Sex Boat
Soigner le mal par le mâle : outré par l’infidélité de sa femme, un homme se venge en forçant la belle à copuler devant lui avec son amant, avant d’inverser les rôles, satisfaisant deux naïades au bord d’une piscine sous le regard envieux de l’infidèle attachée. Enfin, il se propose de l’envoyer s’ennuyer ferme dans une croisière all girl, sur un paquebot de luxe interdit aux hommes. Sauf que Bob et Jess, deux joyeux drilles grossièrement grimés en femmes, s’introduisent sur le navire, avant de faire de même dans les lèvres, hautes et basses, de passagères peu farouches, qui acceptent sans problème de se faire réveiller par les coups de langues de travestis inconnus. Évidemment, la Capitaine ne l’entendra pas de cette façon ; mais sur cette Croisière de la jouissance, les protestations ont tôt fait de se transformer en supplications humides.
Pour cette quatrième livraison de L’Âge d’or du X américain, Wild Side s’entiche d’un réalisateur peu commun dans la pornographie des années 80, puisqu’il s’agit d’une réalisatrice, Svetlana. Avec son mari David L. Frazer, elle met en boîte ce Sex Boat au croisement de La croisière s’amuse et Certains l’aiment chaud, où elle étale son affection des belles femmes et de la gaudriole bon enfant. N’allez pas croire pour autant, que Sex Boat soit une œuvre féministe, pas plus que son compagnon de rayonnage, 800 Fantasy Lane : Randy West et Turk Lyon, nos improbables femelles poilues et lubriques, y règnent en maître sur tout ce qui se pénètre dans l’ordre des choses recommandé par Mère Nature. Quoiqu’elle ne pensait certainement pas que ses filles passeraient tant de temps la bouche pleine.
D’une certaine façon, contrairement au très ambivalent 800 Fantasy Lane qui navigue entre des tons sexués très distincts, Sex Boat est ce que Wild Side nous a servi de plus homogène depuis le début de sa collection. Les rapports s’enchaînent sans brutalité ni perversion, dans un schéma quelque peu redondant de faveurs orales et plus classiques. Dans le nombre par contre, Sex Boat remporte une certaine palme, multipliant les actrices comme jamais, toutes délicieuses, jusque six à la fois pour le courageux Turk Lyon, qui tentera même de les éclabousser toutes au cours de la même jouissance. Un ou deux intermèdes saphiques – dont un avec la fille de la jaquette, Kelly Nichols, qui ne possédait pourtant même pas encore de pseudo dans le business à l’époque – viennent perturber l’hégémonie sexuelle des trublions, mais jusqu’à l’arrivée du Capitaine Fourreau et ses pirates, ils occupent tout de même la majorité des entre-jambes.
Car oui, dans ses dernières bobines, Sex Boat s’enhardit de quelques membres supplémentaires, taillés dans le même bois que ceux de Bob et Jess mais nettement moins sympathiques. Conviés à la fête par la Capitaine, qui voit dans le négoce de ses riches passagères matière à arrondir ses fins de mois, de redoutables pirates débarquent sur le navire et violent tout ce qui leur tombe sous la main ; sans réticence crédible toutefois, puisque nous voguons sur des eaux moins troubles que celles de l’écart SM de 800 Fantasy Lane. Cette variété, cochonus ex machina fantasque, est d’autant plus bienvenue que les pirates parlent un anglais vieillot, arborent crochets, attirail et attitude parfaitement anachroniques, et que Fourreau lui-même vient à bout de la frigidité de la belle Cody Nicole, ce que les charmes maquillés de West et Lyon n’étaient parvenus à faire.
Mais plus que ses ébats polis, tout ce petit monde étant bien courtois en toute circonstance, ce sont les décors de Sex Boat qui font sourire le spectateur. La paquebot où se situe l’action du film est un montage flagrant de structures plus petites, du pont d’un yacht au comptoir d’un pub, en passant même par une prison dotée de murs en parpaings. Un point tout de même, pour la dernière scène du film, voulue d’émotion authentique - mais tout de même athlétique -, qui réunit Turk Lyon et Sylvia Benedict : le montage y prime exceptionnellement sur l’explicite, entre jeux de miroirs et fondus du meilleur effet, créant une cinématographie digne de ce nom, presque délicate.
Sex Boat sortira en DVD chez Wild Side le 8 septembre 2010, dans la collection L’Age d’or du X américain, qui sera riche de 20 titres, à terme, au rythme de deux sorties tous les deux mois.
Le documentaire Some like it very hot qui accompagne le film, dresse un portrait peu flatteur de la réalisatrice, chacun de ses acteurs la détestant peu ou prou, mais vaut surtout pour le sympathique Randy West.
Remerciements à Cédric Landemaine, Benjamin Gaessler et Wild Side.




