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Japon

Kazoku Gêmu

aka Kazoku Game - The Family Game | Japon | 1983 | Un film de Yoshimitsu Morita | Avec Yusaku Matsuda, Juzô Itami, Ichirota Miyakawa, Saori Yuki, Junichi Tsujita, Yoko Aki, Jun Togawa, Yoneko Matsukane, Katsunobu Ito, Kentarô Shimizu

Kazoku Gêmu, ou quand Yusaku tape l’incruste chez vous...

Les Numata forment une famille japonaise assez "typique" de la middle-class ; le père est un salaryman pas bon à grand chose, dont l’une des principales occupations est de rentrer chez lui saoul. La mère, une femme au foyer dont l’intérêt premier est de préparer à manger. Shinichi, le frère aîné, suit son petit bonhomme de chemin dans ses études sans véritable problème. Quant au frère cadet, Shigeyuki, jeune rebelle dont les résultats scolaires laissent à désirer, il n’est pas sur la bonne voie pour obtenir son diplôme... Ses parents décident alors de lui allouer les services d’un tuteur, un certain Yoshimoto, dont les méthodes sont... particulières...

Premier article sur un film mettant en scène l’immensément génial Yusaku Matsuda depuis le mini-dossier lui étant consacré dans SdA, je me devais de vous parler de l’un de ses plus importants rôles sur grand écran, celui de Yoshimoto, prof quasi-psychopathe, trublion au sein d’une famille japonaise lambda dont la petite vie va être chamboulée par cet étrange et énigmatique personnage... Pour bien comprendre le film, il faut d’abord avoir une idée à peu près claire de ce que représente l’éducation au Japon, et plus précisément l’éducation du mâle nippon ; un jeune japonais DOIT réussir ses années de collège afin de pouvoir entrer dans un bon lycée... c’est comme ça, sinon il sera un moins que rien. Ensuite il devra travailler énormément (mais vraiment beaucoup !...) pour être diplômé et réussir à entrer dans une université... Même si les mentalités tendent à évoluer, un japonais ayant raté ses études ne recevra aucune considération de la part de la société dans laquelle il tentera de vivre, difficilement... Voilà pour ce mini rappel empruntant, je dois le dire, pas mal de raccourcis.

Les Numata font donc appel à Yoshimoto pour lui confier l’éducation de leur plus jeune fils, Shigeyuki. Ce dernier, ado troublé, souffre douleur de sa classe, ne trouvant pas de réelles réponses à ses questions au sein de sa famille, est l’archétype même du "mauvais" élève pour lequel les professeurs n’éprouvent aucun intérêt (...). L’irruption de Yoshimoto dans sa vie d’adolescent va totalement bouleverser ses repaires en le confrontant à la médiocrité de ses parents et à la brutalité employée par le tuteur ; la violence est donc double : psychologique et physique. Le procédé musclé utilisé par Yoshimoto n’a pas que des aspects négatifs, puisqu’il motive Shigeyuki à être autonome et à se défaire des contraintes familiales... il lui apprend à devenir un homme, indépendant et fort. Et sa "méthode" porte ses fruits, si bien que les résultats scolaires de Shigeyuki ne cessent de grimper... en contrepartie, la vie familiale ne cesse de se détériorer.

Les deux obsessions de la famille Numata sont, vous l’aurez compris, l’éducation (scolaire), mais également... la nourriture ; les seuls moments où les membres de la famille sont réunis sont les repas. "Réunis" est un bien grand mot, car ils ne mangent pas face-à-face, mais face à la caméra ; ils sont assis les uns à côté des autres sans jamais se regarder. Point de vue étrange, génialement mis en scène par Yoshimitsu Morita (Sorekara, Bakayarô !). Le repas "final" est d’ailleurs un modèle du genre, déconcertant, hilarant, effrayant...

Du point de vue, justement, de la mise en scène, les partis pris par Morita donnent au film une texture particulière et lui créent une atmosphère aussi bien visuelle que sonore rarement vue jusque là ; Kazoku Gêmu ne contient pas une note de musique, par contre le son, ou plutôt les sons, ont une très grande importance ; Morita n’hésite pas à supprimer tout simplement tout dialogue qui lui semble superflu, mais laisse les bruitages de la scène... l’effet reproduit est alors inattendu, à la limite de l’expérimentation cinématographique (et même musicale [1]). Les bruitages, exagérés à l’extrême, surtout pour ceux ayant un rapport avec la nourriture (le fait de croquer, mâcher, déglutir...) peuvent faire penser aux sons lors des combats dans les vieux films de kung-fu... excellent !

Au niveau des acteurs, Yusaku Matsuda nous offre - mais c’est une habitude - une prestation sans faille dans ce rôle de prof au visage impassible, même lors d’accès de violence envers Shigeyuki (Ichirota Miyakawa). Et puis, sachez que Numata-san, le père, est interprété par feu Juzô Itami, réalisateur à qui l’on doit des films tels Tanpopo ou encore Minbo no Onna.

La cellule familiale qui éclate pour mieux se ressouder... L’élément extérieur perturbateur qui devient finalement rédempteur... Cela vous dit quelque chose ?...A leur manière, les films Visitor Q (Takashi Miike /2000), Crazy Family (Sôgo Ishii /1984) et Kazoku Gêmu parlent de la même chose, mais sont traités de trois façons différentes. Trois visions géniales, orchestrés par trois excellents réalisateurs... En tous les cas, Kazoku Gêmu est l’un des plus grands films du cinéma japonais des années 80 (et même du cinéma tout court !!) et passer à côté serait passer à côté de beaucoup de choses...

DVD | Pioneer - ATG Collection | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:33 - 4/3 | Images : Très belles ! Zéro défauts de compression, et hormis quelques tâches, l’appellation High-Vision New Master de la jaquette n’est pas erronée. | Son : Un très bon Mono. | Suppléments : 2 trailers, mini biographies de Matsuda et Itami, bio/filmo de Morita... malheureusement pas de sous-titres !

Pour les collectionneurs, Kazoku Gêmu existe également en LaserDisc, mais uniquement dans le 1er coffret consacré à l’ATG - Art Theater Guild - (Réf. PILD-1148).

Un VCD est sorti à Hong-Kong chez Mei-Ah, mais il ne possède que des sous-titres chinois.

[1Pranzo Oltranzista, œuvre expérimentale que l’on doit à Mike Patton, est une pièce musicale composée de "bruitages" ayant un rapport à la nourriture (réf. CD : TZ 7022).

- Article paru le jeudi 20 septembre 2001

signé Kuro

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