Tokaido-Yotsuyakaidan
Iemon Tamiya (Shigeru Amachi, le héros de Jigoku) est un samouraï sans maître (ronin) qui désire épouser Iwa, la fille du seigneur Samon. Un soir, il attend sur la propriété de Samon que celui-ci revienne chez-lui, afin de lui demander une dernière fois la main de sa fille, mais Samon ne veut rien savoir, et traite Iemon de libertin, doublé d’un imbécile. Iemon, qui n’a pas peut-être pas de rang mais n’en reste pas moins un homme d’honneur, exécute Samon et sa suite sur-le-champ, sous le regard amusé de son serviteur, Naosuke, qui voit là une occasion d’augmenter son pouvoir sur son maître. Les deux hommes décident de faire porter le chapeau à Usaburo, un samouraï dont tout Okayama connaît la haine envers le défunt. Yomoshichi, dont le père faisait partie de la garde de Samon, décide de venger la mort de son propre père, mais aussi de celui qui s’apprêtait à devenir son beau-père : en effet, il avait obtenu la main de Sode, la sœur de Iwa. Les deux couples en devenir se mettent en route afin de venger la mort de Samon, accompagnés de Naosuke.
Six mois plus tard, Naosuke, amoureux de Sode, décide de faire chanter Iemon pour qu’il l’aide à se débarrasser de Yomoshichi - décès que les deux hommes mettent à nouveau sur le dos de Usaburo. Naosuke et Sode partent à la poursuite du "coupable" tandis que Iemon et Iwa, malade, s’installent à Edo.
Deux années passent, et les deux sœurs, désormais séparées, n’ont toujours pas satisfait leur soif de vengeance : Usaburo court toujours. Iemon, marié à Iwa, prétend ne plus avoir revu Naosuke alors que les deux hommes trouvent ensemble des moyens de soutirer de l’argent au vieux Ito pour subsister, chacun de leur côté. Iemon voit en Ume, la fille de ce dernier, la possibilité d’obtenir une position honorable, et il se met par conséquent en tête de l’épouser. Mais pour cela, il doit se débarrasser d’Iwa, devenue encombrante - ainsi que le lui suggère le fidèle Naosuke...
Tokaido-Yotsuyakaidan reprend une histoire de fantômes traditionnelle à la sauce Nakagawa. On y retrouve à la fois des éléments de Jigoku, que le réalisateur tournerait un an plus tard, et de Borei-Kaibyoyashiki, filmé un an auparavant. Les trois films mettent en scène un meurtre plus ou moins réfléchi, commis sous un accès de colère, qui en entraîne d’autres avant d’emmener les héros à connaître la vengeance de l’Outre monde. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas au thème. Le personnage de Naosuke préfigure celui de Tamura dans Jigoku, figure d’arrière plan qui incite le héros à commettre de plus en plus d’ignominies. La fin du film, pendant laquelle on bascule dans le film d’horreur pur, mélange les hallucinations de l’assassin de Borei-Kaibyoyashiki et les visuels hallucinés de l’enfer de Jigoku. D’ailleurs, Tokaido-Yotsuyakaidan est aussi un film plutôt gore pour l’époque : que ce soit avec le maquillage de Iwa, proprement horrible, ou le bras arraché de Takuetsu, ami de Iemon victime d’une de ses machinations, Nakagawa ne sous-estime jamais l’impact d’un visuel véritablement sanglant.
Les principales qualités de Tokaido-Yotsuyakaidan sont d’ordre visuel : la réalisation est une fois de plus impeccable, moderne pour l’époque dans son utilisation du cadre et du hors-champ (la scène où Iwa découvre la décomposition de son visage en est un excellent exemple), et contribue à faire monter le trouillomètre de façon très convaincante pour un film aussi ancien. Les apparitions de Iwa, clouée sur la planche sur laquelle elle a été noyée, en remontrent à beaucoup de "monstres" modernes. Quant à la dernière image du film, elle renvoie autant à Jigoku qu’à la fin de L’au-delà de Fulci (comparaison décidément très adéquate pour l’étude du cas Nakagawa), avec sa figure fantomatique au sein d’un paysage monochrome que l’on devine sans difficulté infernal.
Un film d’horreur remarquable, qui plus est facilement accessible à tout fan de cinéma d’épouvante (ce qui n’est pas forcément le cas de tous les films du réalisateur).
Le film est disponible au Japon en DVD sous-titré anglais dans la collection lancée par Beam (BIBJ-1305). Le master présente quelques traces d’usure, mais la copie n’en est pas moins magnifique. Le film est sous-titré en anglais (parfait).

