Debbie Does Dallas
Démarche pour le moins courageuse de la part de Wild Side, de se lancer dans l’édition d’une collection consacrée à L’Age d’or du X américain. En ces temps difficiles pour le marché vidéo, un éditeur qui choisit des titres que les points de vente grand public refuseront par pure hypocrisie sociale ? Même pas peur : d’autant que la démarche, finalement, redonnera peut-être une visibilité méritée au genre le plus décrié et pourtant le plus universel de la planète : si un éditeur élitiste s’y intéresse, une certaine intelligentsia influençable jettera tôt ou tard son dévolu dessus, sous couvert, comme au bon vieux temps, de porno chic. Pour nous, spectateurs ouverts à moult horizons et orifices, c’est du tout bon : copies restaurées, peut-être même l’opportunité de retrouver le poing de Marilyn Chambers au cœur d’Insatiable... et l’occasion de revenir aux sources de ce site internet au nom peu commun. Je me garderais d’expliquer la partie « Sancho », vous citant les lettres DVDA pour seul indice, et vous inviterai par contre à reconsidérer le « does » qui relie ce prénom parfaitement inadéquat, puisque mexicain, à l’univers asiatique... vous saisissez ? De tous temps, certains Sancho boys & girls, comme on dit ici, ont été de sacrés petits cochons. Debbie Does Dallas, l’un des titres qui a justifié ce liant provocateur, faisant partie de la première double salve de cette collection restricted de Wild Side, je ne pouvais rester les bras croisés. Ce qui, de toute façon, n’est pas le propos du film, n’est-ce pas ?
Debbie, pom pom girl en chef de son bahut, a été choisie pour encourager une équipe du Texas. Seulement voilà : sa mère voit d’un mauvais œil cette activité frivole qu’elle apparente à du striptease grand public, aussi Debbie doit-elle financer seule son voyage. Heureusement, ses copines sont prêtes à lui filer un coup de main, et les demoiselles s’associent pour partir toutes ensembles, acceptant de petits boulots extra-scolaires pour payer leur périple. Vendre des disques, s’occuper du ménage et du rangement dans un magasin d’articles de sports, œuvrer à la bibliothèque du lycée ou encore laver la voiture du voisin... tout ceci est bien gentil, mais les filles ne ramènent que peu de billets. Et certainement pas autant que Debbie lorsqu’elle laisse son boss occasionnel lui reluquer, toucher puis sucer les seins. Qu’à cela ne tienne : l’entreprise communautaire élargit sa gamme de services, et les jeunes pucelles – c’est ce qu’elles prétendent, hein – se mettent à offrir leur intimité aux bons fantasmes de leurs patrons... Et dire que toute cette légèreté sexuelle est le fait d’un excès de pudibonderie maternelle !
De nos jours, lorsque l’on regarde des ébats plus ou moins musclés sur un écran, on dit simplement que l’on regarde du porno ; de la même façon que l’on peut dire devant d’autres excès, que l’on s’abandonne au gore. Face à Debbie Does Dallas et ses lieux de tournages multiples, ses scènes extérieures, où se jouent, au son d’une musique improvisée fantastique, dialogues et intrigue minimaliste et non pas de simples inserts anonymes, on est bien obligé de délaisser ce raccourci : le classique de Jim Clark n’est pas du porno, mais bien un film pornographique. D’ailleurs, dix minutes de mise en place s’écoulent avant la première partie de jambes en l’air. Une première scène qui est aussi la plus morne, dans les douches des vestiaires des filles en compagnie de quelques footballeurs libidineux, en dépit de quelques contre plongées bien pensées.
Jim Clark utilise habilement sa trame cynique pour enchaîner les scènes de fesse, avec un goût très prononcé pour les pratiques orales, si possible partagées. Les nombreuses actrices du film profitent de ces instants de délectation pour livrer quelques hébétudes complices, découvertes simulées mais touchantes de la part de goulues pour le moins habiles. Tout ça sent la fraternité, le soutien mutuel, et pas seulement de parties masculines : il y a beaucoup de légèreté finalement, dans les regards qu’échangent les filles autour d’un membre en érection. Un encouragement au plaisir, à la promiscuité sexuelle sans conséquence, pratiquée dans une sainte horreur du gâchis : ces messieurs sont essorés, jusqu’à la dernière goutte.
La brutalité sexuelle n’est pas de mise dans Debbie Does Dallas, qui se vit comme une comédie légère ; si l’on excepte la gorge profonde d’une apprentie bibliothécaire au bord de la suffocation. Mais même dans cette scène, Jim Clark est un malin : c’est la fille qui prend l’initiative de l’avalement de sabre, tandis que son homme la supplie de ne pas s’étouffer et de rester en vie. C’est l’une des seules « performances » d’un film qui ne les recherche pas, tout entier dévoué à la crédibilité des plaisirs de la chair. En faveur de cette démarche, les filles d’alors n’étaient pas des Anapurnas du cul, mais les jeunes femmes d’à côté, celles que l’on pourrait éventuellement conquérir et contenter. Avec des cicatrices, un peu de cellulite, pas mal de poils et des poitrines imparfaites et variées qui sont autant de personnalités : ces filles, presque banales, constituaient – et constituent encore - un fantasme paradoxal, puisqu’atteignable.
Debbie Does Dallas est d’ailleurs en ce sens proprement optimiste : par le truchement du montage, qui anticipe dans l’imagination du personnage de Richard Ballaa, Mister Greenfield, la seule scène hard de Bambi Woods, la réalité de son désir s’avère être à la hauteur du fantasme. Un accomplissement offert aux puceaux de la terre entière, pour qui le poste de quarterback est inaccessible et les atouts humides des cheerleaders, de fait, itou : tout vient à point à qui sait attendre. Debbie elle-même finit par « venir », dans les derniers instants du film qui la contemplent, épuisée et satisfaite, comme Marilyn Chambers au terme de son voyage derrière la porte verte. Une performance crédible car sans éclat, que la mystérieuse Bambi Woods, reine des blondes qui s’offusque à merveille, s’extasie tout autant devant quelques décimètres de masculinité, réitèrera dans un second opus quelques années plus tard. Avant de disparaître, mystère non élucidé du Golden Age : aujourd’hui encore, personne ne sait ce qu’il est advenu de l’actrice.
Bien que Bambi soit l’égérie du film, ce n’est pas elle qui, à mon sens, bénéficie de la meilleure scène, mais son amie qui s’ennuie dans un magasin de bougies. A l’issue d’un coup de fil avec son petit ami, privée de sa compagnie à cause de l’entreprise généreuse et chronophage, la jeune femme s’assied dans un fauteuil et commence à se caresser, au sein d’un plan fixe qui cadre aussi un stock de bougies. Le reste est évident, et surpris par l’employeuse de l’hédoniste, qui encourage la miss à s’abandonner à son mari. C’est un détail, mais la dégustation de monsieur par madame, sur le pied de la jeune ingénue, est une issue presque accidentelle à l’ébat pluriel, qui participe joliment à sa très érotique réalité. Alors soit, il convient de ne pas oublier que tout ceci reste le fruit d’une industrie où tout n’est pas que sourire et nonchalance hors champ ; mais à l’écran, tout en étant forcément hardcore, Debbie Does Dallas échappe par ces détails et ses gentils upskirts à la vulgarité facile. Ce que beaucoup de comédies adolescentes, moins explicites mais tout aussi portées sur la culotte, qui ont inspiré de tels films avant de s’en nourrir à nouveau, ne parviennent finalement que rarement à éviter. Next !
Debbie Does Dallas est donc disponible en DVD chez Wild Side, dans la collection L’Age d’or du X américain, qui sera riche de 20 titres, à terme, au rythme de deux sorties tous les deux mois. Image 4/3 très propre, et, en guise de supplément, une interview précieuse et déstabilisante de quelques participants au projet, dont le déchu Richard Balla. Ses propos, comme son apparence, renferment une certaine tristesse, et ce avant même d’aborder le décès par OD de la jeune actrice Arcadia Lake.
Remerciements à Cédric Landemaine, Benjamin Gaessler et Wild Side.







