The Search

The Search conte la quête d’un réalisateur, qui parcourt avec des amis le Tibet à la recherche d’acteurs pour l’adaptation cinématographique de l’histoire du prince Drimé Kunden et de la princesse Mandé Zangmo qu’il projette de mettre en scène. Dans un village connu pour ses représentations d’opéra traditionnel, il trouve l’interprète de la princesse dans la voix envoutante d’une jeune femme qui refuse de dévoiler son visage. Celle-ci accepte de les accompagner, à condition qu’ils l’aident à retrouver son ancien partenaire, sur scène et dans la vie, qui l’a quittée pour partir enseigner loin de là. Tous ensembles, bercés par le récit amoureux de celui que le réalisateur surnomme « le patron », ils ponctuent leur voyage d’auditions infructueuses, qui dévoilent les multiples visages du Tibet.

Pema Tseden, réalisateur en 2005 du Silence des pierres sacrées, livre avec The Search, présenté en compétition au cours de la 31ème édition du Festival des 3 Continents, un étrange road movie. Contemplatif à l’extrême, ce film qui fut aussi présenté cette année au Festival de Locarno sous le titre Sur la route, s’attache à évoquer le cinéma sans jamais l’incarner, traitant de culture tibétaine et d’une cinématographie possible avec une distance déconcertante.

Tous les plans de The Search en effet, sont des plans moyens, qui embrassent l’ensemble de ses protagonistes sans jamais les approcher. Si les scènes dans la voiture n’étaient pas contraintes par le confinement de l’habitacle, qui plus est propice à certaines réflexions dans le rétroviseur, nous ne verrions certainement jamais de près les visages du réalisateur et de ses accompagnateurs. Même les paysages tibétains d’une certaine façon, ne nous apparaissent pas en plan d’ensemble mais dans une globalité contrainte par la position de la caméra, fixée au pare brise du véhicule qui nous emmène de la campagne à la ville.

En opposition avec ces représentations globales, les acteurs qui se succèdent devant cette équipe n’incarnent que des facettes incomplètes du prince Drimé Kunden, tout comme, voix sans visage, la jeune fille qui les accompagne n’est qu’un des traits de Mandé Zangmo. L’addition de ces facettes et de leurs rapports à la théâtralité – puisqu’en l’état, le cinéma ne se réalise jamais vraiment – dessine le visage d’une culture tibétaine complexe et polymorphe, insaisissable et vivante, témoigne de sa vitalité mais fragilise l’entreprise des protagonistes. Et si cet idéal narratif était, en réalité, irréalisable ?

Le véritable lieu d’un cinéma possible dans The Search, se trouve dans les récits des personnalités qui le traversent. D’ailleurs, c’est sur l’une de ces historicités que le film livre son seul véritable gros plan, zoom sur le visage de l’ex-petit ami de l’actrice anonyme que Pema Tseden observe, par procuration, au travers d’une caméra dans le film, servant à enregistrer les auditions. Face à ce personnage et à son refus d’incarner Drimé Kunden, qui entraîne le départ de la jeune interprète, les certitudes du réalisateur s’effondrent et son projet de cinéma avec lui. Mais il a trouvé dans ce chemin, contemplatif au point de s’appuyer uniquement sur notre capacité d’absorption et d’écoute, et débarrassé de toute technicité, matière à envisager un autre cinéma. Un cinéma qui ne se met pas en scène mais existe tout de même, presque invisible, dans les rencontres et les récits de The Search, comme par antithèse.