Thirst
Nous ne nous sommes pas encore serrés la main, mais je me suis rabiboché avec Park Chan-wook. Après le poulpe qui avait accouché d’une souris et un segment de Three ... Extremes choc mais toc, je lui avais fait une infidélité pour sa Lady Vengeance avant de malheureusement me laisser enfermer dans une salle insonorisée pour son précédent opus, I’m a Cyborg, but that’s OK. Un film qui ne l’était pas du tout. Thirst m’a redonné le goût de son cinéma. Une bonne nouvelle car, si les films du réalisateur coréen prêtent le flanc à la critique, une chose était certaine : il a du talent à revendre.
Sang-hyun, prêtre dans un hôpital, se porte volontaire pour tester un vaccin contre une fièvre hémorragique en Afrique. Parmi tous les cobayes, il est le seul à survivre grâce à une transfusion sanguine. Mais cette résurrection a un prix, il est désormais devenu un vampire. : seule l’absorption de sang empêche la maladie de réapparaître. Cette guérison est considérée comme un miracle et il fait depuis l’objet d’une vénération. La mère d’un de ses camarades de jeunesse vient un jour le trouver pour qu’il guérisse son fils atteint d’un cancer. Celui-ci guérit et Sang-hyun vient régulièrement visiter la famille, dont la bru, Tae-ju, qu’il connaît également depuis sa jeunesse. Leurs retrouvailles et son nouveau "statut" de vampire vont créer un cocktail pour le moins explosif.
Park Chan-wook adore placer ses personnages dans des situations limites qui les poussent à franchir les limites imposées par la société. Un prêtre transformé en vampire offre un terrain d’expérimentation exceptionnel. Sa nouvelle nature le pousse ainsi à attenter au caractère sacré de la vie, violant le plus important des dix commandements pour le commun des mortels. Alors pour un prêtre... Mais s’il se laisse mourir, son geste passe alors pour un suicide. Un acte qui n’est pas non plus bien vu par la hiérarchie ecclésiastique. Pris au piège, Sang-hyun tente de résister à sa nouvelle nature qui est si opposée à l’ancienne. En ce sens, il appartient à cette tendance récente chez les vampires, d’Angel de Buffy contre les vampires à Edward Cullen (Twilight), qui ne sont plus les bêtes cruelles décrites dans la littérature classique du genre.
Thirst est surtout une histoire d’amour entre deux êtres dont les barrières régissant leur vie sautent. Sang-hyun va finir par perdre le contrôle de ses sens, qu’il était pourtant supposés dompter en sa qualité de prêtre. Tae-ju est quasiment prisonnière de la famille qui l’a élevée, prise au piège entre un mari débile et une marâtre de belle mère, coincée entre ses journées au magasin au rez-de-chaussée de la maison et ses soirées à servir de bonniche au première étage. C’est seulement la nuit qu’elle peut exorciser sa frustration, piquant des 100 mètres dans la rue sous prétexte de somnambulisme.
La sueur sera par la suite secrétée par des activités plus torrides. Que serait un film de vampire sans un échange de fluides ? Le savoir faire coréen en la matière est connu et il se confirme une nouvelle fois ici. Ces scènes sont torrides, mais brutes et certaines sanglantes... Les personnages sont possédés par le démon de la luxure.
De Park Chan-wook, on n’attendait pas moins qu’un film barré sur un tel sujet. Il y va cash et le spectateur en aura pour son argent. La maestria cinématographique qui est sa marque de fabrique est bien là, avec une caméra très mobile, mais sans l’esbroufe outrageuse de certaines de ses réalisations précédentes pendant une large partie du métrage. Le cinéma de Park Chan-wook est un cinéma généreux et le reste. L’aspect baroque de sa mise en scène reprend le dessus à l’approche de la fin du film, avec une belle scène à trois sur un matelas à eau, lorsque l’équilibre auquel était parvenu Sang-Hyun, entre ses pulsions et sa conscience, se brise.
Le film est malheureusement handicapé par un problème de rythme, comme cela était déjà le cas pour Sympathy pour Lady Vengeance. Il connaît un passage à vide avant de repartir à fond les manettes dans le dernier du tiers film. Victime du mal du siècle, Thirst, qui dure 2 heures et 13 minutes, aurait gagné à être resserré.
Thirst, qui a reçu le Prix du Jury au Festival de Cannes 2009, sortira sur les écrans français le 30 septembre. Remerciements au Public Système.



