Wonderful Town
La cité des douleurs.
Le Thaïlandais Aditya Assarat a partagé avec son confrère malaisien Liew Seng Tat, le prix du jury au festival du film asiatique de Deauville 2008 pour sa première réalisation, Wonderful Town. Le festival de la station balnéaire normande n’est pas aussi prestigieux que celui de la lagune vénitienne, mais cette année le jury était présidé par le réalisateur français Patrice Chéreau, pas moins. Un parrain prestigieux pour un film au sujet des effets du tsunami de décembre 2004 sur les rescapés qui ont décidé de ne pas abandonner leur petite ville.
Le va et vient des vagues. L’élément liquide se transforme en écume neigeuse, le flux et le reflux des flots créent des motifs cabalistiques. Les premières minutes du film vous font ressentir toute la fascination que la mer peut exercer. Mais la beauté de l’onde laisse parfois la place à des courants plus destructeurs dont l’influence sur la petite ville perdure.
Ton vient d’arriver dans le sud de la Thaïlande, à proximité de Phuket, pour superviser la construction d’une résidence hôtelière. Contrairement à ses collègues de travail qui résident à proximité du chantier il a décidé de prendre ses quartiers dans l’un des hôtels de la ville. Il y est accueilli par la délicieuse Na, fille du propriétaire, mais aussi femme de chambre, blanchisseuse... A côté du chantier une vaste maison dévastée reste à l’abandon. Sans tenir compte des avertissements de ses collègues sur le fait que cette maison pourrait être hantée, Tan part explorer ses ruines, où traînent encore des objets du quotidien abandonnés dans l’urgence. Cette maison, si elle n’est pas hantée, pourrait lui porter la poisse.
Wonderful Town est un film de fantômes, sans fantômes. Le tsunami qui a dévasté l’Asie du Sud fin 2004 a provoqué d’immenses dégâts matériels en Thaïlande, mais aussi psychologiques. Les fantômes des disparus n’apparaissent pas sur les lieux du drame mais peuplent les esprits des survivants qui ont décidé de demeurer sur place.
Aditya Assarat a choisi de localiser son film dans la petite ville de Takua Pa, durement touchée par la catastrophe. Même si les destructions ont été réparées, la ville s’est vidée de ses habitants et de son âme. Les plus jeunes, coutume semble-t-il désormais universelle, tuent le temps au guidon de leur scooter dans une ronde sans fin. A la surface, la vie semble avoir repris son cours normal mais les stigmates du tsunami sont encore bien présents dans les esprits.
Cette paix de l’esprit, Ton pense, lui, l’avoir trouvé loin de la bruyante et frénétique Bangkok, dans le calme de cette bourgade. Grâce à sa relation avec ce nouveau venu, Na se soustrait de son lancinant train-train quotidien : hôtel, hôtel, hôtel. Leur amour naissant leur permet de se libérer de l’emprise de la catastrophe à la différence des autres habitants. Mais l’amour a-t-il encore le droit de citer dans ville sinistrée ?
Le réalisateur thaïlandais a construit son film par bribes. Ne pas forcer le trait, ne pas brusquer le spectateur, simplement lever le voile avec pudeur sur la vie des personnages. Il ne rentre pas dans le détail de la tragédie qui les a affectés. Il ajoute ici une touche à l’histoire, là un plan pour parfaire le tableau final. Il se contente de dispenser suffisamment d’informations au spectateur pour que celui-ci comprenne simplement leur douleur, rejetant au loin le pathos. Un parti pris qui pourrait refroidir l’enthousiasme de certains spectateurs.
Wonderful Town a été diffusé au cours de la dixième édition du Festival du film asiatique de Deauville (2008), en compétition officielle.



