Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon | Festival du film asiatique de Deauville 2002

Tokyo Trash Baby

aka Tôkyô Gomi Onna - Tokyo Garbage Girl | Japon | 2000 | Un film de Ryuichi Hiroki | Avec Mami Nakamura, Kazuma Suzuki, Kou Shibasaki, Tomorowo Taguchi

Deauville 2002... En ce vendredi matin ensoleillé mais frisquet, l’équipe de Sancho digére ses cinq repas cinématographiques de la veille, à savoir l’excellent The Man Who Watched Too Much, "double film" coréen tourné en DV de Son Jae-Goun, de l’animation volume japonaise pour petits et grands avec Robotto Paruta (Robot Palta) de Katsushi Bowda, le surprenant The Rule of the Game du taïwanais Ho Ping, le magnifique et coloré Eunuch de Shin Sang-Ok, et enfin le troisième long-métrage consacré à la police mobile tokyoïte (Patlabor WXIII de Takuji Endo), plus proche de certains OAV que des deux premiers opus mis brillamment en boîte par Mamoru Oshii, mais néanmoins sympathique... bref, c’est avec la tête remplie d’images et de sons que nous entrons dans la salle du Morny en cette fin de matinée...

Une jeune femme à la recherche du grand amour au fond d’un sac poubelle, ou comment Hiroki dépeint la solitude d’une femme dans le Japon contemporain...

Miyuki, jeune serveuse dans un café tokyoïte, vit une vie morne et répétitive... mais elle a un étrange secret ; amoureuse de Yoshinori, une musicien au look rebelle vivant au dessus de chez elle, elle dérobe ses ordures pour les fouiller et ainsi "tout connaître" de sa vie. Son appartement, tel un autel voué au jeune homme, est rempli d’objets aussi éclectiques que des boîtes de céréales vides, des paquets de cigarettes, des mouchoirs utilisés, et même des mégots qu’elle entrepose méthodiquement dans un bocal... Miyuki semble heureuse de cette histoire d’amour qu’elle s’est pré-fabriquée, jusqu’au jour où elle découvre un préservatif usagé dans un sac poubelle appartenant à Yoshinori...

Sous le titre Tôkyô Gomi Onna se cache en fait le premier volume que comptent les six de la collection Love Cinema*, série de films produite par CineRocket, dont la particularité est d’être tournée en DV et d’avoir été confiée à des réalisateurs hors-normes (le plus connu est le génial et inégalable Visitor Q de Takashi Miike)...

Adapté d’un livre uniquement composé de photos (Tôkyô Gomi) dont le concept était de présenter les habitants de Tokyo à travers leurs ordures, Tôkyô Gomi Onna est devenu sous la caméra de Ryuichi Hiroki une histoire d’amour étrange, un poème du quotidien mêlant onirisme et réalité dans un conte peuplé de personnages étranges et attachants. Miyuki, jeune femme réservée et introvertie, se cherche plus qu’elle ne recherche le grand amour, et comme dans tout conte initiatique, elle va passer par différentes épreuves qui la feront devenir elle-même. "Bâillonnée" par une société stricte dans laquelle l’échec n’est pas accepté, qu’il soit scolaire ou professionnel, qui plus est lorsqu’il s’agit d’une femme, alors réduite à sa condition d’ "être médiocre" jusqu’à sa mort... Miyuki cache derrière son comportement pathologique un manque d’affection - qu’elle tente de compenser en essayant d’en trouver à travers des objets appartenant à un être aimé, un manque de confiance certain propre à tout "enfant", puisque son personnage en est un, perdu au milieu d’un monde caricaturale de la société moderne ; Kyoko (Kou Shibasaki - Battle Royale, Kakashi, Go), sa collègue plus ou moins nymphomane, qui passe son temps à lui emprunter des cigarettes et à lui parler de ses exploits sexuels ; Kawashima, jeune salaryman étriqué et collant ; un vieil habitué du café, mythomane notoire et inextinguible buveur d’eau ; et son patron (Tomorowo Taguchi !!!), homme "parfait" selon Miyuki puisqu’il a le don d’écouter et de ne "poser aucune question", jusqu’à ce que ce dernier lui réponde qu’elle n’a aucune chance puisqu’il préfère les jeunes filles pré-pubères ( !)... Miyuki est seule, tellement seule que même lorsqu’elle est en compagnie, notamment sur son lieu de travail, elle déambule telle un zombie, enfermée dans une solitude presque palpable...

Vingt-septième film réalisé par Ryuichi Hiroki, à qui l’on doit des long-métrages aussi variés que Sadistic City (Maohgai /1993), 800 Two Laps Runner (1994), l’expérimental Midori (1996), Night Without Angels (Tenshi ni misuterareta yoru /1999) ou encore le joliment barré I Am an SM Writer (Futei no Kisetsu /1999), Tôkyô Gomi Onna est mis en scène de manière assez dépouillée - ce qui ne signifie pas pauvre, bien au contraire -, laissant ainsi place au jeu de Mami Nakamura, très souvent seule à l’écran, l’objectif de la caméra quasi collé à son joli visage ; Nakamura que l’on a pu voir dans Tomie (Ataru Oikawa /1998) ou dans le difficile The Girl of Silence - Father Fucker (Genjiro Arato /1995), possède, à l’image du film, une beauté simple et naturelle envoûtante.

...libérée de ses craintes et de ses démons, Miyuki, pleine de désillusions - mais également de résolutions -, fera un choix, celui d’enterrer une vie rêvée devenue réelle, dans un endroit imaginaire...

Tôkyô Gomi Onna est une tranche de vie qui ne nous appartient pas mais dans laquelle on entre, tel un voyeur... Miyuki perce l’intimité de l’homme qu’elle aime, tandis que le spectateur pénètre la sienne, sans le vouloir, gêné puis complice, et finalement touché par tout cet amour. Un amour qui pour exister d’une aussi belle manière ne peut-être qu’à sens unique, puisque sans déceptions... un très beau film.

* La série des Love Cinema est composée des films suivants:
-vol.1: Tôkyô Gomi Onna de Ryuichi Hiroki
-vol.2: Eri Ni Kubiitake de Mitsuhiro Mihara
-vol.3: Tojiru Hi de Isaho Yukisada
-vol.4: Harikomi de Tetuso Shinohara
-vol.5: Gips de Akihiko Shiota
-vol.6: Visitor Q de Takashi Miike

Tôkyô Gomi Onna sort en DVD au Japon le 20 Mars 2002 (Pony Canyon)...

- Article paru le vendredi 15 mars 2002

signé Kuro

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