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Japon | Hors-Asie

The Passenger

France - Canada - Japon | 2005 | Un film de François Rotger | Avec Yusuke Iseya, Gabrielle Lazure, François Trottier, Kumi Kaneko, Yosuke Natsuki, Ryo Kase, Veroushka Knoge

Hiroko, toute de sailor vêtue en salle de classe, n’écoute pas son professeur. La belle asiatique, froide comme le Canada dans lequel se perd l’amour dont son père l’a séparée, dessine, ne remarque pas que son prof, livre entre les mains, s’approche d’elle. Pourtant tout le monde autour d’elle sourit, rigole même ; aussi Hiroko porte-t-elle enfin son regard sur sa voisine, qui la regarde tout en effectuant avec ses doigts sous son pupitre, le compte à rebours de la sentence à venir – qui ne nous est pas montrée pour autant. A l’image de cette séquence, The Passenger, premier long métrage du franco-canadien François Rotger, est un film qui passe son temps à s’anticiper, en se faisant fort d’éluder la réalité des relations qu’il fracture, dans la laideur de banlieues industrielles symétriques, entre le Japon et le Canada.

The Passenger pourtant, prend pour soutien narratif une trame classique d’argent subtilisé, qui met en péril famille et proches sous la pression de yakuza peu conciliants. Mais Rotger approche le genre avec une passion pour l’ellipse, construit ses transitions et collisions tues à l’aide d’indices visuels qui pourraient tisser une simple trame de fil blanc, si les images ne s’appelaient pas si logiquement et silencieusement les unes les autres, palliatifs d’explications devinées dans les oublis volontaires du montage. The Passenger dans cet éther, relationnel et émotionnel, que l’on devine en impasse, est presque un film d’anticipation ; impression que renforce la bande son de Dan Levy, fabuleuse aspiration synthétique que vient compléter, sans heurts, la voix envoutante d’Olivia Merilahti.

Cette histoire entre deux antipodes, plus qu’une histoire de gangsters, est un portrait de séparations. Hiroko est séparée de Kohji depuis plus de trois ans, après que son père, Sando, mafieux ou assimilé, les ait surpris à coucher ensemble. Kohji donc, est séparé de sa belle mais aussi, on le devine, d’un mentor ou même d’un père de substitution ; de son pays ainsi que, dans son activité de gigolo sans orientation, de son identité sexuelle. Sando lui, a été trahi par Tanner, qui l’a dépossédé d’une somme d’argent liée à des paris sur des courses de chiens, que les yakuza sont bien décidés à récupérer. Tanner pour sa part, est volontairement éloigné de la belle Viv, femme d’âge mur en lutte contre l’emprise du temps, qui peine à admettre sa solitude et paraît presque séparée d’elle même. Tandis qu’Akira, mafieux violent penché sur la mèche, vit sa propre séparation dans la proximité refusée de Hiroko. Et c’est à Kojhu de donner corps à cet édifice instable d’individualités, dépêché au Canada pour abattre Tanner et récupérer l’argent. Kohji, qui par son existence exclusivement charnelle, s’immisce dans l’intimité superficielle de chacun des protagonistes ou presque, passager éphémère de leurs solitudes.

Il est étonnant de voir Yusuke Iseya, héros de Casshern et autres Sukiyaki Western Django, devenir une espèce d’icône asexué devant la caméra d’un ancien photographe de mode, tandis que la belle Gabrielle Lazure, sans fard ni artifice, apparaît sans cesse plus enlaidie dans sa quête de jeunesse. Les deux sont constamment à nus, littéralement et humainement, et portent des fêlures complémentaires dont on comprend aisément l’attraction, que Rotger concrétise d’ailleurs à l’écran. Kumi Kaneko elle, dans sa beauté presque frigide, est certainement plus proche de l’univers des catwalks et impose une distance naturelle avec le personnage de Kumiko ; même dénudée, cette figure transitoire, ni fille ni femme, est insaisissable et synthétise parfaitement le cinéma à la fois froid et séduisant de François Rotger. D’aucuns y verront sans aucun doute un certain maniérisme photogénique ; The Passenger incarne toutefois à mes yeux un juste milieu remarquable entre le visuel et le narratif, l’évident et le non dit, cinéma d’un entre-deux d’autant plus étonnant qu’il s’incarne dans un grand écart, géographique et culturel.

The Passenger est édité en DVD zone 2 par Spectrum Films, depuis le 1er décembre 2009. L’édition reproduit proprement l’image numérique du film, et s’enrichit non seulement d’un commentaire du réalisateur et de son carnet de bord mais aussi, initiative bienvenue, de la superbe BO de Dan Levy et Olivia Merilahti.
Remerciements à Spectrum Films et Antoine Guérin.

- Article paru le vendredi 4 décembre 2009

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