WΔZ
wΔz = Cov (w,z) = βwzVz = love is nowhere, everywhere.
C’est dans la nuit new yorkaise, au détour du cadavre d’une femme enceinte sur le ventre de laquelle est gravée l’inscription « WΔZ », que la détective Helen Westcott découvre son affectation aux côtés du détestable Eddie Argo. Electrocutée, la victime est la petite amie d’un gangbanger notoire, que la police ne tarde pas à retrouver décédé, deux de ses doigts sectionnés, son corps et son sexe lacérés et le bout d’une phalange calciné, comme s’il avait appuyé sur l’interrupteur à l’origine de l’électrocution de sa compagne... Deux autres cadavres complémentaires font leur apparition dans les rues, fréquentations des premières victimes, et les inscriptions sur leurs corps commencent à former une équation : celle dite de Price, description mathématique de l’évolution et de la sélection naturelle. Une formulation de l’égoïsme humain qui se traduit par la survie des gènes au détriment de l’affectif. En gros : l’amour n’existe pas, et les victimes aux doigts brulés ont certainement du eux-mêmes tuer leur proche pour tenter d’acheter leur vie. Eddie Argo repense alors à l’affaire Jean Lerner, une sordide histoire de viol, torture et meurtre dans laquelle des gangbangers, parmi lesquels les victimes qui les intéressent aujourd’hui, ont donné à une jeune femme une option pour que son supplice, à base de violence, humiliation et bouteilles brisées, cesse : leur demander de tuer sa propre mère, attachée, impuissante, devant elle...
Avant de briller sur la scène internationale avec The Children, Tom Shankland mettait en scène WΔZ, renommé The Killing Gene pour sa sortie DVD américaine, polar hardcore versant dans le torture porn. Un de plus, me direz-vous avant de parcourir ces pages à la recherche d’autre chose à vous mettre devant les yeux ; pourtant si j’étais vous, je ne partirai pas si vite. Et pas seulement parce que Helen Westcott, l’héroïne toute en incertitude – ou peut-être pas justement – du film est interprétée par la sublime Melissa George.
Helen Westcott donc, est notre porte d’entrée sur l’obscurité qui engloutit d’emblée le métrage de Shankland. La caméra HD portée du réalisateur suit la jeune détective dans ses premiers pas au contact de ce precinct new-yorkais, de ses secrets et de sa violence, restitue ses hésitations et craintes au travers des soubresauts de la caméra. Le contraste sublime de l’image, les gros plans déformants et autres points de vue consciemment cinématographiques, détonnent avec cette approche quasi-documentaire qui, une heure et demie durant, va nous plonger dans un tableau d’une rare noirceur.
Helen va découvrir, au contact d’Argo et en surimpression de l’horreur des crimes sur lesquels ils enquêtent, une violence passive déconcertante, qui s’incarne notamment dans ce pot en l’honneur du décès du premier gangbanger, qui, des mots de tous, méritait de mourir. Certains comme Argo, iront même jusqu’à exprimer le regret de ne pas l’avoir tué eux-mêmes... Helen s’interroge, doute ou justement peut-être pas : d’emblée, elle juge collègues et criminels sur une même échelle d’ignominie, et l’on comprend rapidement qu’elle est à même de saisir l’équation de Price mieux que quiconque. Cette fille, blessée hors-champ, en amont de la violence du film, ne croit ni en l’amour ni en la bonté. Et c’est justement ce qui la fait trembler, alors qu’Argo, lui, vit dans la conscience d’une gamme de gris là où sa coéquipière ne sait voir que du noir.
Contrairement à beaucoup de polars qui construisent la rupture psychologique de leur protagoniste, WΔZ regarde son héroïne s’ancrer toujours plus dans ses certitudes nihilistes, se renforcer dans la marginalisation jusqu’à laisser elle-même un criminel se faire exécuter par ses semblables, dans une expression urbaine de la sélection naturelle, incapable de défendre une justice équitable et positive. Helen Westcott est certainement du coup, l’élément le plus effrayant du film de Shankland, qui en compte pourtant beaucoup. D’abord polar pessimiste, façon Narc nocturne avec lequel il partage la même extinction d’humanité, il lorgne un instant, terrible, vers le rape revenge (éprouvant flashback, pourtant fugace) avant de réussir, avec une brutalité rédhibitoire, là où James Wan a tant échoué avec Saw. Car WΔZ, dans son portrait de tortures d’autant plus méchantes et violentes qu’elles sont le fait de Selma Blair, qui incarne tout de même une certaine innocence délicate, et qu’elles condamnent forcément ceux que l’on aime, n’est pas si gratuit que ça. Il s’acharne à démontrer, en suant sang et cris, en échouant en cours de route dans l’infanticide et le meurtre filial, que l’amour existe véritablement. Qu’Helen se trompe.
Lorsque le jour se lève à la fin du film, Melissa George doit apprendre à voir la beauté dans les évènements sordides que la nuit a abrité. Il est évident que bon nombre de spectateurs éprouveront la même difficulté qu’elle à percevoir la force singulière et détestable du seul film de la mouvance torture porn à avoir eu le courage de parler, au travers d’une violence tour à tour passive et trop active, d’amour véritable et qui plus est marginal. Soyez toutefois prévenus : il détruit pour ce faire, entre autres, une mère et son enfant sacrifié, et au travers d’eux et des nombreuses relations qu’il invalide, toute forme d’innocence.
WΔZ est dispo en DVD dans les étales culturels de toutes les grandes démocraties contemporaines ou assimilés, certainement plus ou moins censuré. La version éditée en zone 1 par Dimension Extreme en tout cas, se veut plutôt uncut.




