Tomie : Revenge
Cela fait moins d’une minute que Tomie : Revenge a commencé, et pourtant le docteur Kazue Suma a déjà eu le temps de renverser une mystérieuse jeune femme. La doctoresse (aucun lien de parenté avec Edwige), s’assoupissait en effet au volant, traversant une sombre forêt. Paniquée, Kazue ne retrouve pourtant aucun corps. Son pare chocs est abimée mais la jeune femme a disparue... pour mieux réapparaître derrière elle, toute de rien vêtue. Son visage est masqué par des cheveux qui nous laissent supposer qu’elle est maléfique ; sous son œil gauche, on aperçoit tout de même un grain de beauté familier.
C’est en poursuivant cette supposée victime que Kazue découvre une maison au pied des montagnes. Dans la demeure plus ou moins délabrée, elle est attaquée par deux hommes qui séquestrent une jeune femme mal en point, prétextant qu’une dénommée Tomie souhaite sa mort. In extrémis, Kazue prévient les forces de l’ordre. Yukiko – c’est la victime – est sauvée.
Un an après, Yukiko est toujours patiente de l’hôpital où exerce Kazue, et n’a pas retrouvé la mémoire. Kazue est toujours traumatisée par les évènements de ce jour, et l’on sait désormais mieux pourquoi : elle est persuadée que la fille qu’elle a renversée était Rei, la fille de son collègue, le Dr Togashi, disparue au cours d’une randonnée en montagne. Pourtant Rei n’avait pas de grain de beauté... Le mystère aurait pu s’épaissir mais heureusement ! deux flics viennent éclairer nos lanternes, en contant à Kazue la légende de Tomie, beauté fatale capable de régénération et réincarnation à l’infini, suscitant depuis des siècles désir et jalousie jusqu’à provoquer son propre meurtre. Point commun de chaque incarnation outre ses charmes : un grain de beauté sous l’œil gauche...
Les qualités de bon nombre de v-cinéma, reposent paradoxalement sur un certain manque d’ambition. Sans le budget nécessaire à une démarche visuelle explicite, beaucoup de réalisateurs et scénaristes se voient obliger de travailler dans l’esquisse, de tenter de dresser le portrait de notre monde au travers d’incarnations aussi dépeuplées qu’étriquées. Plutôt que de grossir les rangs de ces micro-narrations de figurants et autres lieux de tournages, les bons artisans du v-cinéma choisissent de jouer de cette restreinte pour créer une ambiance. Le premier volet du diptyque complété par Tomie : Revenge, Tomie : Beginning, prouvait justement l’aptitude d’Ataru Oikawa (de retour sur la série sept ans après son propre premier opus) à calibrer sa mise en scène. Il exploitait au mieux le trouble suscité par Rio Matsumoto grâce à un récit rapporté permettant l’ellipse, l’hypothèse, et une impression érotico-maléfique des plus sympathiques. Tomie : Revenge marche partiellement dans les traces de ce prédécesseur, parvenant à instaurer une ambiance malsaine avec retenue, jouant de deux-trois visuels forts pour porter un édifice pourtant simpliste. Les deux films toutefois, sont dans une certaine opposition.
Cette opposition constitue le second paradoxe exposé dans cet article. Dans Beginning, Tomie occupe la quasi-totalité de l’écran alors qu’elle n’est qu’un récit rapporté. Dans Revenge, elle est cause de la narration, son début et sa fin, mais brille globalement par son absence. On sent d’ailleurs qu’Oikawa a tenté d’explorer un autre vecteur de propagation du mythe : après la tradition orale dans le premier volet, c’est ici la vidéo qui est ciblée, façon Blair Witch Project. Après la visite des deux flics caricaturaux, Kazue se retrouve en effet en possession d’une cassette suivant les pas de l’expédition disparue en montagne, et du calvaire de Yukiko. Au travers de la vidéo, on est témoin de la dérive meurtrière de trois garçons, Tetsuya, Doi et Hamaguchi, amenés au bord de la folie par celle qui tient la caméra : Tomie. Incarnée par la charmante Anri Ban (Yôkai Kidan), toutefois moins vénéneuse que l’ambigüe Rio Matsumoto - et à laquelle on préfèrera Minami, interprète de Yukiko - cette nouvelle version de Tomie se veut moins monstrueuse. Elle n’apparaît pas graphiquement comme un monstre, s’apparente plus au leader d’un culte malsain, un tantinet hystérique et simplement contagieuse. Sous son influence tout de même, un jeune homme encore en vie se fait bouffer le ventre, tandis qu’un autre se retrouve accroché à un arbre, amputé mais entouré de ses membres, façon épouvantail masochiste.
Au rayon des points communs de ce double retour d’Oikawa avec la série, le caractère féminin des deux films. Le lien féminin n’est pas ici seulement charnel ou émotionnel comme dans Forbidden Fruit et Beginning, ou d’opposition avec des "concurrentes". Il s’agit ici de la confrontation de Tomie et Tomie, la belle s’acharnant à détruire son incarnation antérieure – certainement le point de départ du dernier opus en date, justement intitulé Tomie vs Tomie. Tomie : Revenge, dans sa cohérence épurée, est un v-cinéma agréable. Sans plus cependant, car il moins surréaliste que ses prédécesseurs, marchant plus au final, sur les traces d’un Book of Shadows que sur celles de Junji Itou.
Je me permets de reprendre le descriptif de Tomie : Begininng, puisqu’il reste valable : disponible en DVD japonais sans sous-titres, est aussi édité en DVD et VCD HK chez Universe, sous-titré en anglais. Ce serait du tout bon si, une fois de plus le VCD n’avait pas un sérieux problème de ratio non respecté...




