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Japon | Festival des 3 Continents 2012

Kaza-Hana

Japon | 2000 | Un film de Shinji Somai | D’après le roman écrit par Sho Narumi | Avec Kyôko Koizumi, Tadanobu Asano, Shohei Takahashi, Akira Emoto, Yoshiko Kayama, Shingo Tsurumi, Kumiko Asô, Kippei Shiina

Shinji Somai nous entraîne dans un - son - ultime voyage vers la maturité...

Yuriko (Kyôko Koizumi), "hôtesse" dans un bar tokyoïte, vit seule dans la capitale. Partie de son Hokkaido natale cinq ans auparavant, elle a tout laissé de son ancienne vie derrière elle, y compris sa fille qu’elle n’a pas revue depuis. Sawaki (Asano), jeune homme à la carrière prometteuse dans la fonction publique nippone, s’enferme dans l’alcool pour oublier son existence sans intérêt à ses yeux. Ces deux êtres que rien ne semble lier, se retrouvent l’un et l’autre sous un arbre, endormis... Ils se réveillent, mais Sawaki, étonné de voir cette jeune femme à ses côtés, ne parvient pas à se souvenir qui elle est et comment ils sont arrivés là. Après quelques explications, il s’avère que durant la nuit, ils décidèrent de partir ensemble à Hokkaido, afin d’y mourir. Le couple fortuit décide malgré tout de partir. Au fur et à mesure de leur "périple", Sawaki va se remémorer l’origine de son envie de fuir, et Yuriko va se replonger dans sa vie passée ...

Dernier film de feu Shinji Somai [1], Kaza-Hana est au road movie ce que le haiku est à la poésie : dépouillé au maximum pour que n’en subsiste que l’essence même d’une pureté gorgée de sens.

...car il s’agit bien d’un road movie, qu’on le veuille ou non. Et pourtant, Kaza-Hana se situe à des années lumières de la définition incombant à ce genre cinématographique ; ici, les héros n’ont rien d’héroïque, et le but de leur voyage n’est pas d’atteindre quelque chose, mais au contraire d’en terminer avec la vie ; une vie de solitude, d’isolement (amoureux ?), bien trop difficile à surmonter seul... Alors que le récit progresse, Yuriko et Sawaki vont voir leurs - rares - repères concrets se volatiliser - Yuriko va se voir refuser par sa mère le droit de voir sa fille, et Sawaki va apprendre que son ex-future brillante carrière est terminée -... le chaos prend le dessus, et l’échéance ultime ne laisse plus aucun doute dans leurs esprits...

Eternel cinéaste de l’adolescence, Somai avait la faculté de rendre le moindre geste du quotidien beau et empli de sens. Si Kaza-Hana traite de la mélancolie d’une vie meilleure - passée ou imaginée -, c’est avant tout d’une parabole sur la société nippone dont il s’agit ; Somai passe en revue les grands maux qui touchent ses congénères, du racisme (concrétisé ici par Sawaki, très irrespectueux vis-à-vis des habitants d’Hokkaido) à l’éducation, en passant par l’image que renvoie une femme seule... Le maître-mot de Kaza-Hana est l’échec ; un mot proscrit dans l’inconscient collectif nippon. L’échec qui poursuit nos deux personnages, y compris dans leur désir de disparaître...

Au fur et à mesure de leur voyage, Yuriko et Sawaki vont voir leurs caractères évoluer ; plus ils se rapprochent de leur destination "géographique", plus ils s’éloignent de leurs carcasses de citadins moribonds, et par là même de leurs pensées morbides... comme si Tokyo était une prison dans laquelle la pensée est proscrite. C’est à une (re)naissance que l’on assiste, progressive, non sans mal, parfois même dans un grande détresse, mais en fin de compte positive, comme toute épreuve surmontée...

C’est l’éclectique Tadanobu Asano qui prête ses traits à Sawaki, dans un rôle d’alcoolique qu’il a visiblement pris beaucoup de plaisir à endosser. Quant à Yuriko, elle est interprétée avec un talent indéniable par la méga star nippone Kyôko Koizumi (ou ’Kyon Kyon’), chanteuse, actrice, écrivain... C’est à peine âgée de quinze ans, en 1981, qu’elle remporte la finale de l’émission Sutâ Tanjô (la musiqueuhhhh, oui la musiqueuhhhh... pardon) ; depuis elle a joué dans un nombre assez impressionnant de Dorama (Papa to Nâchan, Aishiatteru Kai, Mada koi wa hajimaranai,...), et est apparue au cinéma dans une douzaine de films dont récemment Odoru Daisôsasen : The Movie (Bayside Shakedown de Katsuyuki Motohiru /1999). ’Kyon Kyon’ n’est autre que Madame Masatoshi Nagase à la ville. On retrouve tout le long de Kaza-Hana, des apparitions de choix tel Akira Emoto (Kanzo Sensei, Another Heaven), Kippei Shiina (Gonin, Kinyu Fushoku Retto : Jubaku), Kumiko Asô (Kairo, Stereo Future), et le génial Shingo Tsurumi (Samehada Otoko to Momojiri Onna, Freeze Me), qui retrouve ici le réalisateur de ses débuts [2]. Quant à la partition musicale du film, elle est signée Yoshihide Otomo [3], l’un des musiciens les plus talentueux de notre époque, dont la richesse musicale des projets semble inépuisable...

Road movie contemplatif, film d’une rare beauté visuelle, mais également teinté d’un désespoir nonchalant, Kaza-Hana est tout simplement un film d’une richesse inouïe, tant sur le plan formel que sur le fond. C’est lors d’une danse sous des flocons de neige aux allures de pluie de diamants que Shinji Somai nous prouve une seule chose : son amour inconsidéré pour la Vie et ses petits "riens"... bon voyage Somai-san !

DVD | Toshiba - Taki Corporation | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : Magnifiques ! Le transfert anamorphique rend hommage à la sublime photographie de Hiroshi Machida. | Son : Un mono exemplaire. | Suppléments : Making of (28’) très instructif, double interview de Kyôko Koizumi et Tadanobu Asano, 2 spots TV, trailer, et mini bio/filmo des acteurs (Koizumi, Asano, Asô, Tsurumi,...) et de l’équipe "technique" (Somai, Otomo,...).

Ce DVD contient des sous-titres anglais optionnels !

[1Cf. article Typhoon Club.

[2Shingo Tsurumi, alors jeune ado (16 ans), joua aux côtés de Hiroko Yakushimaru dans le premier film de Shinji Somai, Tonda Kappuru (Tonda Couple /1980).

[3La place me manquant, si vous désirez en apprendre plus sur l’univers musical du génial Otomo, rendez-vous sur ce site : http://www.japanimprov.com/yotomo.

- Article paru le lundi 11 février 2002

signé Kuro

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