaissances décennales qui cherchent à lui rendre service, non ?! C’est la période du questionnement pour notre héro ; finalement la disparition de son arme n’est peut-être due qu’à une blague potache de l’un de ses amis sous l’effet de l’alcool...
La seconde phase, celle de l’évidence de l’acte délictueux s’ouvre alors. Comme pour mieux nous intégrer encore au malaise de Ma Shan, la caméra nous happe en marche arrière, les yeux sur notre personnage principal, dans une marche au pas de course conduite dans des ruelles toujours plus étroites et labyrinthiques. La rigueur et l’austérité des murets de pierres endiguent la frénétique recherche du personnage principal, en même temps que l’essoufflement et la folie nous prennent ; cette fois ça y est, le jeu de l’identification peut fonctionner à bloc !
Et c’est cette astuce « physique » qui va fonctionner jusqu’au bout de ce petit bijou, puisque nous découvrons des trafics et des intrigues que les villageois si débonnaires au premier regard ont organisé depuis toujours, en même temps que notre enquêteur. Nous ne sommes pas plus en avance sur l’histoire que la caméra ou notre héro : nous sommes liés par l’image à la linéarité des événements. En tout cas jusqu’à la résolution du problème par notre courageux policier. Parce qu’à partir du moment où il sait comment résoudre son problème, nous, simples civils, redevenons de purs spectateurs. Trop dangereux. Et puis il l’a promis, il n’y aura plus de victime à cause de lui et il tient bon. Il en va ainsi jusqu’à cette merveilleuse fin qui nous permet de souffler enfin, en même temps que Ma Shan, et de sourire à cet homme enfin heureux d’avoir retrouver dans son intégralité, son intégrité !
Il va de soi que de ne pas raconter la fin du film oblige à quelques sacrifices dans la narration des petites astuces aussi poétiques que teintées d’une extrême sincérité qui jalonnent cette histoire d’Homme de loi, toujours prêt à faire régner le bon droit. C’est ce qui redéfinit le genre du « film pour tous » à mon sens. Tant dans le public visé, que dans l’exemple même de l’individu qui perd un peu plus de son innocence à chaque faux pas.
C’est très beau. Bravo à la photo, bravo au merveilleux conteur des temps modernes !
Diffusé lors de la 5ème édition du Festival du film asiatique de Deauville en 2003, The Missing Gun est notamment disponible en DVD chinois, ainsi qu’en DVD américain (avec sous-titres anglais, français, espagnol et portugais !).


