Web of Deception
Jane, richissime avocate, est sur la pente descendante, victime de la dépréciation brutale de son portefeuille d’actions. En partance pour le Canada pour une nouvelle attribution professionnelle, elle est victime d’un maître chanteur. Se pourrait-il que la coupable soit Mimi, sa courtière peu scrupuleuse, qui connaît tout de ses affres ? Nous savons, spectateurs privilégiés, qu’il s’agit de May, sa fidèle assistante, toute de trahison drapée par le départ de sa patronne, qui n’a pas daignée lui proposer de l’accompagner. May partage son appartement avec la belle Queenie, désireuse de mettre la main sur une somme d’argent à même de calmer les mafieux aux trousses de sa sœur jumelle, Cat, fraîchement libérée de correctionnelle, et dont personne dans l’entourage de l’ingénue ne soupçonne l’existence. Son secret percée par sa colocataire, May propose à Queenie de l’aider à mettre la main sur quelque million en liquide, que Jane dissimule chez elle. Malheureusement leur plan ne se déroule pas comme prévu et, prise sur le fait, Queenie est poignardée par May. Cat prend alors la place de sa sœur pour satisfaire sa soif de vengeance, tandis que May convoite toujours le pactole...
C’est à la suite du célèbre Roboforce (I Love Maria, 1988) que David Chung signe Web of Deception sous la vigilance de Tsui Hark. Cet étonnant thriller, qui évolue rapidement en huis clos quelque peu abracadabrant, sera d’ailleurs le dernier film du chef opérateur en tant que réalisateur. Peu connu, Web of Deception vaut pourtant le détour, ne serait-ce que pour sa tripotée d’actrices de renom, au premier rang desquelles on retrouve Brigitte Lin, bien loin de ses sempiternels habits d’épéiste, mais aussi Joey Wong, en double, tout aussi éloignée de ses incarnations à répétitions d’esprits romantiques. D’ailleurs, le thriller tel que déployé dans le film, est lui-même une chose rare dans le cinéma hongkongais de l’époque, et justifie donc a priori l’intérêt porté à cette toile de mensonges.
Web of Deception apparaît d’emblée comme une toile bien tissée, forte d’une présentation uniquement contextuelle de ces protagonistes, mais suffisante. David Chung n’expose que les éléments qui sont nécessaires à l’instauration d’une différence de compréhension, entre les protagonistes et le spectateur. Résolument cinégénique, le film exploite à merveille son cadre, s’amuse avec la restriction du champ de vision des protagonistes sans jamais engoncer le notre, aboutissant à une sorte de vaudeville à l’humour sous-jacent, dépourvu d’un très outrancier comique cantonnais. Ce faisant, Chung nous rappelle combien le procédé du twist cinématographique restreint l’ambition d’une mise en scène ; même si, dans un interminable repas où Jane soupçonne May et Cat de vouloir l’empoisonner, il abuse un peu, beaucoup de notre omniscience.
Reste que cette aventure est proprement passionnante en dépit de ses aléas de rythme. Rien n’y est laissé au hasard ; pas même les capacité olfactives du policier Henry, petit ami de Jane qui, seul, sent le cadavre de Queenie dans la cave de la belle sans pourvoir l’approcher. Les rebondissements, bien amenés, jouent avec la topographie de la demeure de Jane où se démêle l’intrigue, sur une corde tendue entre l’appréhension et l’humour, suscitant un suspense au rire étouffé véritablement singulier et enchanteur. Puisqu’en plus la photo de Chung, qui navigue d’une palette volontairement terne à des bleutés très caractéristiques de l’époque, tire le meilleur parti de la beauté distincte de ses deux actrices principales – Brigitte Lin, infiniment séduisante dans la restreinte féminine qu’elle déploie ; Joey Wong, sublime malicieuse, surtout équipée d’un fusil à canon court – il n’y a vraiment aucune raison de ne pas rendre à Web of Deception une place de choix dans la courte filmographie de son réalisateur. Car n’en déplaise aux fans de Roboforce – dont je fais partie –, le cult favorite aberrant qu’il a cosigné avec sieur Hark ne laissait aucunement soupçonner un tel talent, ici fort bien employé, de mise en scène.
Web of Deception est disponible en VCD et DVD HK, sous-titrés en anglais approximatif dans la "Legendary Collection" de Fortune Star.





