The Sword With No Name
C’est dans les dernières années du XIXème siècle, à la fin de la dynastie Chosun et dans le tiraillement du pays entre ouverture et protectionnisme, qu’une fine lame à vendre, Moo-myoung, croise le chemin de la noble Ja-young. Le mystérieux sabreur, entre maladresse et capacités surnaturelles, s’éprend de celle qui s’apprête à accomplir son destin en épousant le roi de Chosun. En dépit des menaces du chef de la garde royale, plus grande lame du pays, Moo-myung s’acharne à revoir celle qui, devenue reine, s’attire les foudres de son beau-père en tendant la main à l’Occident et la Russie. Moo-myung parvient ainsi à rejoindre la garde personnelle de cette dernière reine de Chosun...
Quelle ne fut pas ma surprise, à l’issue de la cérémonie de clôture de la douzième édition du Festival du film asiatique de Deauville, d’apprendre que le Jury présidé par Florent Emilio Siri, en charge de l’attribution du Grand Prix Action Asia, avait fait de The Sword With No Name son récipiendaire. Pas que le film de Kim Yong-gyun, successeur tardif à l’intéressant The Red Shoes, soit foncièrement mauvais, ou du moins plus mauvais que les titres avec lesquels il construisait une sélection agréable mais sans éclat. C’est juste que, dans sa juxtaposition maladroite de deux films qui cohabitent sans jamais se rejoindre – l’un mélodrame sur fond historique, l’autre esquisse d’actionner embarrassé – ce nouveau succès en demi-teinte du film coréen en costumes passe son temps à refuser d’être le film d’action qui lui a valu une récompense.
Kim Yong-gyun en effet, paraît plus intéressé – et on le comprend - par le contexte politique d’une époque troublée (hypothèse intéressante d’une Corée déjà divisée, même si, passif oblige, les japonais remportent in fine le rôle des bad guys) et par un amour vêtu de dévotion platonique, que par les prouesses martiales potentielles de son protagoniste en mal d’affection. A la délicatesse d’une rencontre dénuée de contacts, où les émotions naissent dans les regards, sourires et effleurements, que Moo-myung et Ja-young partagent sans se toucher ou même se faire face, le réalisateur oppose l’esbroufe toute vidéo-ludique de combats aux contacts exacerbés, nourris par une technologie employée, volontairement semblerait-il, pour creuser l’écart avec l’édifice romanesque global. Pourquoi sinon, extraire, à la force de possibles cinématographiques sans justification, les affrontements de la réalité, esthétique et physique, de l’époque ? L’antagonisme entre Moo-myung et le chef de la garde, fantaisie fantasmée, se déplace ainsi dans des arènes virtuelles, dépouillées et dénuées de spectateurs, à l’horizon ouvert, comme pour ne pas laisser de traces sur le reste du métrage. Sauf que, à chaque amorce épique, la promesse avortée d’un combat dantesque excentre le suspense du film, tressautement d’une narration condamnée à répéter ses émotions avec une lourdeur régulièrement grossière pour contrer le déséquilibre, et rendre l’enjeu à l’Histoire et à l’Amour plutôt qu’aux sabres.
The Sword With No Name s’acharne ainsi contre ses propres contraintes, dans un motif de surplace, j’y vais / j’y vais pas, qui constitue tout de même un désaveu de la casquette action du projet, certainement indissociable de la bonne marche financière d’un tel projet au sein de l’industrie coréenne. Reste à l’écran un film agréable, bien joué et à la plastique, hors scènes toutes virtuelles, irréprochable. Les contrastes ne sont pas aussi saisissants que ceux qui construisent The Red Shoes, mais les cohabitations de couleurs sont tout de mêmes superbes. A ses quelques ébats de lames et de balles, on préfèrera, même si la musique omniprésente les rend un peu pataudes, chaque scène où Kim Yong-gyun se détourne du contact ou le laisse hors champ. Que ce soit dans une scène d’amour, toute de regards vécue, ou dans la retraite anticipée d’une armée entière face au seul Moo-myung, que son adversaire comprend qu’il a participé à élever au rang de héros. Et ce sans même l’affronter directement : voilà qui termine d’invalider la décision du jury, qui a certainement récompensé le film à l’opposé de sa volonté.
The Sword With No Name, vous l’aurez compris, faisait partie de la sélection Action Asia de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville, dont il a remporté le Grand Prix. Si vous êtes super fan, une édition DVD coréenne luxueuse est disponible – le film étant sous-titré en anglais -, comprenant deux DVD, la BO en CD et même un photobook.
NDLR : The Sword with No Name est disponible en France courant mars 2011, en DVD et Blu-ray, chez Elephant Films, sous le titre Le Sang du guerrier.


