White Building
Samnang, 20 ans, habite dans un immeuble historique de Phnom Penh, baptisée le White Building. Avec ses amis, il gagne un peu d’argent en réalisant des numéros dansés dans les restaurant de la capitale cambodgienne, jusqu’à l’émigration de son meilleur ami. Les habitants de l’immeuble où il réside, des fonctionnaires du ministère de la Culture et des artistes, doivent quitter les lieux. Cette propriété immobilière dans le centre ville doit laisser la place à un bâtiment moderne. Son père, représentant des locataires auprès des autorités, tombe malade.
En racontant le passage à l’âge adulte de Samnang, White Building touche à la fois à l’universel - la nécessité de se construire une personnalité distincte de celle de ses parents et la gentrification – mais, aussi important, cette réalisation de Kavich Neang est enracinée dans le terreau bien particulier de la société khmère.
L’univers de Samnang est bouleversé par le départ de son meilleur ami pour la France où il rejoint des membres de sa famille. A Pnom Penh, l’oncle d’Amérique a été remplacé par le cousin de France. Les deux jeunes gens partageaient une passion pour la danse qui leur permettait de gagner un peu d’argent en se produisant dans des restaurants de la capitale.
Ce départ marque la fin de l’insouciance pour Samnang. Il coïncide avec l’augmentation de la pression pour que les habitants du White Building acceptent l’offre qui leur est faite par les autorités pour déménager. L’heure est décidément au départ et au changement, mais pour la génération de ses parents, il s’agit de l’évacuation de trop.
Souhaitant revendre au prix fort le foncier de ce bâtiment iconique du centre de Pnom Penh, le gouvernement ne l’entretient plus pour pousser ses habitants au départ. Cette stratégie du pourrissement a pour objectif de se débarrasser des résidents au moindre coût.
Sanmang est témoin de l’impuissance de son père et de sa mère, qui ne lui donnent pas voix au chapitre même s’ils sont dépassés par les événements. Kavich Neang montre une culture khmère où les jeunes doivent s’effacer devant les adultes. Sa sœur s’est déjà brouillée avec ses parents et a quitté le cocon familial.
Le White Building, symbole du passé du Cambodge, et le père connaissent un destin similaire : la nécrose. Les plafonds du bâtiment infiltré par l’humidité se putréfient tandis que l’orteil du père, malade du diabète, se gangrène. Celui-ci refuse la médecine moderne, coûteuse, pour des remèdes naturels comme le miel.
Le génocide des khmères rouges est l’éléphant dans le film, pour reprendre en la déformant l’expression anglo-saxonne. « Le père représente cette génération cassée, victime des Khmers rouges, qui nous a transmis ses blessures. Si chaque individu est cassé, comment construire en commun ? Pour les politiciens, il est facile d’agiter des spectres, des menaces, la peur est un outil efficace », explique le réalisateur. La scène où le père, dans son rôle de représentant de l’immeuble, rencontre dans son 4X4 un responsable voulant hâter l’évacuation suinte d’une menace feutrée.
Plus souterrainement, White Building fait également écho à la situation politique actuelle au Cambodge, où le président Hun Sen cadenasse le pouvoir et la société civile.
White Building est sorti sur les écrans français le 22 décembre dernier.





