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Japon

Tomie Unlimited

aka 富江 アンリミテッド | Japon | 2011 | Un film de Noboru Iguchi | Avec Moe Arai, Miu Nakamura, Aika Ota, Kensuke Owada, Kouichi Ohori, Maiko Kawakami

Cela fait quinze ans déjà que l’increvable séductrice Tomie, née de l’imaginaire du mangaka Junji Ito (Uzumaki) en 1987, traîne ses capacités régénératrices sur le grand et le petit écran. Depuis l’incarnation de Miho Kanno devant la caméra d’Ataru Oikawa en 1998, bon nombre d’actrices ont prêté leurs traits à la beauté pousse au crime, fervent catalyseur d’amour, jalousie et haine meurtrière : Mai Hosho, Miki Sakai, Aoi Ayazaki et j’en passe... En 2011, neuvième et dernière incartade en date de Tomie sur les écrans nippons, c’est la troublante Miu Nakamura qui se glisse dans la peau de la jeune femme. Pour l’occasion, Noboru Iguchi et Yoshihiro Nishimura délaissent le terreau cracra de l’écurie Sushi Typhoon pour l’héritage de la Toei, et reprennent à leur sauce la naissance papier de l’anti-héroïne.

Tsukiko (Moe Arai) n’a pour elle que son talent de photographe, palissant en tout devant le rayonnement de sa sœur Tomie (Miu Nakamura). Alors que, à la sortie de l’école, la première prend la seconde en photo dans la rue, un morceau d’échafaudage, détaché d’un chantier un surplomb, transperce Tomie de part en part.
Un an passe. Tsukiko et ses parents peinent à se remettre du décès de Tomie. Et voilà que, le jour où la défunte aurait du avoir 18 ans, Tomie sonne à la porte de sa propre maison. Trop heureux de retrouver leur fille prodigue, ses parents ne perçoivent pas un instant l’effroi de Tsukiko...

On appelle cela la pluralité de tons : il suffit de quelques minutes à Noboru Iguchi (The Machine Girl, RoboGeisha, Karate-Robo Zaborgar...) pour passer de la mièvrerie adolescente au gore plein écran, une partition saturée et traversée d’éclaboussements soulignant toute la verve sanguinolente d’un empalement contemplé sous tous les angles. Pour autant, Tomie Unlimited ne voit pas son réalisateur partir en roue libre dans un déluge d’hémoglobine. Cet excès dans la mise en scène de la mort « originelle » de Tomie, intervient en guise de prologue, comme une occasion pour Iguchi de satisfaire l’attente des aficionados, s’en défaire et mieux se fondre par la suite, ses obligations remplies, dans l’univers plus grotesque que porté sur la tripaille de Junji Ito.

Et force est d’avouer que, canalisé par le respect du matériau d’origine, Iguchi se fond avec talent dans le moule. Son interprétation des premiers chapitres du manga met en scène une belle progression dans l’horreur, avec une savoureuse perversion qui ne saurait être – n’y voyez là aucun racisme, mais bien un compliment – que nippone. Ainsi Tomie Unlimited s’engouffre-t-il dans le cauchemar par bribes, l’un de ses premiers pas étant d’amener le père de Tomie à lécher et dévorer ses longs cheveux noirs, possédé d’un fétichisme incestueux, alors que la revenante petit-déjeune comme si de rien n’était... S’en suivent violence domestique, infanticide, démembrement, fellation métaphorique sur tentacules gluantes, excroissances libidineuses et autres incarnations hallucinantes (le bentô à base de petites têtes de Tomie, vous connaissez ?) de la capacité de Tomie à renaître de la moindre de ses parties, et à pousser, toujours et encore, hommes et femmes à tuer pour elle, à la tuer elle-même...

Miu Nakamura, la vingtaine encore fraîche, incarne à mes yeux la Tomie la plus en phase à ce jour avec son homologue de papier. Pas forcément superbe, la jeune idole inspire une attirance équivoque, dans la conscience d’une beauté marginale autant que dans un certain malaise. Sa façon de se retourner pour porter son regard méprisant et provocateur sur le spectateur – souvent placé alors dans la peau de Tsukiko – fascine autant qu’elle fait froid dans le dos. Le choix de l’actrice et la façon qu’a Iguchi de la mettre en scène, restituent parfaitement les intentions et la tonalité du manga d’Ito, qui énonce les caractéristiques de cette éternelle antagoniste, les impose plus qu’il ne les démontre, son obsédante ritournelle narrative en guise de force de persuasion. Placé dans ses derniers instants sous le signe du cauchemar pur et dur, comme souvent insectoïde, sans autre raison d’être que d’imposer, à la manière du mangaka, cette déconcertante cohérence horrifique, Tomie Unlimited constitue l’une des meilleures adaptations de la série de Junji Ito.

Tomie Unlimited est notamment disponible en DVD et Blu-ray UK, sous-titré en anglais.

- Article paru le jeudi 11 juillet 2013

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