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Japon

Il était un père

aka 父ありき - Chichi ariki | Japon | 1942 | Un film de Yasujirō Ozu | avec Chishū Ryū, Shūji Sano, Shin Saburi, Takeshi Sakamoto, Mitsuko Mito, Seiichi Hirata, Minoru Uchida, Haruhiko Tsuda, Kōji Mitsui, Kenji Ōyama

Veuf, Shuhei Horikawa, un professeur de mathématiques, habite dans une ville de province avec son fils unique, Ryohei. Lors d’un voyage scolaire dans la région de Tokyo, un élève se noie après avoir fait du bateau, en contradiction avec les consignes de Shuhei. Ce dernier estime avoir manqué à son devoir et décide de démissionner et de retourner dans sa région natale. Ce déménagement nécessite que son fils fasse ses études en internat. Dès lors, le père et le fils vivront éloignés loin de l’autre, malgré la volonté de ce dernier d’habiter avec Shuhei.

Tourné en 1942, Il était un père est une répétition générale en vue des chefs d’œuvre d’Ozu d’après-guerre. Son style épuré est déjà présent : composition au cordeau exquise, ellipses, plans fixes à hauteur de tatami, Chishū Ryū en acteur principal...

Chez le cinéaste japonais, les évènements dramatiques sont traités sur un mode « apaisé ». Une barque chavire, un enfant se noie et dans la cohue des élèves se rendant sur les lieux de l’accident, un de leurs parapluies posés contre le mur tombe au sol. Cette scène est du pur Ozu : rien n’est montré du drame et pourtant tout est dit.

Le film démarre sur une séquence d’une grande justesse. Au moment de leur départ à l’école, le père fait répéter ses leçons à son fils. Sous le regard bienveillant de Shuhei il se remémore les bouts de formules manquant, récupère son boulier oublié… Sans qu’aucun échange d’affection ne soit présenté à l’écran, Yasujirō Ozu montre toute la tendresse entre l’homme et son fils.

Schéma fréquent dans les œuvres d’Ozu, la famille est privée d’un membre, la mère, et elle est appelée à se séparer. Si dans les films d’après-guerre, la fille doit souvent quitter son père pour se marier, le père décide ici de se séparer de son fils pour assurer son futur. Pour le metteur en scène japonais, le devoir l’emporte toujours sur le sentiment.

Alors que Ryohei veut abandonner sa carrière d’enseignant afin qu’ils puissent enfin vivre ensemble à Tokyo, son père s’offusque de cette décision et lui fait la morale. Là où j’ai failli, je veux que tu réussisses à ma place, lui explique-t-il.

Cette exigence a un prix : Shuhei s’efface de la vie de son fils pour finir par disparaître une fois sa tâche menée à terme. Comme s’il craignait de ne pas être à la hauteur en tant que père, comme il pense ne pas l’avoir été dans son rôle d’enseignant.

Dans ce film de 1942 où sont mis en exergue les thèmes du devoir et du sacrifice, Ozu se plie aux règles de la propagande nationaliste, tout en neutralisant leur impact.

Les séquences faisant directement référence à la guerre sont compartimentées du reste du métrage. A l’instar de celle où le fils annonce être bon pour le service et dans laquelle son père affiche sa fierté qu’il devienne un bouclier pour l’empereur.

Il était un père est présenté dans une version restaurée, après avoir été censuré par les États-Unis après la guerre. Si les séquences expurgées ne sont pas précisées, un passage a un fort relent de propagande : le père récite un poème exaltant les valeurs incarnées par les 47 rônins, dont la célèbre histoire a notamment été adaptée au cinéma par Mizoguchi, un an plus tôt.

Mais le comportement de son ancien collègue, qui est pris d’un malaise vers la fin du poème, désamorce l’esprit du sacrifice exalté par le poème. Si la raison de ce malaise reste inconnue, elle est logiquement à chercher du côté de la perte d’un proche à la guerre.

Il était un père est sorti au cinéma le 8 novembre grâce à Carlotta, en même temps que 3 autres films d’Ozu pour le 120ème anniversaire de sa naissance : Femmes et voyous, Récit d’un propriétaire et Dernier caprice.

- Article paru le mardi 14 novembre 2023

signé Kizushii

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