Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Chine | Festival du film asiatique de Deauville 2009

The Shaft

aka Dixia de Tiankong | Chine | 2008 | Un film de Zhang Chi | Avec Luo Deyuan, Li Chen, Zheng Luoqian, Huang Xuan, Guan Siting, Gong Qiya

Si je devais retenir une image du triptyque de Zhang Chi, couronné du Lotus du jury (ex-æquo avec All around us de Ryosuke Hashiguchi) lors de la 11ème édition du Festival du film asiatique de Deauville, ce serait certainement celle, récurrente, d’un jeune homme et sa petite amie, trouvant refuge au cœur d’un bâtiment en ruines pour évoquer l’avenir. La métaphore est à double tranchant : si l’on peut comprendre que le futur des campagnes chinoises se construit sur les vestiges du passé, on peut aussi admettre qu’il est inexistant, voué au même délabrement. Et dans les montagnes de Chine Occidentale, où se situe l’action de The Shaft, l’horizon est en effet obstrué par la chape de fumée noirâtre qui s’échappe des mines.

La mine ici, définit donc l’avenir autant que le quotidien d’une famille parmi d’autres, au rythme des inexorables allées et venues d’un ascenseur dans le conduit vertical qui éloignent les salariés de la lumière du jour. Une fille, employée dans les bureaux de la mine, entretient une relation avec un mineur mais convoite une vie différente ; son frère rêve d’échapper à la suie sans s’en donner les moyens ; leur père, qui semble ne s’être jamais posé la question de l’individualité dans ces montagnes où vie rime avec charbon, tente de sécuriser l’avenir de ses enfants en voyant arriver le jour de la retraite.

The Shaft est construit en trois parties, films dans le film, qui s’intéressent, successivement et chronologiquement, à ces trois personnalités. La première évoque la condition de la femme dans cet univers industriel et donc logiquement masculin, où la beauté de l’héroïne peine à trouver sa place. Son évolution professionnelle s’accompagne de ragots, chacun soupçonnant que sa promotion a certainement été obtenue par le biais de quelque séduction. Un propos banal certes, mais qui montre que même le personnel est ici conditionné à l’industriel ; une réalité qui n’est pas près de changer et qui justifie la passivité du petit ami face aux accusations qui tournent au règlement de compte. La fille doit alors faire un choix : faire preuve de libre arbitre, en tentant de s’affirmer au sein de cet environnement clos en tant qu’être doté d’émotions, ou céder à la pression du système et s’offrir à un citadin qu’elle ne connaît pas – une porte de sortie vers une sorte de liberté conditionnelle. Toujours est-il que, dans les mines, son avenir, même biaisé, n’existe pas.

Pas plus donc, que celui de son frère, évoqué au début de cet article. Ce supposé étudiant, qui n’est pas allé à l’école depuis longtemps, aimerait trouver le moyen de fuir l’univers du charbon au profit des lumières de Pékin. Sans se rendre compte qu’en quittant le système éducatif, il ferme sa seule porte de sortie. Il n’est pas étonnant que le rêve artistique – la réussite dans la chanson – du personnage se solde par un échec ; l’art ne faisant pas partie du cursus proposé en ces provinces, le système n’a que faire d’aptitudes non productives.

La dernière partie du film enfin, se penche sur le cas du père. Son avenir n’est plus en jeu – l’homme a atteint l’âge de la retraite, et a vécu la vie que son fils s’apprête à connaître -, aussi est-il désormais pour lui question de renouer avec le passé, en se lançant à la recherche de sa femme disparue et qui, d’une certaine façon, a connu le même sort que sa fille, « vendue » contre son grès. Un optimisme certain alors que l’on s’attendait à une fin plus sombre, mais qui est tout de même ambigu, tortueux comme la route qui éloigne finalement le père du village : se pourrait-il que, en ayant poussé sa fille vers une autre vie, l’homme ait contraint cette nouvelle famille, même urbaine, à connaître un destin similaire à la sienne ?

La force de The Shaft, classique dans son discours, réside dans sa forme faussement documentaire. Construit autour de motifs récurrents – les rencontres dans les ruines, l’attente de la fille à la sortie de l’usine, les repas silencieux en famille – qui montrent une infertilité évidente de la remise en question de l’omniprésence inexorable de l’industrie minière, cette première réalisation surprend par sa façon, très posée et réfléchie, d’asseoir les incompatibilités des membres de la famille qu’il met en scène, entre leurs désirs personnels et la réalité de la Chine industrielle rurale. Une réalité qui s’incarne pour chacun, dans l’échec d’un amour de jeunesse ; la maturité dans The Shaft est donc synonyme d’une certaine résignation, face à un système qui n’a que faire de l’individu.

The Shaft a été diffusé en compétition au cours de la 11ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2009), où il a obtenu, ex-æquo, le Lotus du jury.

- Article paru le mercredi 25 mars 2009

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