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Indonésie | Festival du film asiatique de Deauville 2014

Toilet Blues

Indonésie | 2013 | Un film de Dirmawan Hatta | Avec Sherly Anggraini, Tim Matindas, Tio Pakusadewo

Parmi les figures croisées dans Toilet Blues, il est une espèce de saint homme qui explique à Anjani, toute en rébellion capillaire et nicotine exhalée avec hâte et ras-le-bol, combien il est facile pour un train, placé sur des rails qu’il ne saurait quitter, d’arriver à sa destination, alors que le cœur humain, lui, librement confronté aux choix, aux hésitations et aux interrogations, peine à trouver son chemin. On peut au moins accorder ceci au premier long métrage du réalisateur indonésien Dirmawan Hatta : il est une incarnation de cette représentation du cœur humain, impénétrable déraillement narratif. Toilet Blues ânonne ses interrogations simplistes avec une parcimonie toute prétentieuse, et, tandis que ses protagonistes se demandent sans cesse où ils vont, n’explicite jamais leur provenance et leur(s) histoire(s).

Il est assez désagréable de se demander, à la lecture a posteriori d’un synopsis, pourquoi on n’a pas su déceler ses affirmations à la vision du film qu’il accompagne : est-ce alors le spectateur qui est défaillant, ou le film lui-même ? A moins que la compréhension ne se soit perdue dans un remontage ? Il semblerait en effet, que la version de Toilet Blues présentée au Festival du film de Pusan dure plus d’une heure de plus que celle présentée en compétition, au cours de la seizième édition du Festival du film asiatique de Deauville. Pas sûr en tout cas, que j’ai réellement envie de vérifier l’intégrité du film, dans une version plus longue encore...

Ce que l’on comprend de l’histoire de Toilet Blues à sa vision, c’est qu’Anjani et Anggalih, qui font chemin ensemble, sont amis d’enfance. Que lui s’en va au séminaire et qu’elle est en fuite, ternie par quelque expression sexuée de sa puberté, prétexte facile à son insolence ; qu’il se refuse à elle alors que, depuis toujours, c’est lui qu’elle convoite, et ne s’en cache pas le moins du monde... Le reste est plus incertain : un homme de main du père d’Anjani chargé de veiller sur elle qui finit par se laisser séduire ; une jeune femme violentée qui réveille la tentation de la chair chez Anggalih ; une jeune prostituée, consciente de sa marginalisation, dont un client régulier semble épris ; ou encore un cadavre, délicatement recouvert de feuilles de palmier... Pas facile de reconstruire le tableau global des humanités qui gravitent autour du voyage d’Anjani et Anggalih, d’exprimer avec certitude leurs interactions.

Le discours de Toilet Blues, rendu difficilement intelligible par les ellipses qui relient – ou délient, c’est selon - chacun de ses tableaux, longs et statiques, est étouffé par une bande-son qui amplifie l’ensemble de ses ambiances sonores, de l’unique et répétitif bruitage de cigarette, passablement exagéré et irréel, au vent qui souffle sur les côtes indonésiennes, en passant par l’expression assourdissante de la faune locale. Dirmawan Hatta dessert ainsi la beauté évidente de ses images, des paysages et des acteurs et actrices qu’il regarde, rendant fatigant ce qui aurait pu devenir contemplatif. Quitte à taire, au moins partiellement, ses ressorts narratifs, Toilet Blues aurait gagné à adopter un chuchotement plus global, à même de laisser le spectateur profiter de ses émotions. Même si celles-ci, à l’image de la glace coulée le long des jambes de la belle Sherly Anggraini - dans une séquence que l’on retrouve deux fois à l’écran, pivot injustifié – sont pour le coup un peu trop explicites, presque grossières.

Seul film indonésien au programme de ce festival, en l’absence d’un certain compatriote signé Gareth Evans que tout le monde espérait, Toilet Blues est une alternative un peu raide.

Toilet Blues a été présenté en compétition officielle au cours de la 16ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2014).

- Article paru le mardi 11 mars 2014

signé Akatomy

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