The Ring
Ne comptez pas sur moi pour vous conter une énième fois la même histoire : Le Cercle étant l’adaptation US de Ring, vous n’avez qu’à jeter un œil (légèrement glauque...) sur la critique de l’original nippon si vous n’êtes pas encore familiers avec Sadako et SaK7. L’été étant propice aux mots fléchés et autres réjouissances sur papier à consommer les orteils dans le sable, je vous propose de me suivre dans un article sous la forme du jeu des sept erreurs : en d’autres termes, relevons les différences qui existent entre les deux versions (celle de Nakata et celle de Verbinski) et dressons un bilan de l’influence du beurre de cacahuètes sur la gastronomie japonaise.
1. La bande sonore. Celle de Ring, réalisée de main de maître par Kenji Kawaï, contribuait énormément au malaise ressenti lors de la projection : des sons stridents, souvent portés sur les hautes fréquences, des chœurs en portamento et ce grincement caractéristique... Rien que d’y penser, j’en ai encore des frissons... Celle établie pour Le Cercle par Hans Zimmer tente de recopier ces effets mais avec une orchestration américaine (donc symphonique), ce qui ne provoque malheureusement pas les mêmes effets ; l’électronique japonaise était responsable en partie de cette tension auditive et l’on se retrouve donc face à une bande originale qui sert correctement le film mais qui ne joue pas un rôle à part entière dans les sensations du spectateur. Une atmosphère sonore passive en quelque sorte.
2. Le contenu de la K7. Toujours en N&B mais beaucoup moins abstrait que l’original. On retrouve bien évidemment certains éléments comme le reflet de Shizuko en train de se coiffer ou encore l’image du puits qui conclue la vidéo, mais plusieurs plans ont été rajoutés : une échelle qui bascule, un cheval qui se noie... Ces plans supplémentaires ne sont pas gratuits et permettent au réalisateur d’insuffler une nouvelle idée très intéressante : au fil des fameux sept jours, la personne ayant visionné la K7 va croiser chacun de ses éléments, progressant chaque jour un peu plus vers l’issue fatale, à savoir ce qui suit le dernier plan du puits.
3. La peur passive. La principale faiblesse de ce remake vient de là : Ring était très efficace de par l’implication quasi-physique du spectateur (provoquée par l’environnement sonore et surtout par une structure du récit qui permettait de s’identifier facilement à une victime, la peur étant finalement le vecteur responsable de ces morts inexpliquées) et la mise en situation de celui-ci ; en sortant de la première projection de Ring, il m’était difficile de ne pas guetter le moindre indice de Sadako dans les recoins de mon champ visuel. Or sur Le Cercle, cette identification ne fonctionne plus, probablement parce que Samara (oui, j’avais oublié de vous dire que Sadako avait aussi changé de prénom lors de sa migration aux US, en même temps qu’elle avait rajeuni...) est davantage présentée comme coupable directe de ces meurtres. Si l’on examine le problème d’un peu plus haut, on constate tout simplement que le récit japonais a été standardisé pour le marché américain (même schéma que pour Abre Los Ojos et Vanilla Sky) et qu’il a perdu un de ses atouts majeurs dans ce processus. Après le fat free, le fear free...
4. Les acteurs. Naomi Watts : du bonheur pour les yeux tant elle porte bien le jean et le sous-pull. Question interprétation, elle s’en sort plutôt bien, en tout cas beaucoup mieux que l’endive typée Baldwin qui lui sert d’acolyte. En effet, si le jeu monocorde d’Hiroyuki Sanada collait parfaitement avec le rôle du scientifique Ryuji Takayama, celui de Noah Clay en tant que reporter ex-boyfriend ne décolle jamais et reste au stade du beau gosse américain. Fort heureusement, la jeune Daveigh Chase (maquillée à souhait) rétablit l’équilibre du casting en interprétant à merveille une Samara que l’on sent à la fois victime et menace. La scène de l’interrogatoire dans laquelle Samara apparaît assise au milieu d’une salle d’examen, le visage incliné, ses longs cheveux devant elle, quelques fils à terre la reliant aux appareils d’enregistrement... Tension garantie.
5. Les effets visuels. Si l’on retrouve les effets de l’original, novateurs par leur classicisme, ceux-ci ont malheureusement été surlignés voire amplifiés à l’excès. Par exemple, le principe de flou sur les photographies est toujours là mais sa présentation dans le scénario est beaucoup plus appuyée. La scène finale quant à elle fonctionne toujours mais les interférences rajoutées à la silhouette de Samara ne parviennent pas à égaler la performance désarticulée inoubliable de Rie Inou. Enfin, les masques mortuaires des victimes qui n’étaient que des grimaces mais qui nous flanquaient une trouille incroyable ont été remplacés par des maquillages qui se rapprochent d’une peau brûlée de l’intérieur ; certes l’effet est toujours saisissant mais avec beaucoup moins de finesse.
Ce dernier exemple illustre finalement le traitement intégral qu’a pu subir Ring lors de son adaptation : davantage de moyens pour une cible américaine... Le Cercle est donc un film fantastique US plutôt réussi mais qui laisse le spectateur passif, ce qui n’a bien évidemment rien à voir avec l’original nippon, chapitre terrifiant du cinéma de ces dernières années.
Le Cercle est disponible en DVD zone 1 aux US, au choix au format ou en plein cadre.




