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Chine

Home Run

aka 回家的路 | Chine | 2008 | Un film de Fang Gang Liang | Avec Fan Bingbing, Chapman To, Zou Yanwen

Li (Fan Bingbing) est la présentatrice/dictatrice d’une émission de télé-réalité intitulée Home Run, qui se plait à lâcher un enfant seul en plein cœur de Shanghai et voir si celui-ci est capable de rentrer chez lui, fort de l’éducation et l’éveil transmis par ses parents. Alors que son candidat du jour lui fait faux bond, incapable de lire un prompteur avec le moindre naturel, et que son producteur lui rappelle que sa piètre audience la place sur la sellette, Li part chercher le seul enfant qu’elle connaît, le jeune Lu, pour tenter d’assurer son direct. Une tâche ardue, d’autant qu’elle a omis de prévenir son père - un dentiste célibataire (incarné par Chapman To) à la recherche d’une mère pour Lu, qui avait laissé l’enfant à quelque garderie pour se rendre à un rendez-vous galant arrangé - et que Lu ne cesse d’appeler celui-ci pour connaître la marche à suivre face aux stratagèmes malhonnêtes des équipes de télévision, déclenchant moult quiproquo à demi-mot. Pour se faire obéir de l’enfant, Li, désespérée, en vient à lui dire qu’elle est sa véritable mère… mensonge ou vérité ?

Je me souviens d’une intervention de Kiyoshi Kurosawa au Festival des 3 Continents, où l’auteur-réalisateur donnait comme conseil aux aspirants cinéastes de ne pas mettre trop d’idées dans un seul film, de préférer n’en retenir qu’une pour chaque œuvre. Un conseil que l’on pourrait peut-être donner, a posteriori, au réalisateur Fang Gang Liang (Looking for Jackie), dont le second long-métrage, schizophrène en diable, s’éparpille dans les tons et les ambitions, au point que l’on ne sache plus qui, de la critique sociale, de la comédie de situation ou du mélodrame, sert de toile de fond à l’autre.

Passons sur le pitch, détestable autant qu’improbable, de son émission éponyme, ou sur l’incohérence qui conditionne le dimensionnement de Home Run – à savoir qu’on ne comprend pas bien comment une émission si peu populaire qu’elle est en passe d’être supprimée se retrouve d’emblée diffusée sur tous les écrans de Shanghai, publics et privés. Dès ses premières scènes, le film de Fang Gang Liang oppose l’enjeu professionnel de Li aux enfantillages de Lu, avec une emphase tant dans le sérieux que dans le comique léger, que l’on ne sait à quel saint se vouer. Alors que le plateau de Li est tendu comme un string, façon Ground Control à Houston mais avec beaucoup de mauvais esprit en sus, Lu baigne dans la nonchalance, s’efforce de poser ses questions à son père de façon imagée et insaisissable, de sorte à justifier de montrer ses fesses à la caméra ou uriner dans une poubelle en feu.

Avec une surréalisation qui frise l’école Bruckheimer, Fang Gang Liang impose des émotions qui se subissent plus qu’elles ne se ressentent, avec toute la délicatesse d’un bulldozer dont on peine à comprendre le versant pipi-caca, métaphore simpliste du naturel infantile. Les acteurs eux-mêmes, qu’on imagine justes dans le jeu imposé par le réalisateur, renforcent cette incompatibilité de ton : alors que Fan Bingbing incarne une frigide et peu recommandable menteuse professionnelle, dont chaque émotion est remise en question, Chapman To est d’une gravité émotionnelle presque drôle, et Zou Yanwen (le petit Lu) force l’infantilisation et l’innocence de son personnage, trop conscient de son jeu pour être véritablement attachant.

Pourtant, cette pluralité, de tons et de sujets, parvient paradoxalement à maintenir l’édifice Home Run à flots. Puisque l’on perçoit d’emblée que Fang Gang Liang nous cache quelque chose – la relation entre les trois protagonistes étant volontairement incomplète – on se prend d’intérêt pour cette résolution par-delà les enjeux colocataires de la critique sociale (orientée omniprésence télévisuelle, célébrité et carriérisme) et de la comédie pure, conscients du caractère manipulateur du film. Aussi lorsque le réalisateur change une fois de plus son objet pour verser dans le mélodrame, nourri de ces premiers contextes, avant d’enfin retourner la caméra contre Li, le tout prend des allures de puzzle (inutilement) complexe, au moins satisfaisant dans sa reconstitution d’une historicité familiale - même si le secret de celle-ci paraît peu crédible, au regard du caractère public de Li.

Et puis il y a les acteurs : Fan Bingbing, magnifique comme toujours, s’offre joliment au cynisme de Fang Gang Liang, victime de sa beauté "parfaite" et de sa nature d’actrice dans une conclusion courageuse, tandis que Chapman To, à force de rigidité pince-sans-rire, construit un singulier tableau de sagesse. Je reste par contre peu convaincu par la prestation de Zou Yanwen, caractéristique de la lacune qui survit à Home Run en dépit de ses pirouettes partiellement salvatrices : l’enfant comme le film, ne fait pas assez confiance aux silences. Trop de jeu, trop de musique, trop d’effets de caméra et de surlignage, pour une œuvre qui aurait gagné à laisser ses émotions se deviner ; comme elle parvient presque à le faire dans son esquisse amoureuse, entre Chapman To et son vrai-faux rendez-vous arrangé, charmante hôtesse un peu en marge du métrage, qui incarne pourtant son véritable élan, sa convergence émotionnelle, en suspens.

Home Run, disponible en DVD chinois sans sous-titres, est par ailleurs sorti à Hong Kong en VCD et DVD, sous-titrés anglais.

- Article paru le mercredi 18 avril 2012

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