Yota le Pourfendeur
Yota (Bunta Sugawara) est un homme violent, toujours prêt pour la castagne. Après quelques temps à l’ombre, il est libéré et fête dignement sa sortie avec une prostituée. Dérangé par une bande de loubards, il n’hésite pas une minute et se bat de tous ses poings, jusqu’au moment où il reconnaît ses acolytes du passé. Enfin réuni, le groupe se cotise pour payer une autre péripatéticienne au sieur Yota. Mais pendant les préliminaires, la femme de mauvaise vie reconnaît en Yota son ancien tortionnaire qui l’avait violée puis vendue à un bordel. Son passé jeté au visage, Yota se rhabille et rencontre au bar un homme (Asao Koike) qui lui soumet l’idée la plus lumineuse qu’il ait entendue de la journée : fonder son propre gang de yakuzas.
Yota n’est pas un homme bon. Il n’y rien a garder chez cet homme. C’est un voleur, meurtrier, kidnappeur, violeur, et un maquereau ; bref une ordure de premier choix. Seul point positif de sa personnalité : son ambition et la volonté d’être autre chose qu’une petite frappe. C’est pourquoi il accepte de monter ce gang. D’autant plus que le fait d’avoir retrouver une de ses victimes passées (la prostituée) a opéré en lui un début de profond changement, même s’il reste l’être le plus ignoble que Fukasaku ait jamais filmé. Malheureusement, Yota est blessé gravement et le quartier général du gang est en instance d’être assiégé. Acculé et sans chef, le reste de la bande passe un accord et entre sous la protection du clan voisin, dirigé par Noburo Ando. Bien que mourrant, Yota, tel Marlon Brando dans The Godfather, refuse d’être un pantin dont on tire les ficelles. Ainsi il continuera de n’en faire qu’à son idée et attisera par la même occasion la haine de plusieurs autres personnages influents. Malgré cela son nouveau boss n’aura de cesse de le protéger, allant même jusqu’à se couper la phalange d’un doigt pour lui sauver la vie.
Yota est arrogant, couche avec tout ce qui bouge, et ne laisse personne lui barrer le chemin. Pourtant une femme va tenter de le réveiller et de lui insuffler un semblant d’humanité. Contre toute attente cette femme est la prostituée. Petit rappel Yota a dans sa jeunesse, commis toutes sortes de crimes plus crapuleux les uns que les autres, dont les viols à répétition. Mayumi Nagisa fut l’une de ses nombreuses victimes. Elle venait tout juste d’arriver en ville, lorsque Yota et sa bande lui sont tombés dessus. Battue, violée, droguée, puis vendue la pauvresse avait pourtant juré de se venger. C’est alors que l’incroyable survient : elle tombe amoureuse de Yota. Est-ce dû au regard plein de regrets et de compassion que lui jette à maintes reprises Yota ? Comment peut-on parvenir à pardonner ce genre de crime ? Car outre l’humiliation et la honte, Yota a réussi à détruire sa propre vie et celle de Mayumi.
Le pardon est peut-être le fil conducteur du film. La prostituée qui pardonne Yota, le boss qui lui pardonne toutes ses frasques. Qu’est-il possible de pardonner ? Le passé (le viol) sera toujours présent ; il ne peut s’oublier, sinon ce serait se mentir. Pardonner aux autres, mais aussi se pardonner soi-même, peut-être est-ce la solution finalement pour Yota et Mayumi ! Mais cela est-il suffisant pour que ce genre de couple s’en sorte dans la vie et dans la mort ? Car si Kinji Fukasaku se sert du milieu yakuza pour toile de fond, le véritable sujet du film est cette relation entre Yota et sa victime/femme. Relation dont le point culminant est le final aussi pessimiste que possible.
Paradoxalement, le film est empli de bons sentiments, malgré la violence et l’horreur de la plupart des scènes. Gendai Yakuza : Hitokiri Yota est jubilatoire en ce sens qu’il ne cherche pas à nous rendre attachant le personnage de Yota, ni à le faire évoluer vers un hypothétique bon côté. Car Yota n’est décidément pas un homme bon et ce n’est pas en tombant amoureux de Mayumi qu’il changera. Il deviendra tout au plus un personnage sympathique, mais au cœur remplit de haine et de rage. Cette rage sans concession qui pourfend quiconque se dresse devant lui et qui ne pourra le conduire qu’à sa perte.
Yota le pourfendeur est un étalage de talent. Celui de Bunta Sugawara bien entendu. Celui de Mayumi Nagisa en prostituée qui se sacrifie pour son "anata" (chéri en japonais). Mais c’est aussi une nouvelle fois la preuve de l’immense maîtrise de Kinji Fukasaku.
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