Insatiable
Je n’ai pas une culture énorme en matière de pornographie, mais tout de même : la filmographie de Marilyn Chambers, peu fournie il est vraie, constitue un patrimoine tout autant classique qu’incontournable, intrinsèquement lié à l’avènement du porno chic et à sa décadence. Aussi la sortie d’Insatiable, aux côtés d’Inside Desiree Cousteau, dans la troisième salve de la collection L’Âge d’or du X américain, fut-elle pour moi l’occasion de revoir ce titre qui, du haut de l’appétit sexuel de Marilyn, a dominé plusieurs années durant les ventes de films pour adultes, de Carter à Reagan. L’actrice y incarne Sandra Chase, héritière richissime, top model et actrice, qui s’ennuie tant et si bien qu’elle ne pense qu’à une chose, le sexe, qu’elle pratique avec quiconque lui passe sous la main, la langue, le fond de la gorge et autres orifices recto-verso ; d’une consœur actrice au jardinier de papa, et même avec d’illustres membrés de cet âge d’or en perte d’éclat, mis en scène façon frères Mitchell.
Panorama des aptitudes de l’actrice, Insatiable s’ouvre sur une séance de masturbation dont les bribes fantasmées annoncent le film en construction, trailer auto-suffisant sur lequel l’ensemble se permettra d’ailleurs de boucler sa boucle insaisissable. A défaut d’innover en terme de cinématographie pure, le classique de Stu Segall s’offre en effet une construction inutilement alambiquée, entre plusieurs présents de narration : chaque scène de fesse ou presque, est un souvenir de Sandra, qu’elle se remémore avant de devenir actrice, tandis que l’ensemble incarne les mémoires de jeunesse d’une Sandra accomplie, en goguette à Londres avec une obscure tante. En gros : Sandra se souvient qu’elle s’est souvenue avoir sérieusement pris son pied, que ce soit avec Serena, David Morris ou un John Holmes rendu bien mou par ses abus illicites. 35 centimètres, d’accord, et par la petite porte pas vraiment verte qui plus est, mais flasques.
Tandis que Serena, retrouvée comme toujours avec plaisir le temps d’une incartade lesbienne, buccale et de quelques doigts (la main n’était pas loin si les lois de l’époque en la matière n’avaient été restrictives) dans une piscine, reste sublime d’une pellicule à l’autre, Marilyn a quelque peu perdu de son éclat depuis ses premiers ébats à l’écran. Moins belle qu’avant, mais plus belle qu’après : lorsqu’elle redéploiera son appétit dans le bien nommé Insatiable II, le constat des abus encouragés – imposés ? – par son mari d’alors, Chuck Traynor, sera un peu plus sévère encore. Toujours est-il que son all american charm fonctionne à merveille, renforcé non pas par sa coupe canine eighties mais plutôt par son facétieux sourire en coin, et surtout par sa propension à offrir à n’importe qui, bobo en panne d’essence ayant bien besoin de se faire siphonner et autres jardiniers tuyautés, une bonne dose de plaisir altruiste. Encore que, dans le cas du jardinier interprété par David Morris, traumatisme nympho originel, Madame ne régale pas tant qu’elle subit, la scène ayant des allures de rape fantasy, savamment orchestrée pour déployer une gorge profonde légendaire.
Si ce n’était pour l’omniprésente performance de son interprète principale, Insatiable ne serait que peu de choses, bobine simpliste de plans cul baignant dans un luxe façon Hefner au féminin, nimbée d’une unique phrase musicale easy listening en boucle, illustrant aussi bien les ébats que le tourisme londonien. Pourtant la dernière image du film, splendide appel à la débauche qui rappelle l’insatisfaction de Georgina Spelvin dans The Devil in Miss Jones, titillera jusqu’au plus retors des spectateurs masculins ; Marilyn Chambers, trempée de transpiration et des fluides de quelques partenaires, suppliant quiconque soutiendra son regard de lui en donner encore et encore, scandant son « more » en plein écran. Si John Holmes reste flasque face à cela, moi j’abandonne !
Insatiable est disponible en DVD chez Wild Side depuis le 2 juin 2010, dans la collection L’Age d’or du X américain, qui sera riche de 20 titres, à terme, au rythme de deux sorties tous les deux mois.
Remerciements à Cédric Landemaine, Benjamin Gaessler et Wild Side.




