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Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2002

Musa

aka Musa the Warrior - Musa le Guerrier - La Princesse du Désert | Corée du Sud | 2001 | Un film de Kim Seong-Su | Avec Ahn Seong-Gi, Jeong Wu-Seong, Ju Jin-Mo, Zhang Ziyi

Attention film piège !! Si vous désirez voir un film d’aventure et d’action, vous allez être servis. Néanmoins il s’agit d’une histoire d’une tout autre envergure.

L’histoire se déroule au XIVème siècle, en Chine. Une ambassade coréenne composée de diplomates et de militaires se rend auprès du nouvel empereur de Chine, Ming. Les Mings viennent de prendre le pouvoir aux Yuans (la dynastie mongole) qui régnaient jusqu’alors. Cette ambassade est arrêtée par les Mings, la raison étant que le royaume coréen aurait fait exécuter la mission diplomatique Ming et ne cesserait pas d’envoyer des espions en Chine. L’ambassade coréenne est alors envoyée en exil. Au cours du voyage qui doit mener cette dernière à son lieu d’exil, le convoi de prisonniers est attaqué en plein désert par les Yuans. L’escorte de soldats Ming est massacrée. Et les Yuans qui n’ont rien contre les coréens les libèrent, mais les abandonnent à leur propre destinée au milieu du désert. Le diplomate en charge de l’ambassade a été blessé au cours de l’attaque, c’est alors le jeune général Choi Jung (Ju Jin-Mo - voir le magnifique Happy End - le film !...) qui prend le commandement. Il décide de rentrer par le plus court chemin, à travers le désert, en Corée afin de ne pas être repris par les Ming qui ne manqueraient pas de les tenir pour responsables du massacre de leur escorte. Chemin faisant, le diplomate qui dirigeait l’expédition, meurt de ses blessures. Avant de mourir, il a affranchi son esclave Yee-Sol (Jeong Wu-Seong). Celui-ci, fidèle jusqu’au bout, veut rapporter la dépouille de son ancien maître en Corée. Le général ordonne que l’on enterre le cadavre. Yee-Sol s’y oppose et décide de transporter tout seul la dépouille. Il se retrouve abandonné à son sort par le reste de la troupe. C’est alors que celle-ci arrive à une oasis où se retrouvent des caravanes marchandes. Une petite troupe de soldats yuans, commandée par le général Rambulhua (Rongguang Yu - Rock’n’Roll Cop, Stormriders,...) les rejoint. Yee-Sol - ayant survécu au désert - arrive à son tour, au grand étonnement de ses compatriotes. Il s’avère que les Yuans escortent une princesse Ming (Zhang Ziyi - Tigre & Dragon) prisonnière au campement de leur chef. Celle-ci en profite pour discrètement envoyer un message à l’aide. Choi Jung récupère le message.

En ce qui concerne la réalisation, celle-ci est tout entière au service du récit. Le cadrage est subtil, mis à part quelques rares exceptions. Le montage est également très bon. Le tout est agrémenté de mouvements de caméra, simples et efficaces, pas tape à l’œil du tout. Du coup effectivement, les scènes d’affrontements sont vraiment très bien faîtes, hormis la scène du fort ; au cours de ces scènes de batailles le stress, la rage et la confusion qui animent les protagonistes sont parfaitement soutenus par la réalisation. Plus particulièrement durant la magnifique séquence d’affrontement dans les bois avec les éclaireurs yuans qui traquent la troupe sino-coréenne, façon guérilla. Les plans sont serrés, brefs, quasiment furtifs tellement le rythme est saccadé. On suit plusieurs personnages à la fois, sautant de l’un à l’autre en un clin d’œil. Puis le calme se fait, les plans redeviennent plus larges et plus longs. L’adrénaline du spectateur redescend en même temps que celles des combattants. On peut regretter aussi les plans où ça pose un peu trop hélas, et qui altèrent ainsi la dynamique de la réalisation. On peut également déplorer le plan frontal type charge héroïque finale, vu et revu, de tous les combattants. Mais ce sont là petites gênes ponctuelles.

L’image quant à elle, est magnifique, sobre, dénuée de tous effets intempestifs qui pourraient atténuer le propos du film. Les décors sont beaux et les costumes splendides. Par contre l’illustration sonore ne respecte pas cette même sobriété, allant parfois jusqu’au cliché. Et la chanson à laquelle on a échappé pendant le film, arrive quand même un peu trop tôt à la fin - écrasant la portée de celle-ci. Certains ont pu reprocher le côté "façon western" du film (attaque de chariot, encerclement de fort, sortie héroïque) mais après tout ce sont là des situations qui ne peuvent être exclusives à ce genre de cinéma. Pour ce qui est de la ressemblance avec Tigre & Dragon, je vous renvoie à l’interview du réalisateur, Kim Seong-Su.

Mais c’est oublier bien vite ce qui est l’un des intérêts principaux de ce récit d’aventure : les rapports humains ! A partir d’une histoire vraie - une délégation coréenne envoyée en Chine qui ne revînt jamais - une tourbillonnante saga humaine nous est proposée.

En effet, l’ambassade coréenne est composée d’une part de lettrés - les ambassadeurs, l’interprète - et d’autre part de militaires - le général, son lieutenant, la troupe régulière - et des hommes d’armes dont le sergent. A tout ce petit monde s’ajoute également Yee-Sol - l’esclave. Si vous rajoutez à cette troupe un moine, une princesse Ming, et de simples villageois chinois, ainsi qu’un général mongol et son armée, autant vous dire que cela ne va pas être une promenade de santé.

Les rapports croisés qui vont se développer entre Coréens, Chinois, Mongols - auxquels viennent se greffer les rapports entre les différentes classes sociales en présence, vont être le véritable cœur de ce récit. Et là où le film de Kim Seong-Su est particulièrement intéressant, c’est qu’en aucun cas les personnages ne sont jugés : il ne désigne ni bon, ni méchant, mais expose juste les motivations et les personnalités de chacun. Les personnages ne sont pas figés, ils évoluent tout au long du film. Tant et si bien, qu’à la fin on ne peut regretter l’affrontement entre Yuans/Mongols, Ming, et Coréens. Pour ce faire, les personnages sont finement ciselés, en voici une esquisse.

- Le général Choi Jung (Ju Jin-Mo) est jeune, trop jeune pour faire face à ses responsabilités. Il doit également faire face au poids de l’héritage (son père était un général réputé). Il se réfugie dans l’orgueil et la discipline au départ, pour diriger la troupe. Il n’a pas de considération pour les sans grades. L’amour pour la princesse va également l’aveugler. Il est sur le fil du rasoir en permanence à cause de sa volonté de trop bien faire, son inexpérience, et son amour. Ce périple sera pour lui une leçon de choses.
- Le lieutenant Ju Meyong (Park Yong-Woo), ancien soldat sous les ordres du père de Choi Jung, va d’abord le soutenir, puis il s’apercevra à quel point ce n’est pas un bon chef, mais néanmoins lui restera fidèle jusqu’au bout. Bref c’est le brave second auquel on est habitué dans ce genre de film, mais plus humain, et plus subtile qu’il n’y paraît.
- Le "sergent" Jin-Lib (Ahn Seong-Gi - voir l’intéressant White Bagde) : sage, vieux routier de la guerre et de la vie, cet homme du peuple va petit à petit s’imposer comme le véritable chef de la troupe. Car il tempère tout le monde, il est le lien entre tous au sein de l’ambassade mais également avec la population chinoise. Il est le véritable centre de gravité de la troupe. Et c’est un archer hors pair.
- Yee-Sol (Jeong Wu-Seong) : affranchi par son maître de son statut d’esclave, mais fidèle jusqu’au bout. Il a un caractère d’airain. Il va s’opposer en tout au général Choi Jung qui ne lui reconnaît pas sa liberté rendue. Et pire que tout, il sera un rival amoureux pour Choi Jung, mais lui ne se laissera pas attendrir par les manières de princesse de Bu Yong. Il se révèle un combattant d’exception à la lance, ce qui suscitera l’admiration et la reconnaissance du... général mongol.
- La princesse Bu Yong (Zhang Ziyi) est une petite fille gâtée de la cour, vivant loin des réalités du peuple. Mais néanmoins elle fait preuve de caractère. Elle est également le pendant féminin de Choi Jung, écrasée aussi par le poids de sa charge, à cause de sa jeunesse. Elle joue en permanence avec les cœurs de Choi Jung et Yee-Sol. Cette aventure sera également une leçon de choses pour elle.
- L’interprète Park Jum Yung, homme du peuple qui a étudié pour sortir de sa condition. Il est lâche. Il tombe aussi amoureux au cours de ce périple, mais d’une fille de joie mongole recueillie après un affrontement avec les Yuans.
- Le moine Ji San (Lee Du-Il), rencontré à l’oasis, alors qu’il s’en retourne en Corée. Il décide de faire le chemin du retour, et entretient une intéressante relation avec l’interprète, où se confrontent ses préceptes bouddhistes à l’éducation confucéenne de l’interprète (relation d’ailleurs tronquée dans la version internationale du film).
- Le général yuan Rambulhua (Rongguang Yu), est le strict opposé du général Choi Jung, plus âgé, plus sage et soucieux de la vie de ses hommes. Il est très malin. Il sait reconnaître le talent des personnes, notamment celui de Yee-Sol. Il a une grande admiration pour ce dernier.
- Le jeune et inexpérimenté Dan-Saeng (Han Yeong-Mok) enrôlé alors que sa jeune fiancée était enceinte.

Aucun des personnages de second plan n’est par ailleurs négligé, grâce à la réalisation de Kim Seong-Su, qui accumule des petites séquences nous montrant leurs états d’âmes et leur psychologie. Il n’y a pas de personnages négligeables dans ce récit. L’interprétation des acteurs est juste, colle parfaitement aux personnages. En plus, ils ont des "gueules" ! Le rôle de Zhang Ziyi, même s’il présente de grosses similitudes avec celui qu’elle tenait dans Tigre & Dragon, est totalement différent. En ce qui me concerne, le coup de cœur est pour Ahn Seong-Gi et Rongguang Yu (ce dernier est charismatique, éblouissant et statuesque dans son rôle du général Yuan), mais aussi Seok-Yong Jeong et Hye-Jin Yu qui dans les rôles, respectivement, de Ha-Il (celui qui se bat avec un épieu) et Du-Chung (le barbu) deux des hommes d’armes, sont excellents.

Emotionnellement et symboliquement, certaines scènes, grâce à l’alchimie de tous les éléments réunis dans ce film, sont fabuleuses !! Les coupes opérées par rapport à la version intégrale coréenne, bien que d’un peu plus de vingt minutes, n’altèrent pas trop la portée du film (contrairement à Gojoe). Un message sous jacent est délivré par ce film, sur le rapprochement des cultures du sud-est asiatique. On peut également symboliquement y voir l’espoir de la réunification des deux corées.

Le réalisateur Kim Seong-Su, lors de la conférence de presse du Festival de Deauville, disait d’ailleurs que d’après lui, les pays du sud-est partageaient un énorme héritage commun, et que cela devrait être un facteur de rapprochement entre ces pays, ces cultures (cf. interview de Kim Seong-Su).

Pour résumer, ce film n’est pas loin d’être un chef-d’œuvre. En tout cas, c’est le petit bijou de cet été à ne pas manquer. Je ne peux que vous exhorter à le voir, et pour ceux qui auront aimé à vous procurer la version Coréenne intégrale en DVD.

Deux éditions de Musa sont disponibles en DVD coréen : l’une (comprenant deux disques) contient la version intégrale du film ainsi que bon nombre de suppléments ; l’autre ce même double DVD accompagné d’un livre de photos - mais cette dernière est aujourd’hui presque épuisée !

- Article paru le vendredi 23 août 2002

signé Kaelu San

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