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Japon

TV Show – La Mort en direct

aka The Incite Mill -インシテミル 7日間のデス・ゲーム - Inshite Miru : 7-kakan no desu gemu ? - The Incite Mill : 7-Day Death Game | Japon | 2010 | Un film de Hideo Nakata | Avec Tatsuya Fujiwara, Haruka Ayase, Aya Hirayama, Satomi Ishihara, Shinji Takeda, Tsuyoshi Abe, Kinya Kitaoji, Nagisa Katahira, Daisuke Kikuta, Yûki Furukawa, Takurô Ohno

Loft Royale.

Sacré veinard, ce Yuki (Tatsuya Fujiwara) : alors qu’il désespère, en parcourant les petites annonces, de trouver un emploi correctement rémunéré, la jolie Shoko (Haruka Ayase) s’avance pour lui demander ce qu’il pense d’un travail payé plus de cent mille yens de l’heure… On ne sait pas si les autres recrues ont eu autant de chance ; toujours est-il que les jeunes retrouvent huit participants complémentaires, pour partager sept jours d’enfermement, le temps d’une expérience enregistrée par moultes caméras. Surveillés par un robot omniscient, les lucky ten vont devoir se plier à d’étranges règles, jouer aux criminels et détectives, jouir de la paranoïa imposée, et tenter de finir parmi les deux survivants. Euh… comment ça, « survivants » ?

Ce qu’il y a de bien avec le titre français de The Incite Mill, débâcle emballée par sieur Nakata avant de s’en aller tourner Chatroom en Occident, c’est qu’il ruine l’un des seuls éléments de suspense mis en place par la narration, à savoir que l’expérience est avant tout spectacle diffusé. Notez que le titre japonais lui, « le moulin de l’incitation », expose les rouages de l’expérience, qui s’amuse à faire de ses cobayes autant de meurtriers ou presque, en leur offrant à tous une arme et en jetant quelque allusion subtile sur la présence d’un assassin parmi eux. Si des deux maux, j’aurai au moins choisi la formule poétique, toujours est-il que l’on se lance, ici ou dans l’archipel, dans la vision de ce TV Show avec une bonne longueur d’avance sur ses protagonistes.

Ce doit être vrai, puisque je l’ai vu à la télé.

Cela vaut mieux, d’ailleurs, car les efforts conjoints de la narration et de la mise en scène ont tôt fait de nous plonger dans l’incompréhension et l’engourdissement. A la manière de certains manga bas de plafonds – comme le très surestimé Doubt de Yoshiki Tonogai, auquel il m’a beaucoup fait penser - TV Show s’applique à cumuler les affirmations, erronées et trompeuses, pour construire un faux suspense, exclusivement rétroactif, qui n’offre jamais au spectateur la possibilité de se positionner autrement que dans la réaction passive (le coup du robot qui, contrairement à l’affirmation infondée d’un paternel alcoolique, peut tourner dans les deux sens et non dans un seul, quelle trouvaille !). A l’image du système pénal instauré dans le jeu – l’accusation d’un candidat, qui pointe du doigt un coupable, devient vérité dès lors qu’elle est validée par le vote –, le film ne se donne jamais la peine de plaidoyer en faveur de possibles, puisqu’ils exposeraient son incohérence.

Pour parfaire ce cloisonnement narratif – qui a au moins le mérite d’être en phase avec le fond du métrage – la mise en scène ultra-superficielle et resserrée de Nakata ignore toute spatialisation d’une unité de lieu pourtant restreinte. Comme le robot vigile, sorte de Maximilian cul-de-jatte suspendu à l’envers au plafond (c’est dire s’il est menaçant), TV Show nous place sur des rails dirigistes, qui achèvent toute possibilité de perception et ressenti. En symbiose avec ce carcan visuel, les acteurs – Tatsuya Fujiwara et Shinji Takeda en tête – imposent alors chacune de leurs émotions en s’abandonnant tous au surjeu le plus complet, sauf peut-être la décidément très belle Haruka Ayase (Ichi) qui n’en devient que plus suspecte. S’ils ont peur, c’est que ce doit être effrayant, non ? Ben non. Car le design du film, couleurs passées et absence de contraste, ne s’embarrasse pas plus de zone d’ombre ou d’ambiance que de belles images ; ou alors si, dans le cas de ces dernières, quand Nakata regarde Satomi Ishihara d’en dessous, pistolet à clous à la main. Mais il singe alors le Miike d’Audition, et son célèbre point de vue sur la douloureuse réalité d’Eihi Shiina. Feignant.

Dix benêts qui se font piéger par une émission meurtrière dont il n’ont jamais entendu parler, alors qu’elle est récurrente et que plusieurs millions de personnes la suivent sur téléphone portable avec la même passion qu’ils partagent leur ennui sur facebook (pour s’en convaincre, voir l’impavide élargissement offert par l’unique plan du film qui s’éloigne de ce triste moulin, réaction de djeuns suite à l’enchaînement du meurtre-suicide à la hache, pourtant sympa, de la kawai Aya Hirayama)… le principe même du film est absurde, et doit finalement être abordé avec autant d’abnégation que l’ensemble de ses affirmations. Ce qui ne serait pas si grave si Nakata ne se la jouait pas prêchi-prêcha, au travers de l’endive Fujiwara qui passe son temps à exprimer sa fragile humanité par les larmes, et comprend in fine, dans l’emphase d’un Kenji Kawai que l’on a connu plus pertinent à la bande son, que la télé-réalité détruit nos enfants. Ce n’est pas faux. Mais le mauvais cinéma aussi.

TV Show sortira en DVD et Blu-ray le 7 mars prochain dans l’hexagone, sous la bannière de Wild Side, dans une édition comme toujours très propre. Remercions au moins l’éditeur, au passage, de continuer à s’intéresser aux cinémas d’Asie quand tant d’autres les délaissent.
Remerciements à Clara Schoch et Benjamin Gaessler.

- Article paru le mardi 28 février 2012

signé Akatomy

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