Tunnel
Longtemps absent de la production cinématographique coréenne, le film catastrophe connaît depuis quelques années un essor important, porté par quelques fers de lance tels que The Tower, The Last Day, ou encore Dernier train pour Busan. Même si ce dernier fait probablement exception, le genre lui-même permet peu l’expression d’une sensibilité coréenne particulière, pourtant marque de fabrique du cinéma péninsulaire, dans son recyclage des codes hollywoodiens en particulier. Malheureusement, Tunnel n’échappe pas à la règle, malgré quelques efforts louables. Un film convenable, mais convenu.
De retour du boulot pour célébrer l’anniversaire de sa fille, Jung-so se retrouve coincé dans sa voiture, suite à un écroulement total du tunnel routier sous lequel il conduisait. En manque de nourriture, et avec une batterie de téléphone qui se décharge rapidement, Jung-so est à la merci d’un monde extérieur qui se bat pour le sauver, de manière plus ou moins convaincante…
Après le remarqué Hard Day, Kim Sung-Hoon mixe habilement l’ensemble des éléments du film catastrophe, mais n’en oublie aussi, malheureusement, aucun cliché. Comme habituellement pour ce genre ultra codifié, la trame est éculée et les protagonistes, stéréotypés. La veuve éplorée et le sauveteur déraisonnable s’agitent autour du pauvre héros, flanqués par les médias et les politiciens, véreux et curieux… Les drames annexes et les rebondissements surprennent à peine, tant l’on se laisse guider par un sentiment de déjà-vu parfois irritant. Le seul véritable suspense tient à la nationalité même du film, et l’espoir qu’elle suscite autour de la loi primordiale du film catastrophe : une fin heureuse pour le héros. Vont-ils oser ?
A l’exception de cette question, qui finalement permet de tenir le film, le manque d’originalité de Tunnel peine à être compensé par quelques efforts intéressants. La réalisation est efficace, imaginative sur certains plans (en particulier sous les décombres) et le jeu des acteurs est plutôt excellent. Bae Doo-Na (As One, The Host, Sense8) campe une épouse angoissée et combative, réaliste sans en faire des tonnes. Ha Jung-Woo est lui aussi très bon dans le rôle d’un héros qui alterne découragement, ennui et euphorie démente. Très expressif, à l’image de Oh Dal-Su, mais dont le rôle de sauveteur un peu zinzin est le moins crédible du film. Il apporte certes le côté comique salutaire à ce qui se résumerait sinon à un huis-clos plutôt oppressant, mais le scénario et l’acteur cabotin le rendent burlesque, et ça détonne. Finalement, la vraie trouvaille pour moi, c’est ce fameux téléphone portable, un artifice pas seulement scénaristique, qui permet un isolement maîtrisé du personnage principal, et des transitions fluides et chronologiques entre séquences sous le tunnel et à l’extérieur. La technologie au service de l’homme, et de l’œuvre.
Tunnel n’est pas un mauvais film et on passe un agréable moment, tendu par un dénouement qu’on espère incertain, confiants en la capacité du cinéma coréen à casser certains codes des genres qu’il s’approprie. Kim Sung-Hoon ne va malheureusement pas assez loin dans l’originalité pour que son film rejoigne au panthéon certaines des réinventions récentes que la Corée nous a offert. On en demande trop ? Peut-être… Mais à plus de deux heures de film, c’est long pour voir le bout de Tunnel…
Tunnel sort sur les écrans français le 3 Mai prochain.


