Une fiancée pour papa
Wang Jinghui est la fille ainée d’une famille dont la mère est décédée depuis peu de temps. Contrainte d’arrêter ses études pour s’occuper de ses deux jeunes frères, Jinghui fait la rencontre de Sun Chuan. Plutôt qu’une rencontre, ce sont des retrouvailles : les deux étaient autrefois camarades de classe sans pour autant être amis. Pourtant il s’avère que Chuan comme Jinghui, ont toujours eu une attirance l’un pour l’autre... Une attirance qui se développe puisque Sun Chuan fait rapidement partie de la famille, pour le plus grand plaisir du père de la jeune femme. Cet homme veuf s’avèrera rapidement être le véritable « héros » de l’histoire, puisqu’épris d’une femme avec qui il travaille, la superbe Mademoiselle Li. Jinghui voit d’un mauvais œil les velléités de remariage de son père, d’autant qu’elle craint qu’à l’image de la voisine d’en face, ses petits frères souffrent de la présence d’une belle-mère. Elle renonce alors à son propre mariage pour ne pas laisser ses frères seuls...
Que d’abnégation et d’altruisme ! Force est de reconnaître que le climat de naïveté et de chasteté dans lequel nous replonge ce « trésor de la Cathay », possède quelque chose de rafraichissant. Loin des complots et autres considérations, adultères et/ou égoïstes, de bon nombre d’intrigues familiales contemporaines, Une fiancée pour papa est un drame familial presque 100% moral et recommandable. Le film démarre comme une comédie légère, prenant pour modèle la nonchalance bienveillante des productions américaines de la même époque et des décennies antérieures. Nous ne sommes pas chez Capra pour autant, mais le début du film de Wang Tianlin dégage une atmosphère de respect et de pudeur, tout en laissant place à un certain humour qui contient les prémisses du comique HK des années 70-80 : le quiproquo et la répétition. Cette dernière, fréquemment utilisée jusqu’à l’usure dans l’ex-colonie, intervient dans le film au travers des essais de Sun Chuan, désireux d’embrasser sa belle et constamment interrompu par les deux garnements, qui viennent toujours s’interposer de façon improbable.
La comédie se transforme rapidement en drame léger, avec la substitution de la première trame - le désir de mariage de Sun Chuan - pour une seconde, tournant autour du remariage du père. Le procédé est étonnant mais fonctionne, puisque cette intrigue fait naître une interrogation chez Jinghui, qui va être vecteur de nombreux bons sentiments (et c’est ici l’objectif évident). Jinghui rejette son homme en usant d’un prétexte aberrant, s’enfuit pour trouver un emploi loin de chez elle, rencontre par hasard Mademoiselle Li devant laquelle elle tombe en admiration... puis tout ce petit monde se retrouve, après une déchirure des enfants qui refusent d’être abandonnés par leur sœur, mais aussi d’avoir une mère remplaçante... Evidemment, c’est la « fiancée de papa » qui va sauver les deux garçons, prisonniers du cimetière où leur mère est enterrée, un soir de tempête, et permettre ainsi à tout le monde de s’épouser sereinement. En cours de route, Sun Chuan, héros potentiel, sera passé au second plan mais ce n’est pas grave, puisque les deux femmes du film sont de bien belles et nobles héroïnes, prêtes à se sacrifier pour que jeunesse ne souffre jamais. C’est beau.
C’est beau certes, mais une petite ombre plane sur le tableau, annonciatrice de certaines dérives HK. Car pendant que les sentiments déchirent gentiment une famille tout de même loin de la misère, la petite fille d’en face se fait battre au quotidien aux yeux de tous, et personne n’intervient pour améliorer son quotidien, en dehors des deux frères. De la même façon lorsque Mlle Li recherche les disparus pendant la tempête, elle tombe sur deux enfants abandonnés qui l’appellent « maman ». Elle semble à peine émue, plus préoccupée par la compréhension soudaine que les garçons ont du aller retrouver leur mère au cimetière que par l’émotion potentielle de cette scène très triste. D’ailleurs si cette considération génère chez elle un geste d’affection, le réalisateur ne nous l’offre pas. Un point en moins pour l’altruisme. En dépit de ces ombres légères, mais tout de même significatives d’une dramaturgie biaisée que l’on retrouvera tout au long des années 80 dans le cinéma HK, Une fiancée pour papa est donc un film anodin pour les nostalgiques d’une époque pudique, où mélo rimait avec contrariétés amoureuses et non avec maladies incurables et autres drames de la vie.
Diffusé dans le cadre de la rétrospective « Les trésors de la Cathay » au cours du 27ème Festival des 3 Continents, Une fiancée pour papa est disponible en DVD HK chez Panorama Entertainment, sous-titré en anglais.

